Aides techniques d’occasion, le bon plan

Publié le 5 juillet 2017 par Élise Descamps
La cible du réseau Envie reste majoritairement la personne âgée en perte d’autonomie. Il n’a donc pas pour vocation de répondre à des besoins très spécifiques nécessitant une personnalisation complexe. © DR

Comment s’équiper en fauteuil roulant et en aides techniques à moindre coût ? Pourquoi ne pas tenter le matériel d’occasion ? Depuis 2015, la fédération d’entreprises d’insertion Envie, spécialisée notamment dans le recyclage des déchets électriques et électroniques et présente sur cinquante sites en France (2 600 salariés), met progressivement en place un réseau de réemploi dédié à ce matériel : Envie autonomie.

Une manne inexploitée

Envie a identifié plusieurs “filières”.

  • Les établissements et maisons de retraite qui gardent souvent les équipements des résidents après le décès car les familles ne souhaitent pas les reprendre mais qui ne peuvent souvent pas les réutiliser puisqu’ils correspondent à une pathologie précise.
  • Les particuliers, après un décès ou quand la pathologie évolue.
  • Les revendeurs reprennant l’ancien matériel au moment d’un renouvellement.
  • Les pharmaciens et distributeurs en location qui renouvellent régulièrement leur parc.

Pour évaluer ce potentiel, chaque site Envie engagé dans la démarche de réemploi mène une étude. En 2016, par exemple, le questionnaire d’Envie Nancy, auxquels ont répondu cinquante pharmacies, cinquante Éhpad, trente professionnels et trente particuliers, a évalué à un minimum de 1 500 le nombre d’équipements à ce moment-là prêts à être collectés en Lorraine.

Des besoins non satisfaits

Cette offre d’occasion s’adresserait aux personnes :

  • Bénéficiant d’une couverture sociale mais ne pouvant assumer les restes à charge.
  • Ayant besoin d’un deuxième équipement pouvant rester à la maison, chez la nourrice ou les parents en garde alternée.
  • Souffrant d’une pathologie évolutive nécessitant de changer très souvent de matériel.
  • Privées de couverture sociale car leurs droits à la CMU tardent à être mis en place ou que ce sont des primo-arrivants.

Mais aussi à des professionnels :

  • Établissements au budget limité, fonctionnant sur dotation annuelle. « Plus de 80 % des Éhpad ayant répondu à notre questionnaire sont prêts à utiliser du matériel rénové et garanti pour investir davantage dans le personnel soignant », indique Lysiane Serret, à Nancy.
  • Distributeurs souhaitant renforcer leur parc de location.

Mais le réseau Envie n’a pas pour vocation de répondre à des besoins très spécifiques nécessitant une personnalisation complexe. Sa cible est majoritairement la personne âgée en perte d’autonomie.

Angers, site pionnier

Le premier site à s’être lancé reste celui d’Angers. L’idée a été soufflée en 2012 au président de l’association Envie Anjou, Michel Drelon, très investi dans le secteur du handicap, par le Comité local du handicap du Maine-et-Loire. Après une étude de faisabilité auprès de soixante interlocuteurs (établissements, associations, MDPH…) et une première collecte test, la production se met en place début 2015.

Depuis 2016, Envie Anjou est financée par la CNSA pour essaimer sur d’autres sites, dans le cadre d’un appel à projets d’économie circulaire autour des aides techniques.

Ainsi, Envie Rennes a lancé son offre en mars, Envie Nancy en juin (ateliers à Toul) et Strasbourg, Lyon comme Saint-Étienne sont en cours d’étude préparatoire. Le réseau devrait aussi s’étoffer d’antennes pour une distribution de proximité. La première ouvrira en septembre à La Roche-sur-Yon.

Une partie du personnel en insertion

Cette filière a déjà créé plusieurs dizaines d’emplois, dont les deux tiers réservés à des personnes qui en étaient éloignées, voire même en situation de handicap. Une partie est formée au Cerah (Centre d’études et de recherche sur l’appareillage des handicapés) en Moselle ou en région parisienne. Nancy a, de son côté, initié une action de formation expérimentale au Greta de Lorraine, “Technicien de maintenance matériel médical”, qui démarrera en octobre 2017. Douze personnes doivent suivre 420 heures de formation en alternance.

