Désaccords sur les accords d’entreprise pour l’emploi des travailleurs handicapés

Publié le 16 novembre 2015 par Franck Seuret
De plus en plus d'entreprises, comme EDF, signent un accord en faveur de l'emploi des personnes handicapées.

François Hollande veut tripler le nombre d’accords d’entreprise pour l’emploi des travailleurs handicapés. Mais ces accords ont des effets réels, certes, mais limités. De plus, leur multiplication entraînerait une baisse des recettes de l’Agefiph alors que les besoins augmentent. 

Quel est le point commun entre les huit entreprises partenaires nationaux de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, qui démarre ce lundi 16 novembre ? Toutes ont signé un accord en faveur de l’emploi des travailleurs en situation de handicap. En 2012, 11 % des établissements d’au moins vingt salariés, et donc assujettis à l’obligation d’employer au moins 6 % de travailleurs handicapés, étaient couverts par un tel accord d’entreprise. Deux fois plus qu’en 2003. Fin 2014, François Hollande a même fixé comme objectif le triplement du nombre d’accords d’ici trois ans. L’Élysée y voit une moyen de contrer l’explosion du nombre de demandeurs d’emploi en situation de handicap. La réalité s’avère plus complexe.

La signature d’un accord = zéro contribution à l’Agefiph

Beaucoup d’employeurs ont tout intérêt à signer un accord. Pour soigner leur image. Pour conforter le dialogue social, le texte étant négocié entre les syndicats et la direction. Mais aussi parce que les établissements couverts n’ont plus à verser à l’Agefiph la contribution due s’ils n’atteignent pas l’objectif de 6 % de travailleurs handicapés. En revanche, ils sont tenus de consacrer un montant au moins égal au financement du plan d’actions prévu par l’accord (embauches, maintien dans l’emploi, sous-traitance à des entreprises adaptées et établissements et services d’aide par le travail, etc.)  En clair, au lieu de mettre de l’argent dans un pot commun et de demander des aides au coup par coup à l’Agefiph, ils l’utilisent pour mettre en œuvre leur propre politique du handicap.

Les entreprises sous accord font deux fois mieux que les autres

Pour quels résultats ? Une récente étude de la DGEFP sur 131 accords arrivés à terme entre 2011 et 2012 et représentant 12 500 établissements assujettis permet de mesurer l’évolution du taux d’emploi entre l’année précédant la signature et à l’échéance, soit trois années en moyenne : + 0,75 points. La progression est donc un peu plus rapide que dans les établissements hors accords : + 0,3 points en moyenne, sur trois ans. Plus efficace, certes, mais pas révolutionnaire.

Les accords d’entreprise ne sont pas assez volontaristes

Car les accords pêchent par défaut d’ambition. L’évolution programmée du taux d’emploi est souvent très lente : moins de 10 % des accords affichent un taux d’emploi supérieur à 6 %. De plus, les embauches de travailleurs handicapés représentent moins de 4 % des embauches totales. Le manque de volontarisme se traduit également par la sous-consommation des budgets prévus, dans plus d’un accord sur deux. Au final, les établissements dont les accords sont arrivés à échéance en 2011 et 2012 ont dépensé 59 millions d’euros de moins que ce qu’ils auraient dû verser à l’Agefiph. Par ailleurs, 15 % des budgets, en moyenne, sont affectés à la communication : certaines dépenses servent à sensibiliser le personnel ; d’autres, en revanche, relèvent davantage d’une stratégie de promotion de l’entreprise.

Les moyens de l’Agefiph plongent alors que le chômage explose

Enfin, tripler le nombre des accords contribuerait à faire plonger les ressources de l’Agefiph. Or, elles sont déjà en chute libre, sous l’effet, entre autres, de  l’accroissement du nombre d’accords (ils représentent déjà un manque à gagner de 100 M€ par an). Entre 2007 et 2014, la collecte a diminué de 30 % alors que les besoins sont de plus en plus importants. Dans le même temps, le nombre de demandeurs d’emploi handicapés a en effet été multiplié par 2,3.

Danger sur la mutualisation des moyens

Aujourd’hui, l’Agefiph consacre 25 % de ses ressources à leur formation. Mais elle finance également d’autres dépenses et outils d’intérêt général (Cap emploi, Sameth, etc.), complémentaires aux aides à l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés versées aux employeurs n’ayant pas signé d’accord. « Toute la question est de savoir où mettre le curseur entre la mutualisation des ressources, indispensable, et leur “privatisation”, via les accords d’entreprises, qui ont fait leur preuves », souligne Sylvain Gachet, en charge des entreprises et grands comptes à l’Agefiph. L’Élysée a sans doute mis la barre trop haut. Franck Seuret

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