Accompagnement sexuel : que dit le droit ?

Publié le 13 mars 2015 par Élise Descamps

Depuis hier et jusqu’à dimanche 15 mars, se déroule la première formation d’accompagnants sexuels pour personnes en situation de handicap . Une initiative de l’Association pour la promotion de l’accompagnement sexuel (Appas ), basée à Erstein, près de Strasbourg. Cette formation accueille quinze stagiaires, neuf hommes et six femmes. Qu’en est-il du droit français sur le sujet ?

Former des personnes à devenir des accompagnants sexuels est-il légal ?

OUI – Au vu du programme fourni par les organisateurs expliquant comment il est possible d’exercer comme accompagnant sexuel (cadre légal, connaissances du handicap, mises en situation…), le Tribunal de grande instance de Strasbourg (TGI) a estimé, vendredi 6 mars, que la formation pouvait avoir lieu. Il répondait au référé de l’Appas pour rupture de contrat après que l’hôtelière, devant accueillir les stagiaires, s’était rétractée. Elle craignait d’être « complice de proxénétisme. »« Il n’apparaît pas que le risque de proxénétisme hôtelier soit caractérisé », a indiqué Dominique Vieilledent-Theate, la juge des référés civils.

L’activité enseignée est-elle autorisée ?

OUI et NON – Cette activité n’existe officiellement pas en France car elle est assimilée à de la prostitution. Aucun texte de loi n’établit comme interdit le fait de se prostituer mais le faire savoir (racolage) ou faciliter la prostitution d’autrui (proxénétisme), oui. En octobre 2012, dans un rapport, le Conseil consultatif national d’éthique a estimé qu’« il n’est pas possible de faire de l’aide sexuelle une situation professionnelle comme les autres en raison du principe de non-utilisation marchande du corps humain ». La juge des référés du TGI de Strasbourg l’a également rappelé : « La loi pénale en vigueur en matière de prostitution ne prévoit aucune dérogation particulière concernant l’accompagnement sexuel des personnes handicapées. »

Sur quels critères l’accompagnement sexuel est-il considéré comme de la prostitution ?

Pour la Cour de cassation (1996), « la prostitution consiste à se prêter, moyennant rémunération, à des contacts physiques de quelque nature qu’ils soient, afin de satisfaire les besoins sexuels d’autrui ». Or, il y a bien rémunération et la plupart du temps contact physique, ce qui est bien plus large que la seule pénétration. « Un massage tarifé, s’il est réalisé à des fins érotiques, même sans toucher les organes génitaux, est considéré comme de la prostitution. Que l’assistant sexuel soit touché ou touche la personne handicapée, qu’il soit nu ou pas ne change rien à cette qualification, si le but est de procurer un plaisir sexuel », indique Caroline Zorn, avocate de l’Appas. C’est pourquoi des salons de massage où les clients pouvaient payer des attouchements ont déjà été condamnés pour proxénétisme.

Gratuit, effectué par des bénévoles, l’accompagnement sexuel serait-il autorisé ?

OUI – Car il ne serait pas assimilé à de la prostitution. Mais « aucune autre forme de rémunération, même des cadeaux, ne serait possible », précise Me Caroline Zorn.

Sans contact physique, l’accompagnement sexuel serait-il autorisé ?

OUI – « Éveiller à la sensualité, montrer à quelqu’un comment il peut donner ou trouver du plaisir, lui procurer des objets pour l’y aider, installer en position pour faire l’amour un couple qui ne le pourrait pas tout seul, si cela n’implique pas de contact physique entre l’assistant et la personne handicapée, ne relèvent pas de la prostitution », estime Géraldine Chapurlat, juriste à l’Institut Formaneo, spécialisée dans le service aux établissements médico-sociaux. Le Comité consultatif national d’éthique l’a écrit : « L’aide apportée à un couple de personnes handicapées motrices dont aucune n’a la possibilité physique de se rapprocher de l’autre ne rentre dans le champ d’aucune incrimination. »

Les futurs accompagnants sexuels pourront-ils être poursuivis pour racolage ?

OUI – S’ils se font connaître. « Le fait par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d’autrui en vue de l’inciter à des relations sexuelles en échange d’une rémunération, » (article 225-10 du Code pénal) est puni de deux mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende.

L’Appas peut-elle être poursuivie pour proxénétisme si elle met en contact ses stagiaires avec des personnes handicapées ?

OUI – Selon les articles 225-5 à 225-12 du Code pénal, est assimilé au proxénétisme « le fait, par quiconque, de quelque manière que ce soit, d‘aider, d’assister ou de protéger la prostitution d’autrui ou de tirer profit de la prostitution d’autrui, d’en partager les produits ou de recevoir des subsides d’une personne se livrant habituellement à la prostitution ou encore d’embaucher, d’entraîner ou de détourner une personne en vue de la prostitution ou d’exercer sur elle une pression pour qu’elle se prostitue ou continue à le faire ». L’association n’embauche pas d’assistants sexuels et ne tire pas profit de ces derniers mais les mettre en contact avec des personnes handicapées serait considéré comme une aide à la prostitution, passible de sept ans de prison et 150 000 euros d’amende.

Marcel Nuss a déjà reconnu publiquement, notamment sur le site Faire Face, qu’il mettait en contact assistants sexuels et personnes handicapées. Pourquoi n’a-t-il pas déjà été poursuivi ?

