Handicap : dix bougies mouillées pour la loi de 2005

Publié le 9 février 2015 par Franck Seuret
La loi handicap de 2005 n’a pas produit tous les effets escomptés. © Jessica Diamond

Le 11 février 2005, le Parlement adoptait la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Dix ans plus tard, les avancées sont réelles, les limites aussi…

Auxiliaire de vie à domicileC’est l’une des plus belles avancées de la loi du 11 février 2005. La prestation de compensation du handicap (PCH) a remplacé l’allocation compensatrice tierce personne (ACTP). Elle a permis aux personnes les plus dépendantes de bénéficier de davantage d’heures d’aide humaine, jusqu’à 24 heures dans certains cas. Les anciens bénéficiaires de l’ACTP passés à la PCH ont ainsi obtenu en moyenne sept heures d’aide humaine par jour. Un véritable progrès puisque l’ACTP permettait tout juste de financer 1,5 à 2,5 heure(s) par jour. La PCH finance également, partiellement, l’aménagement du logement et du véhicule jusqu’alors à la charge des personnes.

Compensation : une meilleure couverture mais pas à hauteur des besoins réels

Malgré ces réels progrès, la PCH ne constitue pas la prestation accessible à tous, compensant toutes les conséquences du handicap et à hauteur des besoins réels, dont le texte de loi dessinait les contours. Elle ne couvre pas les besoins domestiques (ménage, courses…), ni les activités parentales (préparer à manger pour ses enfants, les emmener à l’école, etc.). Elle n’a jamais été étendue aux personnes devenues handicapées après l’âge de 60 ans, quand bien même la loi prévoyait explicitement de supprimer cette barrière d’âge.

De plus, les besoins de compensation sont souvent évalués a minima. Et cette tendance s’amplifie, les conseils généraux cherchant à diminuer le coût de la PCH. Enfin, les tarifs d’aide humaine accordés sont inférieurs au coût réel, générant de lourds restes à charge. Les plafonds fixés pour l’aménagement du logement (10 000 € pour dix ans) ou du véhicule sont également trop bas.

Personne fauteuil roulant attend tramway au MansAccessibilité : un espoir déçu…

La loi handicap de février 2005 avait suscité de grands espoirs. Elle rendait en effet obligatoire la mise en accessibilité de l’ensemble des établissements recevant du public (ERP) et des moyens de transports, avant début 2015. Cet objectif semblait difficilement tenable tant le chantier s’avérait titanesque. L’absence de pilotage politique l’a rendu impossible à respecter.

Le gouvernement Valls a donc accordé un délai supplémentaire de trois à neuf années, voire plus, aux gestionnaires s’engageant sur un calendrier chiffré de travaux à réaliser, un agenda d’accessibilité programmée (Ad’ap). Il a aussi élargi les possibilités de dérogation, de reports ou de suspensions. Dans les transports, par exemple, seuls les points d’arrêts prioritaires devront être rendus accessibles. Il a également assoupli les normes : des rampes d’accès amovibles suffiront à respecter la loi, dès lors qu’une sonnette est installée à l’entrée de l’établissement.

… mais une dynamique enclenchée

La loi de février 2005 a toutefois permis de donner un réel élan à l’accessibilité surtout dans les établissements publics, moins chez les commerçants et professionnels libéraux. Selon le baromètre APF, la note moyenne des 96 chefs-lieux départementaux est passée de 10,6 en 2009 à 14,14 en 2013. Une école primaire publique sur deux est aujourd’hui aux normes, tout comme quatre lignes de bus sur dix. Selon Ségolène Neuville, 30 % des ERP seraient accessibles. C’est certes insuffisant mais c’est bien mieux qu’il y a dix ans. Le nouveau dispositif réglementaire, beaucoup moins contraignant, risque de casser cette dynamique.

Éducation : un développement quantitatif…

lettres tableau noir

Tout enfant ou adolescent handicapé est inscrit dans l’école de son quartier. En formalisant ce droit, la loi de février 2005 a contribué à favoriser la scolarisation en milieu ordinaire. Certes, « lorsque ses besoins particuliers le justifient », l’élève peut être orienté vers un établissement médico-social. Mais l’école ordinaire, primaire ou secondaire, est devenue la norme.

Selon le ministère de l’Éducation nationale, le nombre d’élèves accueillis a augmenté de 80 % depuis 2004 pour atteindre 240 000, en 2013. Une progression rendue possible grâce au développement de l’accompagnement individuel à l’école avec les auxiliaires de vie scolaire (AVS). Le ministère a également augmenté le nombre de classes spécialisées, les Clis et les Ulis, au sein des établissements scolaires.

