Des médecins emplis d’« empathie » pour les personnes handicapées refusent l’obligation de mise en accessibilité

Publié le 7 mai 2014 par Valérie Di Chiappari

« Les dérogations sur trois ans ne sont qu’un délai supplémentaire de mise à niveau et ne font que déplacer dans le temps l’inapplicabilité de la loi. » Les agendas d’accessibilité programmée (Ad’ap) ne satisfont pas les médecins des Alpes-Maritimes.

Dans un communiqué du 26 mai, la Confédération des syndicats médicaux de France 06 (CMSF 06) souligne que « dans de nombreux cas (…) la mise aux normes des locaux des médecins libéraux est impossible sauf à envisager des investissements considérables ». Cette loi « risque de créer des déserts médicaux en centre-ville ».

Des médecins volontairement “hors-la-loi”

La CSMF 06 oublie simplement de préciser que la réglementation offre la possibilité de dérogations en cas d’impossibilité technique ou de « disproportion manifeste entre les améliorations apportées et leurs conséquences ».
Pour ce syndicat, les médecins devraient être exonérés de cette obligation de mise en accessibilité. Et donc être autorisés à ne pas respecter la loi de février 2005. Surtout que «  les professions médicales ont, par essence, une empathie pour les personnes atteintes de handicap ».

Des visites à domicile en cas de cabinets inaccessibles

La CMSF 06 demande donc simplement qu’« un répertoire des professionnels de santé capables d’accueillir les personnes handicapées soit édité (…). Sans compter qu’en ce qui concerne les médecins traitants, les visites à domicile permettent de contourner toute difficulté d’accès. »

Comment 4 commentaires

C’est exactement ce qui va se passer, il y a tant de députés médecins qu’ils feront passer n’importe quoi! Ma dentiste a déménagé pour pouvoir devenir accessible aux P. Handicapées…un exemple!
Quant à parler de “visites A DOMICILE”, de qui se moque-t-on? La nouvelle tendance chez les médecins : plus de visites à domicile! Alors que devient-on dans ce désert médical? Babette 76

Je suis particulièrement agacée par ces médecins qui viennent nous dire qu’ils ne peuvent pas se mettre aux normes sans mettre la clé sous la porte et que c’est absurde de leur imposer d’être accessibles dans la mesure où ils visitent volontiers leurs patients PMR à domicile.
Alors, de une, je n’ai encore jamais vu de spécialiste se déplacer à domicile… Les PMR n’auraient-elles droit qu’au généraliste? Alors, on va me dire qu’elles peuvent consulter à l’hopital… Mais pourquoi n’auraient-elles pas le choix quand les autres l’ont? Et puis, si tous les hopitaux avaient des cabinets de consultation accessibles, ça se saurait… Cabinet trop exigu pour rentrer le fauteuil, table trop haute, etc. Sans parler du médecin qui vous dit lors de votre consultation à l’hopital “mais vous auriez dû le dire au téléphone, que vous étiez handicapé, je ne suis pas équipé pour vous recevoir”…
Et de deux, les horaires de visites à domicile sont peu compatibles avec la vie professionnelle d’une PMR 100% active. Je n’ai jamais vu de médecin qui fait des visites à domicile à 19H… Alors que, si le cabinet était accessible, il suffirait de prendre rdv après son travail, comme tout le monde.
Et de trois, on ne cesse de répéter que, pour faire faire des économies à la sécu et être mieux soigné, il est préférable de consulter le médecin à son cabinet lorsque c’est médicalement possible, afin notamment que le médecin ait son matériel et ses dossiers. Pourquoi est-ce que la sécu devrait payer des visites à domicile pour que les médecins n’aient pas à se mettre aux normes? Et pourquoi est-ce que les PMR devraient se résoudre à des soins de moins bonne qualité?

si en 1975 la loi avait prévu l’obligation de l’accessibilité en cas de création ou de changement de cabinet médical ou de magasin, en cas de changement de propriétaire ou de destination d’un local recevant du public tout serait terminé aujourd’hui.
Bien sur ce n’était pas un objectif électoral!