 

Lancement de la production Nombre d’aides techniques collectées Nombre d’aides techniques vendues Modalités de collecte Équipe dédiée
Angers Début 2015 4 260 933
  • Enlèvement facturé minimum 55 € HT chez les professionnels
  • Aucun point d’apport volontaire pour le moment
Huit personnes dont cinq en insertion. Le chef d’atelier est en fauteuil roulant. Envie Autonomie 49
36, boulevard Charles de Gaulle – 49800 Trélazé
02 41 34 39 81www.envieautonomie49.fr
Rennes Mars 2017 500 25
  • Enlèvement facturé minimum 55€ HT chez les professionnels
  • Sept points d’apport volontaire (en Ésat)
  • Une benne dédiée chez Emmaüs
Neuf personnes dont six en insertion (dont trois RQTH, dépendant de l’Ésat Le Pommeret) Envie autonomie 35

12 rue de la Donelière – 35000 Rennes

02 99 38 28 97 www.envieautonomie35.org

Nancy Juin 2017 600 20 (précommandes)
  • Enlèvement facturé minimum 55€ HT chez les professionnels
  • Quinze points d’apport volontaire dans des associations ou Éhpad partenaires (objectif 20)
Trois personnes, dont une en contrat d’insertion à venir en août

Envie autonomie Lorraine
2 rue Guy Pernin
54200 Toul

03 83 63 32 90 developpement.lorraine@envie.org

Saint-Étienne, Lyon, Strasbourg En préparation

 

Une rénovation minutieuse

Après examen, 70 % des aides techniques ne sont pas conservées mais envoyées vers la filière déchets. C’est le cas de celles en trop mauvais état, plus du tout au goût du jour (en alliages trop lourds, par exemple), trop personnalisés (fauteuils verticalisateurs thermomoulés, par exemple) ou invendables car collectés en trop grand nombre.

Pour les 30 % réemployés, chaque équipement est presque entièrement démonté, nettoyé (mais pas repeint) et toutes les pièces vérifiées. Les fauteuils électriques sont déprogrammés. Puis les équipements sont remontés, les pièces trop personnalisées (repose-jambe étendu…) remplacées par des pièces standard afin de trouver plus facilement un acquéreur. Les batteries et toutes les pièces sensibles par des neuves même si elles fonctionnent encore. Les coussins et matelas sont systématiquement changés pour ensuite être testés, renettoyés, aseptisés à la vapeur sèche. Tout ce qui n’est pas réutilisé ou réutilisable en pièces détachées (accoudoirs, barrières, roues…) part en filière de recyclage.

La vente se fait prioritairement aux personnes aux faibles ressources et aux établissements partenaires dans les locaux d’Envie (chaque site aménage un showroom) ou – le plus souvent – au domicile, généralement à 100 kilomètres à la ronde. Incapable de « produire » en série, Envie ne propose pas de catalogue. Uniquement les produits de son stock. Angers et Rennes les présentent sur leur site internet. Un site commun national, www.envie-autonomie.org, devrait voir le jour.

Les prix sont généralement situés entre 50 et 70 % moins chers que ceux du marché neufs. Envie propose également des prestations de location, à la semaine, et de maintenance ou de réfection des assises et accoudoirs, ouverte à tous les utilisateurs (facturée à l’heure, en sus des pièces, qui peuvent être d’occasion, donc meilleur marché).

Des freins à lever

Développer une telle filière suppose cependant que soient levés certains freins.