… qui doit s’accompagner d’un saut qualitatif

La grande majorité des AVS sont embauchés sur des contrats précaires et manquent de formation. Le gouvernement a certes engagé un plan de titularisation, en 2014, mais il s’étale sur six années et concerne seulement la moitié des AVS. Le nombre d’Ulis et de Clis reste insuffisant. Tout comme la formation des enseignants et l’adaptation des supports pédagogiques.

Droits : tout dans une seule maison…

Un guichet unique : les personnes handicapées en rêvaient ; la loi de 2005 l’a fait. Chaque Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) a mis en place une équipe pluridisciplinaire chargée d’évaluer de façon personnalisée les besoins des demandeurs. Leurs commissions des droits décident de l’attribution de l’allocation adulte handicapé, de la prestation de compensation du handicap (PCH), des orientations vers telle ou telle structure, etc. Ce groupement d’intérêt public est administré par le conseil général, les services de l’État, les organismes de protection sociale et les associations de personnes handicapées.

… dont les fondations vacillent

Mais les MDPH manquent de moyens pour remplir correctement leurs missions. Les délais de traitement des demandes sont donc trop longs, y compris pour des situations d’urgence. Les décisions se prennent de plus en plus sur dossiers et non en rencontrant l’usager. Par ailleurs, certains conseils généraux, gros contributeurs de la politique du handicap, cherchent à étendre leur mainmise sur le pilotage des MDPH afin de limiter les coûts.

Emploi : un coup de fouet…

La loi de février 2005 a donné un véritable coup de fouet à l’emploi des personnes en situation de Homme au travail dans un ESAT-EAhandicap. Entre 2006 et 2012, leur nombre a augmenté de moitié, pour atteindre 362 000, dans les établissements privés de vingt salariés et plus soumis à l’obligation d’employer 6 % de travailleurs handicapés. Cette obligation existe depuis 1987 mais la loi de 2005 a alourdi la contribution financière que les contrevenants doivent verser à l’Agefiph. Elle a également étendu ce dispositif de quotas aux fonctions publiques. Le nombre de travailleurs handicapés y a augmenté, dans des proportions toutefois moindres que dans le privé (+11 % entre 2008 et 2011, derniers chiffres connus).

… insuffisant pour diminuer le chômage

Pourtant, le nombre de demandeurs d’emploi en situation de handicap a explosé : de fin 2007 à juin 2014, il a plus que doublé et dépasse Pole emploi actu-06062013id382les 400 000. Deux raisons expliquent ce paradoxe. L’augmentation des effectifs de travailleurs handicapés dans les entreprises tient, pour partie, à la reconnaissance du handicap de salariés déjà en poste et non à l’embauche de demandeurs d’emploi handicapés. De plus, le vieillissement de la population française entraîne une forte augmentation du nombre de personnes ayant la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH).

Et puis, les efforts des employeurs n’ont pas été à la hauteur des enjeux. Le taux d’emploi n’a que faiblement progressé : de 2,3 % en 2006 à 3,1 % en 2012 dans le privé ; de 4 à 4,64 % dans le public.

Enfin, la politique de l’emploi a souffert des restrictions budgétaires. Le plan de création de 10 000 places en établissement et service d’aide par le travail, lancé en 2008, a été gelé. Le pacte pour les entreprises adaptées, avec 3 000 nouveaux postes à la clé, a été étalé sur cinq années (2012-2016) au lieu des trois prévues initialement. Pour ne rien arranger, depuis 2009, les gouvernements ont puisé à plusieurs reprises dans les caisses de l’Agefiph et lui ont transféré de nouvelles charges affaiblissant d’autant sa capacité d’action. Franck Seuret

Comment 7 commentaires

Enfin, un article équilibré sur la loi de 2005, au contraire des grands cris et lamentations de certains, personnes et associations. Etre journaliste est bien cela: des constats sur ce qui a été fait et sur ce qui reste à faire ou à parfaire. Aussi objectivement que possible. Disant cela, je rejoins V.C. sur ce qu’elle a écrit sur un article concernant un certain Dodo…

BAFOUEE LA LOI DE 2005,c’est pour celà que demain mercredi 11 février …………….10 ANS àprès qu’à DIJON LES BOURGUIGNONS MANIFESTERONT…….LES REPORTS D’applications des normes d’accessibilitées dans de nombreuses villes font que les personnes en situation de handicap comme de nombreuses personnes agées ne peuvent circulées,:maires conseils municipaux hontes a vous !!!!!!!!!!!!!!!!!