Un malade atteint d’un handicap est-il vraiment un malade comme les autres ?
Telle est la question, un peu provocatrice je l’admets, que je me suis posé à l’issue d’un parcours médical suivi (pour ne pas dire subi) tout au long de ces trois derniers mois.
Je suis donc un sépien de 61 ans qui est privé de l’usage de ses jambes et qui, entre autres, éprouve également des difficultés pour utiliser ses bras et ses mains ; étant précisé que la tête, elle, m’est restée encore… assez fidèle !…
Tout d’abord je me suis décidé au cours du mois d’avril à aller consulter un dentiste.
Le premier obstacle auquel je fus confronté a été – évidemment et comme dans toutes les villes de notre pays – de trouver un praticien dont le cabinet est accessible aux PMR qui, de plus, se déplacent comme moi au moyen d’un scooter électrique ce qui, souvent, se révèle être une difficulté supplémentaire pour entrer dans un ascenseur notamment.
La seconde préoccupation porta ensuite sur la capacité dudit praticien à prendre en compte mon handicap (paralysie des jambes et déficience partielle des bras) afin que je puisse bénéficier de soins dans les meilleures conditions possible tant en termes de confort (matériels modulables) que de prise en charge adaptée de la part de l’équipe médicale.
Après de nombreuses recherches et grâce à l’aide précieuse de ma fille, « l’oiseau rare » fut débusqué au sein d’un cabinet installé de plain-pied dans un immeuble situé, certes, à plus de 800 m de mon domicile mais qui est dirigé par deux jeunes dames dont les compétences professionnelles n’ont d’égal que leur bienveillance et leur obligeante attention à mon égard.
Puis, il me fallut consulter un ophtalmologiste pour une suspicion de cataracte sur l’œil droit ; l’œil gauche ayant déjà été opéré il y a plusieurs années.
Là encore, il me fallut trouver un cabinet accessible aux PMR ; les trois cabinets de ma ville et celui de la commune la plus proche (9 km) ne l’étant pas !… car tous sont situés dans de vieux bâtiments, souvent de caractère bourgeois, qui ne paraissent pas être éligibles à la mise aux normes réglementaires et obligatoires !…
De plus ces cabinets, pourtant équipés de matériels tout à fait modernes, ne sont pas en mesure de prendre en charge une personne qui ne possède pas l’autonomie nécessaire pour s’installer, seule, sur le siège dont sont pourvus ces appareils de mesure optique.
Une fois encore, ma fille, qui accompagnait sa belle-mère à une consultation chez un ophtalmo installé dans une ville située près de Genève à plus de 40 km de chez moi, prit l’initiative de plaider ma cause auprès de ce médecin qui lui fixa un rendez-vous pour les quatre semaines suivantes alors que la plupart de ses confrères ne pouvaient pas en proposer un avant… six à sept mois.
Mais, avant tout, le choix de ce cabinet résidait essentiellement dans le matériel dont était équipé ce tout nouveau centre d’ophtalmologie dirigé par six médecins : de nombreuses salles de consultations munies des derniers équipements dont une des particularités est de se mettre au niveau des patients et non… l’inverse.
Inutile de vous dire que cette consultation se déroula dans d’excellentes conditions mais… aux frais de la Sécu en raison de la prise en charge des frais de transport en véhicule adapté !…
Enfin, début juin, des accès d’hypertension artérielle m’obligèrent à consulter mon médecin traitant qui, après m’avoir prescrit un premier traitement, me dirigea vers mon cardiologue.
Or, chez lui non plus, l’accès n’est pas possible et ses confrères, mieux installés, ne pouvaient me recevoir que dans un délai de six mois minimum dès lors que ma T.A. avait été stabilisée par ce premier traitement !…
Aussi, moyennant mon transport dans un simple fauteuil roulant (pour pouvoir entrer dans l’ascenseur) et à bord d’un véhicule adapté (merci la Sécu !…) je pus me rendre assez rapidement chez mon cardio.
Et là encore, la table de consultation n’étant pas adaptée pour recevoir une personne qui ne marche plus, je dus subir un ECG et une échographie du cœur en restant assis dans mon fauteuil roulant !…
Et c’est ainsi que fut mise en évidence une insuffisance cardiaque qui me conduisit le 22 juin suivant au Centre Hospitalier Régional d’Annecy pour y subir une coronarographie.
À l’instar de mes autres déplacements, j’y fus conduit la veille, ainsi que mon mini-scooter électrique d’appartement, par le même moyen de transport adapté.
Je fus donc admis dans l’unité « interventionnelle » du service de cardiologie chargée, entre autres, de pratiquer ce type d’investigation artérielle.
Arrivé dans ma chambre, je fus d’emblée confronté à la difficulté de monter sur mon lit dont la hauteur minimale était insuffisante pour effectuer aisément un transfert depuis mon mini-scooter. Puis, au moment de prendre une douche à base de bétadine, je dus réclamer une chaise douche qui, après avoir été empruntée dans un autre service, se révéla être en partie inadaptée à mes besoins… de plus, l’exiguïté des lieux fit que je tournais le dos au mélangeur et à la douchette ; m’obligeant ainsi à être douché par une aide-soignante !…
