La Sociale, un film militant pour réhabiliter et défendre la “Sécu”

Publié le 9 novembre 2016 par Valérie Di Chiappari
« On était des travailleurs donc la Sécurité sociale était pour nous. On savait ce qu’on voulait pour notre bien-être », explique Jolfred Frégonara, 96 ans, dans La Sociale. ©La Sociale

Un documentaire militant sur l’histoire de la Sécurité sociale sort ce mercredi 9 novembre. Courageux et salutaire, il redonne ses lettres de noblesse à cette institution que d’aucuns se plaisent à critiquer.

lasocialeaffichehdFacile de dézinguer celle qui fait partie de notre quotidien. De ne parler que de son « trou ». De prétendre que n’y travaillent que des fainéants… D’oublier les idéaux de solidarité et de démocratie sur lesquels notre « bonne vieille » Sécu (elle a fêté ses 70 ans en 2015) est fondée. D’omettre aussi que, sans elle, nous aurions bien des difficultés à faire face aux aléas de la vie.

« Les gens ne se rendent pas compte tant qu’ils sont sur un petit risque, que, finalement, la Sécurité sociale est fondamentale. Et que tout le monde aura un gros risque, forcément, puisque l’on meurt », souligne Anne Gervais, hépatologue à l’Hôpital Bichat-Claude Bernard de Paris, dans le fort intéressant nouveau documentaire de Gilles Perret.

Un projet humaniste au sortir de la guerre

Dans la lignée de son précédent opus, Les Jours heureux, dans lequel il retraçait l’histoire du Conseil national de la Résistance, le cinéaste relate cette fois dans La Sociale la genèse d’un projet humaniste : la création de la Sécu, en 1945, au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Un projet pour lequel des femmes et des hommes appartenant à la classe ouvrière, désireux de se protéger collectivement et de cotiser (oui, oui, de cotiser !), ont bataillé.

Dans La Sociale, Gillet Perret rend aussi hommage à Ambroise Croizat, méconnu ministre du Travail à la sortie de la guerre. ©La Sociale
Dans La Sociale, Gillet Perret rend aussi hommage à Ambroise Croizat, méconnu ministre du Travail à la sortie de la guerre. ©La Sociale

Un projet porté par ceux que l’on nomme les “pères fondateurs” de l’État Providence. Pas seulement Pierre Laroque. Mais aussi et surtout le fort moins connu Ambroise Croizat, ministre du Travail à la sortie de la guerre. Gilles Perret rend hommage à cet homme, trop souvent (si ce n’est volontairement) relégué dans les oubliettes de l’histoire officielle car non issu d’une ligné de hauts fonctionnaires, ayant travaillé en usine et communiste.

Une institution libératrice pour les plus démunis

« Elle a vraiment libéré les catégories les plus basses de la société de ce sentiment d'insécurité qui était véritablement le cancer de la société française »
« Elle a vraiment libéré les catégories les plus basses de la société de ce sentiment d’insécurité qui était véritablement le cancer de la société française. »

Revenir aux origines de notre système de Sécurité sociale, c’est aussi montrer des archives – dont certaines inédites ici –, faire parler des témoins, recueillir les souvenirs de personnages emblématiques. « Elle a vraiment libéré les catégories les plus basses de la société de ce sentiment d’insécurité qui était véritablement le cancer de la société française », affirme une personne sur les images du défilé du 1er mai 1945 dans les rues de Paris. « Tout à coup, les corps se sont relevés et, moi, je voyais les effets de cette Sécurité sociale dans la chair même, le regard même des gens qui m’entouraient », ajoute une autre.

Mais la figure la plus marquante de La Sociale reste Jolfred Frégonara, 96 ans, ancien responsable départemental CGT chargé de la mise en place des caisses de sécurité sociale en 1946 en Haute-Savoie. Gilles Perret ne s’y est pas trompé en avantageant ce nonagénaire, décédé avant la sortie du film.  Ce militant inconditionnel de la cause sociale aura martelé, jusqu’au bout, la nécessité de ne pas dépecer la Sécurité sociale.

Un bien commun menacé à défendre

Celle de ne pas privatiser ce bien commun, cet instrument de transformation sociale sans précédent attaqué dès le départ, à l’évolution tourmentée, dont le démantèlement semble aujourd’hui annoncé, comme l’expliquent des experts. Parmi eux, l’historien Michel Etiévent – biographe d’Ambroise Croizat–, les sociologues Colette Bec et Frédéric Pierru, l’économiste Bernard Friot. Un bien commun fragile et fragilisé à défendre et à refonder en même temps. Ce documentaire en fait magistralement la démonstration. Élise Jeanne

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