Grand Corps Malade : “Derrière un type en fauteuil, il y a d’abord un être humain.”

Publié le 23 février 2017 par Claudine Colozzi
Grand Corps Malade entouré de Pablo Pauly, comédien (à gauche) et Mehdi Idir, son co-réalisateur. Paris, 21 février 2017. © Claudine Colozzi

Fabien Marsaud, le vrai patronyme de Grand Corps Malade, est resté longtemps discret sur le handicap, à l’exception d’une magnifique chanson baptisée 6e sens. En choisissant d’adapter au cinéma Patients, son récit-témoignage sorti en 2012, il propose sa vision du monde du handicap. Celui d’un centre de réadaptation fonctionnelle en banlieue parisienne, un « univers où tout le monde est en galère ». Rencontre avec Grand Corps Malade, Medhi Idir, son co-réalisateur, et Pablo Pauly, le comédien qui incarne Ben, le héros principal.

Faire Face : Vous avez tourné Patients dans un vrai établissement, le Centre de réadaptation de Coubert (Seine-et-Marne). Pourquoi ce choix ?

Grand Corps Malade : Le scénario, je l’ai écrit en ayant les images de ce centre puisque c’est là que j’ai vécu ma propre histoire il y a vingt ans. Au lieu de chercher à recréer ça en studio ou d’imaginer un lieu qui lui ressemblerait, on est allés sur place pour voir si le tournage était envisageable. La réponse a été positive donc on n’a pas hésité.

En plus, c’est un centre en activité. Tous les figurants sont de vrais patients. Ça donne un supplément d’âme au film. Nous avons dormi sur place, bu des coups ensemble, rigolé. Les comédiens se sont nourris de ces rencontres. On n’aurait jamais pu faire le même film ailleurs.

FF : Quel écueil principal guette celui qui réalise son premier film ?

G.C.M : Ce que nous voulions éviter à tout prix, de l’écriture du scénario jusqu’au montage, c’est le pathos. On n’est pas comme ça. On n’a pas envie de tirer la larme pour rien. Et puis ce milieu-là est tellement plein d’énergie, d’humour et d’autodérision que si nous n’étions pas parvenus à retranscrire tout ça, on aurait été à côté de la plaque.

FF : Les cinq comédiens qui interprètent les cinq personnages principaux sont tous valides. Pourquoi ne pas avoir inclus un ou deux comédiens handicapés ?

G.C.M : On n’avait pas d’a priori. Il se trouve que dans le casting, sur les 400 acteurs qu’on a vus, seuls trois étaient en fauteuil roulant. Il y a peu de comédiens handicapés et encore moins dans les profils qu’on cherchait. Ceux que nous avons gardés se sont imposés comme des évidences pour Mehdi et moi. Il n’y a jamais eu débat.

Medhi Idir : On cherchait de jeunes comédiens capables de chambrer, de se vanner. On a eu un peu plus de difficulté à trouver le comédien pour le personnage de Ben inspiré du jeune homme que Fabien était au moment de l’accident. On est tombés d’accord en voyant Pablo.

Ce qui est troublant, c’est que la ressemblance avec Fabien ne nous a pas frappés au moment du casting. C’est une fois qu’on a commencé à tourner qu’elle nous a sauté aux yeux.

Pas une chaîne de télé pour financer un film sur le handicap

FF : Est-ce plus facile quand on s’appelle Grand Corps Malade de convaincre des producteurs de vous suivre sur un film qui traite du handicap ?

G.C.M : Les producteurs (Mandarin Production) ont adoré le scénario. Ils nous ont suivis sur notre choix de ne pas prendre d’acteurs connus. Le financement a été plus compliqué. Aucune chaîne de télé hertzienne ne nous a soutenus en raison du sujet et de l’absence d’acteurs connus.

De jeunes comédiens quasi inconnus © Gaumont

FF : Intouchables n’a donc pas ouvert la voie ?

G.C.M : Intouchables n’est pas un film sur le handicap. C’est plus un film sur la rencontre de deux mondes. Et puis il y a Omar Sy et François Cluzet en têtes d’affiche. Avec ces deux-là, on peut faire un film sur n’importe quel sujet, les gens vous suivent !

FF : Comment est venue l’idée de la chanson du film Espoir adapté ?

G.C.M : Il était convenu qu’on n’entendrait pas ma voix dans le film. Je ne voulais pas que ce soit juste mon histoire. Je voulais quelque chose de plus universel. Et puis je me suis laissé convaincre d’écrire une autre chanson sur le thème du handicap. C’est une manière de signer le film.

FF : Et vous Pablo, comment ressortez-vous d’un tel tournage ? Est-ce que ça a changé votre regard sur le handicap ?

P.P : Mon regard s’est précisé. J’ai compris qu’il y avait des choses plus importantes que de ne pas marcher. Retrouver les gestes du quotidien, comme se laver, s’habiller, manger représentent déjà des objectifs immenses. Je crois que je me plains sans doute un petit moins aussi !

Une projection au Centre Coubert chargée d’émotion

FF : Vous avez enchaîné les projections en avant-première dans la France entière ces dernières semaines. Vous avez aussi organisé une projection à Coubert. Était-ce la plus émouvante ?

M.I : Nous avons tourné pendant sept semaines là-bas. C’était effectivement chargé d’émotion de retourner dans ces lieux. Nous avons fait tourner énormément de personnes qui travaillent à Coubert, des patients, des familles de patients. C’était l’occasion qu’ils découvrent le film avant tout le monde. C’est un peu leur vie à l’écran.

FF : Pensez-vous que Patients parviendra à faire changer le regard des spectateurs sur le handicap ?

G.C.M : Je serais heureux si en croisant un type en fauteuil, certains se disent qu’il s’agit d’abord d’un être humain qui a vécu un drame et s’est battu. L’identité de quelqu’un ne doit pas être réduite à son handicap. Propos recueillis par Claudine Colozzi

Retrouvez la critique du film Patients en salles le 1er mars.

Comment 9 commentaires

Bonsoir mr voila je suis tres tres touché par vôtre une grande passion je suis moi même un grand malade incurable de mes huit mois la j’ai 53 j’aimerais vous voir pour un projet qui me trote dans ma tete pour une chanson merci

Merci GCM ou puis je me permettre Fabien d’avoir fait aboutir cette initiative sans manquer de courage et d’audace. Parois nous les malades ou handicapés il existe aussi des écrivains tout comme moi des peintres des musiciens des sculpteurs des sportifs des gens passionnés et capables de faire plein de choses. Cependant difficile de se faire connaitre afin de participer a une associations caritatives qu’elle qu’elle soit nous sommes depuis trop :longtemps étiquetés catalogués poussé et voir même reclus sur un banc de touches une voie de garage et ce qui nous amène très rapidement a une solitude un enfermement individuel et social qui s’installe très facilement. Pourtant nous tous avons des défauts des qualités comme les personnes valides et comme ils pourraient nous apprendre nous aussi nous pourrions échanger partager et cela serait simple à démontrer!! Alors a quand une vraie chance de se faire connaitre quand on a un don un talent??? Sommes nous si différents de ceux qui aujourd’hui sont bien portants et qui pourraient pourtant voir demain leur vie bouleversée même si loin de leur souhaiter du mal c’est malheureusement possible car nul n’est a l’abri ni d’un accident ni de la maladie. J’espère être entendu et avoir la possibilité de réveiller ne fut ce qu’une conscience, une âme une personne qui me réponde

Je suis moi même handicapé suite à un grave accident de la route et je poursuis mon combat pour remarche votre film donne de la force ayant été dans un centre de rééducation je vous dis encore merci

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