À ce stade, je dois quand même préciser que l’ensemble du personnel médical et de service fit en permanence et en toutes circonstances le maximum pour pallier avec compréhension et gentillesse l’insuffisance de matériel adapté dans leur service qui d’ordinaire ne reçoit pas de malades du cœur… qui, en plus, sont en état de handicap !…
Le lendemain matin, étant privé de l’usage de mes jambes, on m’emmena avec mon lit à la salle d’examens et mon transfert ainsi que mon installation sur la table d’examen se firent dans d’atroces douleurs car, depuis plus de dix ans, je dors avec le buste incliné à 40° et avec les jambes légèrement fléchies et ce, pour combattre des problèmes de spasticité particulièrement sévères. Heureusement, l’introduction de la sonde devant avoir lieu dans le bras droit et non dans l’artère fémorale cela permit le maintien de mes jambes en position largement fléchies. Cette position atténua en partie les douleurs dorsales.
À l’issue de l’examen, le cardiologue m’indiqua que je ne pouvais pas rentrer chez moi dans la journée car les points d’entrée dans l’artère du bras droit m’interdisaient tous appuis sur cette main au risque de déclencher une hémorragie et ce, pendant 48 heures.
Vivant seul chez moi et mon quotidien étant jalonné de fréquents transferts rendus possibles par l’appui sur mes mains et sur mes jambes spastiques, mon hospitalisation fut donc prolongée de deux jours. Et là, je vous fais grâce des difficultés rencontrées pour effectuer mes transferts pour le coucher, la toilette et bien d’autres choses encore dont la séance d’habillage pour rentrer chez moi !…
De retour à la maison, je découvrais un message téléphonique de mon hôpital qui me demandait de les rappeler pour finaliser un examen que je devais subir chez eux le 7 juillet prochain !
Je me rapprochais alors de mon cardiologue qui me précisa effectivement que si les résultats de la coronarographie ne débouchaient pas sur l’urgente nécessité d’une opération valvulaire celle-ci devait néanmoins être envisagée à plus ou moins long terme.
Dans cette hypothèse, se pose alors le problème de mon handicap : la privation de l’usage de mes jambes est « compensée » par mes déplacements avec un scooter qui nécessitent de fréquents transferts. Or, une chirurgie cardiaque demande une intervention particulièrement invasive au niveau de la cage thoracique qui rend difficile, voire impossible, l’accomplissement du moindre effort au niveau du torse et des bras et ce, durant plusieurs semaines après l’opération ; rendant nécessaire d’envisager une autre technique opératoire.
Voilà, résumées à l’essentiel, mes péripéties médicales de ces dernières semaines qui m’ont permis de prendre conscience avec plus d’acuité encore que dans le domaine de la santé, au même titre d’ailleurs que dans beaucoup d’autres de la vie quotidienne, si vous ne vous situez pas dans « la norme » alors l’accès à l’habillement, à certaines activités et à bien d’autres prestations vous est quasiment fermé.
En effet, ne vous est-il pas déjà arrivé chez un médecin ou à l’hôpital d’être pris de court pour remplir un questionnaire médical alors que vous avez beaucoup de difficultés à tenir un crayon, d’être confronté au déshabillage et à l’habillage, d’être placé face à la difficulté voire à l’impossibilité de monter et/ou de descendre d’une table d’examen qui, en plus, n’est pas modulable etc… toutes ces tâches en apparence si simples et que pourtant vous ne pouvez pas accomplir sans l’aide du praticien et/ou de son personnel ce qui suppose de leur part un minimum de compréhension, de bonne volonté ou tout simplement de bon sens mais, surtout… sans jamais avoir à faire appel à leur apitoiement ou à leur compassion…
C’est pour moi autant une question de respect en ne me renvoyant pas en permanence à la figure mon état de personne handicapée qu’une question de dignité personnelle en me laissant la possibilité de garder encore un peu d’autonomie… de me laisser le bonheur de me sentir encore capable d’accomplir seul un certain nombre de choses…
Dès lors, comment ne pas en vouloir aux médecins, au kiné et à d’autres encore (comme mon coiffeur…) qui, faute pour leur local professionnel d’être accessible, m’ont assuré de leur venue à domicile et auxquels j’ai répondu : vous avez raison, venez tous à la maison comme ça, moi, je ne sortirai plus et je vivrai complètement retiré de cette société qui clame partout et tout le temps que « la personne handicapée doit occuper toute la place qui est naturellement la sienne au sein de la communauté nationale. »

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