La Cour des comptes appelle à réformer « l’inégalitaire » et « incohérente » politique fiscale du handicap

Publié le 24 février 2014 par Axelle Minet

« La fiscalité liée au handicap est un empilement de mesures sans cohérence. » Dans son rapport annuel, rendu public mi-février, la Cour des comptes épingle la politique fiscale du handicap.

« En prenant en considération davantage l’origine du handicap que son degré de gravité, et en tenant insuffisamment compte des revenus des personnes concernées, le dispositif fiscal peut introduire, voire renforcer, des inégalités de revenu entre les personnes handicapées elles-mêmes », notent les magistrats. Le passionnant -et rare- rapport de la Cour en cinq questions-réponses.

Combien coûtent les mesures fiscales en faveur des personnes handicapées ?

Soixante-quatre mesures du Code général des impôts comportent au moins une disposition relative au handicap, à l’inaptitude, à l’invalidité ou à la dépendance : demi-part supplémentaire pour les titulaires d’une pension ou d’une carte d’invalidité, exonération des taxes d’habitation et foncière, etc. La Cour des comptes estime leur coût entre 3,5 et 4 milliards d’euros (Md€). À cela s’ajoutent des exonérations de charges sociales, sur les aides à domicile entre autres : elles représentent un budget d’environ 2,6 Md€. Soit autour de 6 Md€ au total. À comparer aux 60 Md€ supplémentaires que consacrent, selon la Cour des comptes, l’État, les collectivités territoriales et les autres organismes publics à la politique du handicap au sens large. Non négligeable ! 6 Md€, c’est 75 % du budget de l’allocation adulte handicapé.

Ces mesures sont-elles pertinentes ?

Les mesures fiscales destinées aux personnes handicapées résultent « de multiples décisions qui se sont sédimentées au fil du temps », depuis les années 20 pour les plus anciennes. D’autres sont très récentes comme l’exonération de la taxe sur les véhicules polluants (2008). « Quelques dépenses fiscales n’ont pas fait l’objet d’un effort suffisant d’actualisation », regrette la Cour. Elle déplore notamment « l’absence de mise à jour régulière », « pénalisante » pour les personnes concernées, des listes de matériels auxquels s’appliquent le crédit d’impôt pour l’équipement de la résidence principale ou bien le taux réduit de TVA (5,5 %) pour l’appareillage des personnes handicapées.

Ces mesures sont-elles justes ?

Non, elles sont doublement inégalitaires :

– « Le système fiscal est facteur d’inégalités selon l’origine du handicap. » Les victimes d’un accident du travail et d’un accident de la route ayant le même taux d’incapacité ne bénéficieront pas systématiquement du même traitement fiscal. Exemple : le titulaire d’une rente d’accident du travail ayant un taux d’invalidité de 49 % peut cumuler les avantages de trois dépenses fiscales (exonération de la pension, abattement forfaitaire si les autres revenus sont modestes, demi-part supplémentaire) alors que le titulaire d’une pension civile d’invalidité présentant un handicap similaire ne bénéficie d’aucune de ces mesures ;

– « L’avantage fiscal découlant des mesures accordées aux personnes handicapées est beaucoup plus important pour les familles aux revenus élevés que pour les foyers à revenus modestes. » Seules les mesures fiscales relatives à l’aménagement du logement et aux aides à domicile peuvent en effet donner lieu à crédit d’impôt et non à simple réduction (à la différence d’une réduction d’impôt, un crédit d’impôt est remboursé au contribuable même si ce dernier est non imposable). Bénéficier des autres mesures implique donc d’être soumis à un niveau d’impôt suffisant, et donc « de disposer de revenus substantiels ».

Qui bénéficie de ces mesures fiscales ?

« Un faible nombre de contribuables tirent un avantage effectif des dépenses fiscales. » Exemple : à peine plus du tiers des 1,35 million de contribuables déclarant un handicap ou une invalidité pour eux-mêmes ou pour leur conjoint voient leur impôt sur le revenu diminuer du fait de l’attribution de la demi-part supplémentaire. Et seuls 200 000 foyers obtiennent une réduction d’impôt au titre des dépenses pour les personnes dépendantes en établissements spécialisés alors que 900 000 y sont accueillies. « Pour les autres, il est impossible de distinguer celles qui ont un revenu trop faible pour être imposées et celles qui méconnaissent l’avantage fiscal auquel elles auraient droit. »

Que préconise la Cour ?

Dans son rapport annuel, la Cour recommande d’« actualiser périodiquement » les listes d’appareillages, équipements de logements, etc. ouvrant droit à un avantage fiscal. Mais aussi de « procéder à un réexamen d’ensemble des mesures fiscales et sociales dans le but d’améliorer leur articulation ». Chiche, répondent les associations de personnes handicapées. A condition toutefois de prendre aussi en considération les limites des prestations sociales et notamment de la prestation de compensation du handicap… Franck Seuret – Photo impots.gouv.fr

 

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