Je rejoints complétement Walter quant à son avis sur la qualité de cet article.
Cela étant, comment ne pas regretter amèrement que les objectifs de la loi de 2005 n’aient pas été atteints ! notamment, l’accessibilité dont les délais sont, une fois encore, repoussés de 3, 6 ou 9 ans. on peut aussi regretter les disparités existantes dans les prestations versées par les MDPH puisque, par définition, celles-ci dépendent de la “richesse” et de la volonté de chaque département ! donc, il vaut mieux vivre dans un département riche : lamentable ! où est donc, l’égalité de tous prônée par la République ?
De plus, ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le dire, avant de faire des travaux “techniques” pour rendre accessible n’importe quel bâtiment (privé, public, commercial ou professionnel) il faudrait faire des travaux “psychologiques” afin que le citoyen ait une autre approche du handicap : dès lors, les “vrais” travaux paraîtront évidents à tout un chacun…
dernière chose, déjà abordée : la prise en charge des fauteuils roulants et autres moyens de locomotion ! à quoi servira-t-il de pouvoir aller dans tous les bâtiments et dans tous les moyens de transport si la personne handicapée, elle, n’a pas accès… à ces fauteuils faute de moyens et d’aides en tous genres ?

Une loi c’est quoi une loi?2005 ou pas
Malgré la loi ils passent toujours au travers(public/privée même combat)et je parle pas du fait que nous travailleur handicapées ont géne.
Je m’explique en quelques années de services dans mon administration,j’ai du faire deux actions au tribunal administratif de Pau,et bien sur j’ai eu gain de cause,mais a chaque fois j’ai perdu deux ans,car mon administration par abus de pouvoir mon mis en maladie d’office ,suite au réserve faites par la médecine de prévention,certes le tribunal administratif de pau leurs ont fait la totale,mais après j’ai était mis au cachot,et si ça c’est pas de l’abus de pouvoir,et je vous rassure c’est une administration PUBLIC,j’ai tenu bon ,jusqu’a ma retraite,mais beaucoup de courriers joints Aux Ministéres Des handicapées, et de l’emploi sans réponses,et ce n’est pas avec une loi que l’ont est sauvé,au contraire, ça ce contourne une loi,preuve en est,ils trouvent toujours une bonne raison.
Pourquoi parce que ils ce donnent tout les droits de vouloir nous virer,sans motifs,et je remercie encore,le juge de tribunal de pau,par deux fois qui n’as pas céder,vu les comptes rendus Médicaux,et surtout le Médecine de prévention,de l’époque mais que ce fut dur moralement,d’être dans ces droits et d’être traiter comme ça,j’ai fait tout ça pour le respect et des droits au travail des Personnes handicapées,mais il y a beaucoup de boulot a faire encore,de ce côté la nos Gouvernements de 2007 et celui de 2012,n’ont rien fait de bon a ce sujet,pour faire respecté les mots LIBERTE EGALITE FRATERNITE,et franchement que faire si tout le monde s’en fous.
Donc oui le respect des lois,et celle de 2005 me préoccupe,et attention au futures lois macron=danger.
J’ai garder toutes pièces sur mes batailles,et un article local, si un jour,nos amis journalistes de faire face le souhaiter.
En deux mots bravo a l’apf pour votre aide,mais ce sont ceux qui bossent,qui doivent ce battre,comme je l’ai fait,et j’espére qu’un jour il y aura Le droit au travail pour tous.
Ce n’est pas pour demain?

Une petite précision qui peut paraître anodine mais qui sur le terrain a toute son importance : les ULIS-unités localisées pour l’inclusion scolaire-ne sont pas des classes spécialisées mais des dispositifs (il est question d’ailleurs que les Clis deviennent aussi des dispositifs me semble-t-il…). La classe de l’élève c’est une classe du collège. Ces dispositifs doivent permettre d’adapter le parcours scolaire et de proposer une organisation pédagogique adaptée aux besoins spécifiques de l’élève qui a vocation à suivre les cours de sa classe, tout ou partie. Dans les faits c’est un peu différent…

Je souffre de handicap psychique et suis travailleur handicapé dans la fonction publique. Il me semble que la loi permet de se faire soigner sur son temps de travail sans décompter son temps de soin. On me laisse uniquement aller me soigner et je m’épuise à rattraper mes temps d’absence. Qui saurait me dire s’il existe des textes qui me permettent de m’absenter sans avoir à devoir rattraper.

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