La mauvaise pioche à 100 millions d’euros dans les caisses de la CNSA

Publié le 23 novembre 2017 par Franck Seuret
Fin 2015, le gouvernement Valls avait décidé de prélever 50 millions « à titre exceptionnel sur les ressources » de la CNSA. Idem en 2015. Cette année, ce sera 100 millions pour le gouvernement Philippe.

Le gouvernement a décidé de ponctionner 100 millions d’euros dans les réserves de la CNSA. Il va les donner aux départements en difficulté. Or, cette caisse a pour mission de financer exclusivement des dépenses en faveur des personnes handicapées et âgées.

Les gouvernements changent, les pratiques demeurent. Cent millions d’euros vont être ponctionnés sur les fonds propres de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Agnès Buzyn, la ministre des Solidarités et de la santé, et Sophie Cluzel, la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées l’ont confirmé, mardi 21 novembre, .

Le but ? Alimenter le fonds de soutien exceptionnel aux départements. Certaines de ces collectivités sont en effet sous tension financière en raison du poids de leurs dépenses sociales.

Une mauvaise habitude récurrente

L’an passé, le gouvernement Valls avait déjà décidé de prélever 50 millions « à titre exceptionnel sur les ressources » de la CNSA. Une ponction prévue dans la loi de finances 2017, adoptée en décembre 2016. Objectif : financer un fonds d’appui aux politiques d’insertion menées par les départements, pour les allocataires du RSA.

En décembre 2015, il avait aussi profité de l’examen du projet de loi de finances rectificatif pour « prélever, à titre exceptionnel, 50 millions d’euros » ! Le but était peu ou prou le même que cette année. À savoir aider les départements à faire face au poids de leurs dépenses sociales.

Le RSA, lourde charge pour les départements

L’enveloppe de 100 millions d’euros, ont précisé Agnès Buzyn et Sophie Cluzel, « financera un fonds permettant de prendre en compte les difficultés structurelles que rencontrent certains départements pour assumer le besoin de financement des dépenses d’allocations individuelles de solidarité ».

Les Conseils départementaux financent en effet la prestation de compensation du handicap (PCH) et l’allocation compensatrice tierce personne (1,73 milliards d’euros). S’y ajoutent l’allocation personnalisée pour l’autonomie (Apa) des personnes âgées (3,55 milliards d’euros) mais aussi et surtout le RSA (3,9 milliards d’euros) (1).

La CNSA n’a pas vocation à financer le RSA

Or, la CNSA a pour mission de financer exclusivement des dépenses en faveur des personnes dépendantes. En 2018, elle versera ainsi aux départements 2,4 milliards d’euros pour l’Apa et 600 millions pour la PCH.

Mais elle n’a pas vocation à subventionner le RSA ou des actions en faveur de ses allocataires, aussi légitimes soient-elles. Ce à quoi vont servir, en partie au moins, les 100 millions ponctionnés.

Les assos montent au créneau

Sur twitter, la réaction du président de l’Union nationale de l’aide à domicile.

Les associations de personnes handicapées protestent, en vain, contre ce nouveau détournement de fonds. Dans un communiqué, l’APF  dénonce « ces ponctions répétées et réalisées au détriment des personnes en situation de handicap qui font face à des difficultés quotidiennes pour financer leurs aides techniques et humaines (…). Les fonds propres en 2018 de la CNSA atteignent leur niveau le plus bas depuis la création de la caisse .» Fin 2018, cette réserve devrait s’établir à 212 millions d’euros, contre 463 millions d’euros fin 2017.

« Une réponse aux difficultés financières des départements par une nouvelle ponction de la CNSA reste par nature inefficiente et insuffisante », souligne la Fnath. Elle « appelle à une réflexion structurelle et en co-construction avec l’ensemble des acteurs afin de permettre un financement pérenne pour une politique de solidarité rénovée et efficace ». Franck Seuret

(1) Ces chiffres, issus de La lettre de l’Odas, correspondent à la charge nette des départements. C’est-à-dire ce qui reste à la charge effective des départements une fois déduites les recettes (récupérations d’indus, participation des usagers…) et, surtout, les dotations versées par l’État et la CNSA.

Une autre ponction

À cette ponction de 100 millions s’ajoute un prélèvement de 5 millions d’euros sur le budget consacré à la PCH par la CNSA, dénonce l’APF. Cette enveloppe va servir à combler la dotation de l’État en faveur des MDPH.

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