« Ce n’est pas parce que l’infraction pénale est caractérisée qu’elle est suivie de poursuites, le procureur de la République ayant la faculté de les déclencher ou de ne pas les déclencher, selon le principe d’opportunité des poursuites. Dans le cas de l’accompagnement sexuel, on constate une certaine tolérance et le Comité consultatif national d’éthique a clairement mentionné cette hatitude laissée au ministère public. L’Appas parie que ce sera encore le cas », estime Géraldine Chapurlat.

Une personne handicapée faisant appel à un accompagnant sexuel peut-elle être poursuivie ?

NON – L’Assemblée nationale a voté, fin 2013, une loi dont l’un des articles pénalise l’achat d’actes sexuels d’une contravention de 1 500 euros et d’une amende de 3 750 euros en cas de récidive. Mais les sénateurs ont supprimé cette pénalisation l’an dernier et la loi est toujours en discussion au Sénat.

Les parents ou les établissements acceptant que leur enfant ou résidant ait recours à un accompagnant sexuel répondraient-ils, selon la loi, de proxénétisme ?

OUI théoriquement – Même fermer les yeux quand on n’a pas soi-même servi d’intermédiaire peut, dans une application stricte de la loi, ouvrir à des poursuites car le proxénétisme consiste aussi à « protéger la prostitution d’autrui ». Cependant, « les établissements sont liés par le secret professionnel », nuance Caroline Zorn, avocate de l’Appas. « Il me semble qu’il faut caractériser un acte. Une simple abstention ne pourrait être suffisante pour caractériser le délit, les parents ne peuvant pas contrôler les actes relatifs à la vie privée de leur enfant », estime Géraldine Chapurlat.

Pour envisager la légalisation de l’activité d’assistant sexuel, faudrait-il une modification de la loi ? 

OUI –  Sinon, elle tombe sous le coup du proxénétisme. Mais aucun projet de loi n’existe actuellement en ce sens. En l’état de la législation française, le Comité consultatif national d’éthique rappelle que, dans le Code pénal, les infractions relatives au proxénétisme figurent dans une section d’un chapitre intitulé “Les atteintes à la dignité de la personne humaine” et qu’il ne peut, par conséquent, pas y avoir d’exception autorisant une atteinte à la dignité. En 2011, l’ex-député UMP de la Loire, Jean-François Chossy, avait présenté une proposition de loi pour légaliser l’assistance sexuelle. Sans suite. Élise Descamps

Comment 8 commentaires

J’ai 24 ans. Bien entendu, je n’ai aucune vie sexuelle … ! C’est qu’en meme formidable qu’il faille toujours attendre des annees pour qu’en France les choses bougent ! Rendez-vous compte que des etres humains sont morts sans que personne ne se demande si l’on pouvait accompagner leurs besoins les plus elementaires. J’ aimerais que vous teniez au courant sur l’evolution de ce dossier. Je vous en remercie d’avance. Sinceres et respectueuses salutations.

Accompagnement sexuel : que dit le droit ?Moi franchement je constate que des lois cachent d’autres lois point barre.
Pourquoi nous les handicpés on as pas le droit de vivre en couple avec un(e) partenaire soit disent qu’un redicule plafond de ressources du conjoint (e) est prise en compte?Que mal on a fait à la societée pour suivre cette descrimination absurde?Pourquoi le gouvernement ne suprime pas le redicule plafond de ressources des conjoints (es) des personnes handicapés en nous laissent vivre dignement nottre amour en couple comme le reste de la societée?Il serais capital et resulue le probleme de la séxualitée pour 75% de handicapés si le redicule plafond de ressources disparaissait.
Cordialement.

Sans pessimisme exagéré, l’accompagnement sexuel reconnu et légalisé n’est pas pour demain dans ce pays de moralistes à deux balles qui est le nôtre. On légalisera les stupéfiants plus facilement que l’accompagnement sexuel des personnes handicapées, d’abord parce que les fumeurs de cannabis représentent un électorat plus intéressant politiquement que les personnes handicapées, en quoi l’Etat français, disons-le, ne voit qu’une population encombrante qu’il est incapable de gérer et encore moins d’intégrer. Ce faisant, on ne fait que favoriser le marché parallèle de la prostitution par petites annonces, et le système des sites de rencontres “spécialisés” sur internet, qui implique, pour les personnes handicapées, le danger de se trouver en présence de pervers.

Je ne ferais pas de grand commentaire, tes mots sont suffisamment fort et j’adhère totalement et partage ton point de vue.

pourquoi les politiques de notre pays s opstine t ils à rendre la vie des handicapés encore plus triste qu’elle ne l’est déjà juste un petit peu de bien-être et de plaisir ne serait pas du luxe pour les personnes handicapés alors chers têtes pensantes du gouvernement ouvrez-vous l’esprit et ne pas penser pas qu’a vous a quand cet aide sexuel,?

la différence en Afrique est que nous sommes libre sexuellement,et dans tout ce que nous entreprenons, mais n’avons aucun soutient du gouvernement par contre en Europe , les les personnes handicapées sont prise en charge, mais vivent dans des prisons dorées c’est à dire ne sont pas libre de leurs mouvements…ne peuvent avoir une vie de couple tant que le gouvernement vous vient en aide!!!pire que la prison

D’accord, tout le monde a le droit à une sexualité, moi ce qui m’inquiète, c’est le statut professionnel de ces personnes, si c’est encore pour être sous payer.
J’ai regardé certains articles, 40 euros la prestation, moi ça me pose problème.

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