Moulins, la ville où les pots de fleurs circulent plus librement que les personnes

Publié le 3 novembre 2016 par Aurélia Sevestre

La ville de Pierre-André Périssol refuse à l’Association des Paralysés de France (APF) la mise en accessibilité de son propre local. Le fleuriste voisin de la délégation a pourtant obtenu deux rampes extérieures pour transporter ses pots de fleurs. L’APF vient donc de lancer une pétition en ligne pour dénoncer ce non-respect de la loi.

Une mairie qui refuse catégoriquement l’installation d’une rampe d’accès à une association de personnes handicapées. Voilà la situation ubuesque à laquelle est confrontée la délégation APF de l’Allier depuis son emménagement à Moulins, en octobre 2015.

Contrainte, pour des raisons de sécurité, de quitter son vieil immeuble d’Izeure en périphérie, l’association pensait avoir trouvé le local idéal. Un bâtiment de plain-pied en centre-ville. Seule l’entrée, avec une marche de 9 à 13 cm de haut (la rue est en pente), devait être mise aux normes d’accessibilité.

La commune propose une solution irréalisable

Aucune contrainte architecturale ne s’opposant à la création d’une rampe, c’est en toute confiance que l’association dépose à l’automne dernier un Ad’ap en mairie. Pour rappel, sauf impossibilité technique, la loi impose à tous les établissements recevant du public (ERP) de faire ces travaux.

« Nous sommes dans un secteur semi-piétonnier. Même avec une rampe prenant un mètre au sol, il reste derrière 2,80 mètres de trottoir avant la route. Nous n’avons pas imaginé une seconde qu’on pouvait avoir une opposition politique », résume Sandrine Raynal-Bergerot, la directrice de la délégation.

Mais la mairie rejette cette proposition d’aménagement. Elle demande à l’association de rendre le bâtiment accessible par l’intérieur. Ce qui, cette fois, est techniquement impossible. Le local se situant sur une cave, le niveau du sol ne peut être abaissé. Et en créant un sas à l’intérieur, « nous n’aurions plus les espaces de circulation suffisants pour les fauteuils ».

Moulins mène-t-elle une politique anti-handicapés ?

En janvier et février 2016, non content de refuser des travaux pourtant imposés par la loi, le maire mobilise sa police municipale – jusqu’à deux fois par jour – pour faire enlever la rampe amovible que l’association est bien contrainte d’installer pour pouvoir utiliser son local. Heureusement, l’accessibilité n’est pas encore un délit.

Christian Place, l’adjoint au maire en charge des travaux et de l’insertion des handicapés, pousse le zèle jusqu’à franchir plusieurs fois la porte de l’association pour intimer à sa secrétaire – PMR reconnue travailleur handicapé – d’enlever et de remettre la fameuse rampe à chaque fois qu’une autre PMR veut entrer et sortir…

Ces intimidations cesseront après un rendez-vous obtenu en préfecture le 17 février. La rampe amovible est désormais tolérée en journée. Les soirs de réunion, les représentants APF se débrouillent à plusieurs, chacun avec leurs membres valides, pour enlever la fameuse rampe avant de partir.

La mairie accepte des rampes… pour les marchandises

La Ville de Moulins ne refuse pourtant pas toujours l’installation de rampes extérieures. Le fleuriste situé à 600 mètres de la délégation APF a pu ainsi en visser deux au sol devant sa boutique afin de transporter ses pots. Motif invoqué pour justifier cette différence de traitement : ce commerçant, comme tous les établissements disposant d’une terrasse, paye une redevance pour utiliser l’espace public. L’APF devrait-elle donc aussi payer pour laisser une rampe au sol ?

« Évidemment non et cela ne changerait rien au problème. Deux fois par semaine, le marché s’installe devant le local de l’APF. Une rampe extérieure permanente d’un mètre à cet endroit constituerait un obstacle à la circulation piétonne », avance Guillaume Boutié, chef de cabinet du maire. Manque-t-on à ce point d’espace à Moulins autour des halles qu’on ne puisse déplacer un stand ambulant d’un mètre ?

En septembre, au cours d’une réunion qui s’est soldée par une nouvelle fin de non-recevoir, la mairie a fait valoir un autre argument. Elle a expliqué aux représentants de l’APF ne pouvoir leur accorder une rampe extérieure car « sinon, on devra l’accepter pour tous les commerçants ». Effectivement ! À Moulins, on a une certaine idée déformée de l’accessibilité. Aurélia Sevestre

Une pétition pour une ville plus accessible

Choquée par l’attitude de la municipalité et son mépris affiché pour les droits des personnes handicapées, l’APF demande au maire de Moulins, dans un communiqué, de respecter l’obligation d’accessibilité pour tous les ERP de la ville. Il doit autoriser, dans les meilleurs délais, la mise en place d’une rampe extérieure pour sa délégation. Soutenez cette démarche, en signant la pétition lancée sur change.org !

 

Comment 2 commentaires

cette prise de position politique locale est le reflet des prises de position à tous les échelons : départements, régions et État. Après, on s’étonnera que (presque) rien n’a évolué depuis les premières lois sur le handicap qui datent de 1974. Pauvre France !…

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