Dépistage néonatal en France : jusqu’où poursuivre son développement progressif ?

Publié le 3 juin 2015 par Axelle Minet
Même si le bien-fondé de la démarche de prévention infantile des maladies graves reste controversé en France, quelque 36 hyperplasies congénitales des surrénales, 441 syndromes drépanocytaires majeurs et 105 nouveau-nés atteints de mucoviscidose ont été dépistés en 2013, par exemple. © AFDPHE

En quarante ans, le dépistage néonatal de maladies rares est devenu une véritable action de santé publique, touchant aujourd’hui plus d’un Français sur trois. Depuis sa mise en place en 1973 et jusqu’en 2013, 33 millions de nouveau-nés ont pu en bénéficier. Parmi eux, ont pu être détectés près de 20 000 porteurs d’une des maladies recherchées (la phénylcétonurie, l’hypothyroïdie congénitale, la drépanocytose, l’hyperplasie congénitale des surrénales, la mucoviscidose).

Permettre de repérer et traiter des enfants avant l’apparition des premiers signes cliniques irréversibles à l’origine de graves séquelles, notamment cérébrales. Tels sont les objectifs du diagnostic précoce. Le numéro 15-16 du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) du 12 mai 2015 de l’Institut de veille sanitaire (INVS) y dresse son bilan.

Quasiment 100 % de la population des nouveau-nés couverte

Michel Roussey du CHU de Rennes et Dominique Delmas de l’Association française pour le dépistage et la prévention des handicaps de l’enfant (AFDPHE) y indiquent qu’en 2013, 45 cas de phénylcétonurie classique ou atypique, 289 cas d’hypothyroïdie congénitale, 36 hyperplasies congénitales des surrénales, 441 syndromes drépanocytaires majeurs et 105 nouveau-nés atteints de mucoviscidose ont été dépistés. Les cas de faux-négatifs s’avèrent rares.

La couverture de la population des nouveau-nés atteint pratiquement 100 %. Preuve de l’efficacité de l’organisation de ces programmes avec les objectifs fixés, selon eux. Les refus de prélèvement sont « exceptionnels » : seuls 193 cas sur 829 763 nouveau-nés à tester en 2013. « Les parents comprennent facilement l’intérêt pour l’enfant d’être dépisté et traité », commentent-ils.

L’inclusion de nouvelles maladies dans le programme fait débat

Il n’en reste pas moins que le bien-fondé de cette démarche de prévention infantile des maladies graves reste controversé dans notre pays. « En raison du caractère systématique de l’approche qui introduit une notion d’intention collective de réaliser un diagnostic prénatal pouvant conduire à une interruption de la grossesse », rappelle Ségolène Aymé, médecin généticienne et directrice de recherche à l’Inserm, dans ce même numéro du BEH. En débat également : la pertinence d’étendre à d’autres pathologies le dépistage néonatal, aujourd’hui organisé par l’AFDPHE, sous la tutelle du ministère de la Santé et de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Les interrogations portent, par exemple, sur le déficit en MCAD (déficit en acyl-CoA-déshydrogénase des acides gras à chaîne moyenne) : la Haute autorité de santé a recommandé son dépistage depuis quatre ans « mais la décision ministérielle pour sa mise en place n’est pas encore intervenue », regrettent Michel Roussey et Dominique Delmas. Les déficits immunitaires combinés sévères (Dics) sont également concernés.

De son côté, Ségolène Aymé souligne dans le BEH que « pour qu’un dépistage collectif soit justifié, il faut que la maladie dépistée constitue un problème de santé publique par le nombre de personnes concernées et/ou la gravité de l’affection ; il faut aussi qu’existe une possibilité d’intervention efficace ou de décision importante dépendant du résultat du test ; il faut que le test soit performant ; il faut aussi que le bénéfice escompté s’adresse à la personne dépistée et non à des tiers ; il faut enfin que l’utilité clinique soit avérée. » Et d’ajouter que « très peu de programmes satisfont à tous ces critères ». Élise Jeanne

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