Le Nord ampute le budget de sa politique du handicap

Publié le 3 mars 2016 par Franck Seuret
Le Conseil départemental du Nord veut privilégier la vie à domicile des personnes handicapées, « moins coûteuse. » © Franck Seuret

departement du NordLe Département du nord, en proie à de graves difficultés financières, va diminuer de 4%, en 2016, les crédits consacrés aux établissements et services pour les personnes handicapées. Il demande aux associations gestionnaires de « changer de culture ».

Quand le Département est malade, les personnes handicapées toussent… Le Conseil départemental (CD) du Nord va raboter de 4%, en 2016, l’enveloppe consacrée aux établissements et services médico-sociaux. « L’équilibre financier du Département du Nord n’est plus assuré », argumente Geneviève Mannarino, sa vice-présidente, en charge de l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. Les élus ont donc lancé un plan d’économie de 100 millions d’euros en 2016 sur des dépenses de fonctionnement avoisinant les 2,5 milliards d’euros. « Nous répartissons nos efforts sur l’ensemble de nos compétences, y compris notre politique du handicap », insiste-t-elle.

Mutualiser les moyens entre établissements et services

« Le CD impose, en 2016, une réduction de 4% des crédits à toutes les associations gestionnaires », précise Claude Hocquet, le président de l’Udapei du Nord, l’Union départementale d’associations de parents et amis de personnes handicapées mentales. Pour les deux années suivantes, l’objectif de réduction varie au cas par cas. « Chacune est en train de négocier un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) 2016-2018, qui sera désormais obligatoire », explique Claude Hocquet. Les signataires percevront une dotation globale, pour l’ensemble de leurs structures, qu’elles pourront leur allouer librement. Le but du CD est d’amener les associations gestionnaires, via ces CPOM, à réaliser des économies en mutualisant certains moyens entre leurs établissements et services.

« Le gisement d’économies n’est pas infini »

Ce qu’a fait l’APF, l’une des rares à avoir signé son premier CPOM il y a deux ans. « Nous avons désormais un seul directeur pour plusieurs structures, illustre Hervé Lherbier, son directeur régional Nord-Pas-de-Calais et Picardie. Nous avons aussi regroupé des fonctions support, comme la comptabilité. Nous avons ainsi dégagé un excédent qui va nous permettre de faire face à la réduction de 4% des crédits alloués par le département en 2016. Mais, attention, le gisement d’économies n’est pas infini.»

Les associations regrettent une méthode trop brutale

Surtout, Claude Hocquet regrette la brutalité de la méthode : « dans ce contexte difficile pour le Département, nos associations ont bien conscience qu’elles n’échapperont pas à des réductions budgétaires mais leur montant doit être réaliste et elles doivent disposer d’un délai suffisant pour les réaliser. »

Geneviève Mannarino veut développer la vie à domicile.
Geneviève Mannarino, vice-présidente du CD du Nord, veut changer la philosophie de la politique du handicap.

De nouvelles priorités pour la politique du handicap

Car le virage n’est pas seulement financier. « En décembre 2017, le Conseil départemental a adopté une délibération qui définit notre nouvelle politique du handicap, insiste Geneviève Mannarino, sa vice-présidente. Nous voulons privilégier la vie autonome, hors établissements, à domicile. » Le Département veut faire évoluer l’offre de services des foyers d’hébergement, développer l’accueil familial, renforcer l’accueil de jour et l’hébergement temporaire, mieux soutenir les aidants, etc. « Nous appelons à un changement de culture, poursuit-elle. Cela correspond aux attentes de nombreuses personnes handicapées, et c’est moins coûteux pour les finances publiques. »

Respecter chaque projet de vie

Moins coûteux, peut être, mais garantir à chacun de pouvoir vivre dignement suppose quand même de mettre en en œuvre des services d’accompagnement, de financer davantage d’heures d’aide humaine, etc. « Nous ne sommes pas opposés à ces nouvelles orientations, répond Claude Hoquet. Nos associations font déjà évoluer leur offre déjà dans ce sens-là. Mais cela ne se fera pas d’un claquement de doigts, et la réorganisation de l’offre d’accueil et d’accompagnement doit se faire dans le respect des droits des personnes et de leurs projets de vie. »

3 000 personnes en attente d’une place dans le Nord

De plus, l’an passé déjà, les besoins étaient loin d’être couverts. Selon le Comité d’entente régional Nord-Pas-de-Calais, près de 3 000 personnes étaient en attente d’une place en établissement ou service dans le Nord.  Faire plus avec moins : l’équation risque d’être difficile à tenir. Franck Seuret

Les départements en crise

Une quarantaine de départements risquent de ne pas pouvoir boucler leur budget 2016, selon l’Assemblée des départements de France. En cause, l’envol des dépenses de solidarité, et du RSA notamment, financées par les Conseils départementaux et sous-compensées par l’État. Ces difficultés financières risques d’impacter leurs autres domaines de compétence, dont le financement de l’aide sociale des frais d’hébergement des personnes handicapées en établissements et de la prestation de compensation du handicap. Le CD de l’Essonne doit ainsi 108 millions d’euros d’arriérés aux associations du secteur social et médico-social. Une dette dont il propose d’étaler le paiement sur six années… 

L’Unapei demande une concertation

L’Unapei, qui fédère plus de 300 associations gestionnaires, « ne peut accepter que les établissements et services (…) soient une variable d’ajustement financier ». « Consciente des graves difficultés financières que connaissent de très nombreuses collectivités départementales », elle « demande à ce qu’une concertation soit organisée rapidement par le gouvernement avec l’ensemble des financeurs. Les politiques de soutien à l’autonomie relèvent de la solidarité nationale. »

Comment 1 commentaire

une fois de plus les politiques s’attaquent aux plus défavorisés: handicapés,SDF, les plus démunis de la société et ne respectent ni le projet de vie des personnes, ni les difficultés dans lesquelles vivent les familles. Après avoir reculé sur l’accessibilité, ils reculent sur les aides aux associations mais pas sur les dépenses luxueuses.

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