  • La réticence des utilisateurs à choisir l’occasion pour des questions d’hygiène et de sécurité ainsi que celle des prescripteurs à y orienter leurs patients. « La vraie question est : suis-je prêt à acheter de l’occasion pour mes parents ? », soulève ainsi Philippe Robin d’Envie autonomie Angers. Pour cela, la fédération Envie met en avant ses certifications qualité, sécurité et environnement (normes Iso 9001, Iso 14001 et Ohsas 18001) obtenues pour ses autres activités et travaille à une future certification dédiée à son offre Envie autonomie par le Cerah. Par ailleurs, toutes les aides techniques sont garanties un an (pièces et main d’oeuvre).
  • Le remboursement par la sécurité sociale. Pour le moment, la Sécurité sociale ne rembourse que ce qui figure sur la LPPR (Liste des produits et prestations remboursables), ce qui n’est pas le cas du matériel rénové. Or, sans financement, l’achat de tels équipements ne peut qu’être limité aux personnes sans couverture sociale ou souhaitant un deuxième équipement. Mais rien n’empêche les CPAM de conventionner localement avec Envie pour des aides précises. Ainsi, Envie Rennes a obtenu l’agrément de distributeur par la CPAM d’Ille-et-Vilaine, ce qui permet aux clients de son service de location d’accéder au remboursement sécurité sociale. Pour l’achat de matériel rénové, la CPAM d’Ille-et-Vilaine accorde également des aides, sur son fonds social, uniquement sous condition de ressources.
  • Le levier des Départements, de la CAF, et des mutuelles. Rien n’interdit que la PCH, versée par les départements après étude des droits en MDPH, finance du matériel de seconde main s’il est conforme et garanti. Toute personne concernée peut donc solliciter son département (et donc sa MDPH). L’AEEH (allocation éducation enfant handicapé) peut aussi intervenir pour la solvabilisation d’aides techniques pour les personnes de moins de 20 ans qui y sont éligibles. Enfin, ici ou là, des contacts sont également pris avec des mutuelles pour envisager un partenariat.
  • Le financement de la filière. Contrairement aux déchets électriques et électroniques, pour lesquels Envie reçoit un financement issu de l’éco-participation à l’achat, les aides techniques ne comptent pas d’éco-participation. Mais localement, certains sites Envie bénéficient du soutien, pour la création de leur filière (location d’un entrepôt, achat d’un camion, d’outillage…), des conférences des finances et de divers partenaires. Élise Descamps

Comment 5 commentaires

Très certainement une piste intéressante à développer : je connais un EPAHD qui était très encombré par les différents matériels accumulés au fil des ans suite aux décès de ses pensionnaires : des déambulateurs,des fauteuils manuels et même trois fauteuils électriques en état de marché …
Tous ces matériels laissés par les familles.
Sans compter le marché parallèle créé sur les sites de vente par internet…
Tout cela au détriment des organismes qui ont financé ces matériels
Bien cordialement

Ah….j’ai envie de rire…..franchement lorsqu’un organisme finance des matériels….pourquoi ne consignerait -il pas une part minime évidemment mais remboursable quand le besoin s’éteint ?
(le principe des bouteilles en verre il y a quelques décennies hélas)
Alors arrêtons de nous plaindre tant que nous ne sommes pas capables de mettre un système contrôlable en place maintenant que l’informatique nous ouvre tant de possibilités!…
Que d’aberrations dans notre société ! nous avons les moyens techniques mais on ne bouge pas….

Je suis parfaitement d’accord sur ce sujet…eh oui! il y a quelques decennies nos poubelles et dechetteries étaient moins encombrées…et pour cause ce surplus d’emballages en tout genre,tres souvent difficiles à ouvrir,les ampoules par exemple ,la plupart du temps apres ouverture ne fonctionne pas!!!si,si,de plus ,on nous les vend par deux,ceci pour dire que de nombreux matériels électriques étaient essayés
par le commerçant..les boissons,les produits laitires,étaient dans des contenants en verre,et ils étaient consignés,ce qui obligeait,à les rapporter si l’on voulait récupérer les quelques centimes de consigne…mais que font ces bien-pensants qui -fliquent nos poubelles et qui nous font payer le prix fort ,si par mégarde on a mis quelques feuilles mortes dans le bac,,,et tout cela pourrait être évité,si nos gouvernants,PENSAIENT?AUTRE CHOSE QUE FRIC!!! le sujet est vaste et l’on aurait tant de choses à dire,mais l’avis des citoyens leur importe peu,pourvu que l’on paie !!!les seigneurs d’un côté -pour ne pas dire les saigneurs des petites gens- et nous sommes nombreux-

Ce que je trouve aberrant, c’est que dans certains cas c’est clairement abusé. Pour l’équipement médical, tout ce qui est repris gratuitement et revendu alors que pour la plupart c’est du matériel acheté par la sécurité sociale. Je croyais que c’était illégal de revendre du matériel déjà financer par la sécu? A mes yeux, ce type de matériel devrait plutôt être donné et non revendu. Quand on me dit que c’est pour arranger les personnes qui n’ont pas les moyens d’acheter ça me fait sourire! Surtout que maintenant, ils vont même jusqu’à faire marcher une prise en charge sécu, il y a de l’abus, non?

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