Retour sur l’actu – Patient sorti du coma : la diffusion de l’information en question

Publié le 16 octobre 2017 par Olivier Clot-Faybesse
Patient en état végétatif © Inserm/ F. Demerliac

Grâce à la stimulation cérébrale, un patient a pu récupérer un peu de conscience. Au point d’évoquer sa sortie du coma profond. Problème : ce patient était décédé au moment de l’annonce de cette prouesse médicale.

« Stimulé, un patient dans un état végétatif a récupéré une conscience minimale », Le Monde en date du 25 septembre. « Une stimulation cérébrale aurait redonné un peu de conscience à un patient en état végétatif », Libération du 26 septembre. Obtenu par une équipe de recherche lyonnaise, un tel résultat semblait stupéfiant – quinze ans que le patient était plongé dans cet état végétatif .

Une réussite mettant en évidence l’apport d’une technique, celle de la stimulation cérébrale, et plus particulièrement ici du nerf vague. Certains internautes ont pu être surpris que Faire-face.fr ne relaie pas cette incroyable nouvelle. Alors même que les médias grand public s’en faisaient l’écho…

Prudence face aux annonces (trop) spectaculaires

La raison de ce silence ? La prudence ! Quand une avancée aussi singulière ne concerne qu’un seul et unique patient dans le monde, des précautions s’imposent. Inutile de donner de faux espoirs. Car contrairement à une étude clinique, rien ne dit que l’expérience sera reproductible, s’appliquera à une majorité de patients ou encore fonctionnera quelle que soit l’origine du traumatisme et/ou le niveau de lésion.

On se souvient d’ailleurs du cas, il y a quelques années, de ce patient paraplégique. Après injection de cellules souches dans sa moelle épinière, il avait pu remarcher. Or, il s’était avéré que sa moelle n’avait été que partiellement sectionnée. Ceci expliquant cela.

Décès volontairement caché

Le plus troublant dans cette affaire de sortie d’un coma profond : les chercheurs l’ont annoncée alors que le patient était décédé et qu’ils le savaient pertinemment. Ils ont omis de donner ce “détail”, le jugeant sans lien avec leurs résultats !

Ce qu’à précisé plus tard sous la forme d’un mea culpa, un des auteurs de l’étude dans Le Monde, le Pr Jacques Luauté : « Nous en avions discuté avec la famille. Ensemble, nous avions pensé, à tort, que cela allait entraîner un amalgame entre la stimulation et le décès. On était arrivés à la conclusion que ce décès – sans lien avec l’expérimentation – était un événement familial intime. C’était une erreur, car il était évident qu’on nous demanderait ce que ce patient était devenu ».

Si les grands journaux nationaux ont été prompts à rapporter l’avancée scientifique, ils ont été tout aussi réactifs lorsqu’ils ont appris la nouvelle du décès.

Perte de confiance

Ainsi, les articles parus ont été mis à jour. Et de nouveaux publiés. “Stimulation cérébrale, quand les chercheurs mentent” a titré Libération , le 3 octobre. Alors que pour Le Monde  du même jour, “L’innovation scientifique doit s’accompagner d’une innovation éthique”.

Ces nouveaux articles ont donné l’occasion de soulever des points pas forcément abordés en première instance (à l’exception notable du journal La Croix et de France Info). Éthique tout d’abord : plongé dans un coma profond, comment donc le patient a-t-il pu donner son consentement ? Scientifiques ensuite : comment affirmer que cette stimulation était sans douleur ? Le patient se trouvait-il vraiment “mieux” dans cet état de légère conscience provoqué par la stimulation ?
Et enfin moraux : « Même si les chercheurs insistent pour dire qu’il n’y a pas de lien entre cette stimulation et le décès de ce jeune homme, souligne Libération, qui peut désormais les croire ? » C’est bien là tout le problème. O. Clot-Faybesse

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