Réforme des retraites : la bataille de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé a commencé

Publié le 11 octobre 2013 par Axelle Minet

C’est l’un des points cruciaux du projet de loi réformant les retraites, pour les personnes handicapées. Leurs associations veulent obtenir que le gouvernement revienne sur les conditions permettant aux travailleurs handicapés de prendre leur retraite anticipée à taux plein, entre 55 et 59 ans.

Jusqu’à présent, cette possibilité est ouverte, sous conditions de réunir une durée d’assurance minimale et de totaliser une certaine durée cotisée, aux personnes justifiant, pendant toute la durée d’assurance et toute la durée cotisée exigées, d’un taux d’incapacité au moins égal à 80 % ou de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Seuls 1 000 nouveaux pensionnés supplémentaires bénéficient chaque année de cette retraite anticipée, ce qui représente un coût annuel supplémentaire de 18 millions d’euros. Le texte, débattu par le Parlement, prévoit d’abaisser le taux d’incapacité exigé de 80 à 50 %, « une très bonne initiative » selon les associations, mais aussi d’écarter les personnes n’ayant que la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), ce qu’elles déplorent. Cela reviendrait à « résoudre une injustice en en créant une autre ». Pourquoi le gouvernement a-t-il choisi cette position ?

L’argumentation officielle ne tient pas

Officiellement pour une raison de principe : la RQTH « repose sur une démarche d’insertion dans l’emploi (…). En devenant un critère alternatif pour bénéficier d’une retraite anticipée (…), la RQTH constitue désormais une prestation sociale différée, bien différente de sa vocation première ». Mais aussi « afin de ne pas léser certains assurés ». Car de « nombreux assurés n’ont pas demandé le bénéfice de la RQTH pendant les périodes où ils travaillaient alors qu’ils auraient pu en bénéficier », précise le projet de loi. Et il n’est pas possible d’obtenir la RQTH rétroactivement alors que le taux d’incapacité permanente peut, lui, « se présumer pour le passé au vu des dossiers notamment médicaux », explique l’étude d’impact. Le gouvernement propose donc de faire tomber « la condition de RQTH, jugée complexe et peu revendiquée, au profit d’un abaissement du taux d’incapacité minimal ». Pourtant, la moitié des quelque 1 000 personnes ayant bénéficié en 2011 de la retraite anticipée ont fait valoir leur RQTH et non leur taux d’incapacité.

Abaisser ce taux de 80 à 50 % est certes une très bonne chose, même si les autres critères restent inchangés et demeurent très restrictifs (concernant la durée d’assurance, par exemple, pour partir à la retraite à 55 ans, il faut justifier 120 à 126 trimestres validés, soit 30 à 31,5 années, en ayant ce taux d’incapacité, ce qui exclut toutes les personnes devenus handicapées tardivement). Mais rien n’obligeait le gouvernement à assortir ce progrès -l’abaissement du taux- d’un recul -la suppression du critère de la RQTH, qui est aujourd’hui indépendant de celui du taux d’incapacité (il faut remplir l’un ou l’autre). Rien si ce n’est sans doute la volonté de limiter le nombre d’ayants droit.

830 000 travailleurs reconnus handicapés

Si la retraite anticipée pour handicap a été créée en 2003, l’extension de ce droit aux titulaires de la RQTH n’a été introduite qu’en 2010, par la loi Fillon sur la réforme des retraites. Une décision dont le gouvernement de Jean-Marc Ayrault craint peut-être que le coût n’explose dans les années à venir. Aujourd’hui, peu de personnes ayant la RQTH sont à même de faire valoir leur droit à la retraite anticipée : cette reconnaissance, créée en 1975, a surtout été popularisée avec la création de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés en 1987, il y a 26 ans. Mais le nombre de travailleurs reconnus handicapés atteint aujourd’hui 830 000. Et seule une petite partie d’entre eux -le nombre est inconnu- pourrait potentiellement justifier d’un taux d’incapacité supérieur à 50 %… Les autres, les plus nombreux, ne pourraient plus prétendre à la retraite anticipée pour cause de handicap. L’Union nationale des entreprises adaptées estime ainsi que cette mesure « va exclure demain des possibilités d’un juste départ en retraite les salariés handicapés d’entreprises adaptées. »

L’enjeu est donc d’importance. Pour les associations de personnes handicapées, qui sont montées au créneau, comme pour le gouvernement. À ce stade du débat, la ministre des affaires sociales, Marisol Touraine, s’est dit prête à accepter que le critère de la RQTH « puisse s’appliquer de manière transitoire, par exemple jusqu’au 31 décembre 2015 », « de manière à répondre aux préoccupations de ceux qui sont sur le point de partir en retraite ». Un -petit- premier pas…. Franck Seuret – Photo DR

Actualisation de l’article :

L’Assemblée nationale a adopté, le 15 octobre en première lecture, le projet de loi amendé. Le critère de la RQTH est conservé pendant les deux prochaines années : « Pour les périodes antérieures au 31 décembre 2015, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé est prise en compte. » Autrement dit, les personnes demandant leur retraite anticipée avant le 31 décembre 2015 pourront faire valoir leur RQTH ou leur taux d’incapacité supérieur à 50%. Pour les demandes après cette date, seul sera pris en compte le taux d’incapacité supérieur à 50%. F.S

 

 

Comment 1 commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site est protégé par reCAPTCHA et la Politique de Confidentialité de Google et l'application des Conditions d'Utilisation.