Assurance maladie : la vraie fausse baisse des dépassements d’honoraires

Publié le 6 décembre 2017 par Valérie Di Chiappari
Si la moyenne nationale du taux de dépassement s'établit à 52 %, elle est de 11 % dans le Cantal mais culmine à 114 % en Île-de-France.

Pour l’Assurance maladie, les dépassements d’honoraires des médecins du secteur 2 sont en baisse : – 1,4 point en 2016, 3,8 points cumulés depuis 2012. Mais ce chiffre masque une réalité tout autre et révèle un tour de passe-passe. Décryptage.

L’observatoire conventionnel des pratiques tarifaires de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) est formel. D’après son étude publiée le 29 novembre dernier, le taux moyen des dépassements d’honoraires baisse pour la cinquième année consécutive. Les médecins du secteur 2 (ceux à honoraires libres), les spécialistes en particulier, modéreraient leurs appétits. Les taux baisseraient de 1,4 point en 2016 et poursuivraient sur cette pente, avec une diminution de – 0,3 point sur le premier semestre 2017. Résultat, depuis 2012, la chute s’établirait à 3,8 points.

2012, c’est justement l’année de la mise en place des contrats d’accès aux soins, auxquels ont aujourd’hui succédé les Optam, Option de pratique tarifaire maîtrisée. Ces mesures visent à inciter les médecins à la modération. Le principe est simple : ceux qui les signent s’engagent à stabiliser les tarifs de leurs consultations et de leurs actes pendant une durée déterminée. Ils s’engagent aussi à augmenter le nombre d’actes facturés au tarif sécu. En échange, ils bénéficient d’une prise en charge de leurs cotisations sociales et peuvent facturer plus cher les actes du tarif sécu que leurs confrères du secteur 1.

Une baisse inégale selon les spécialités et les territoires

L’Assurance maladie affiche ainsi un double motif de satisfaction. Non seulement les taux moyens de dépassements d’honoraires baissent et c’est grâce aux mesures qu’elle a mises en place. Mais tout n’est peut-être pas si simple.

D’abord, elle le reconnaît elle-même, ce chiffre général masque des inégalités. Elle a étudié vingt-trois spécialités. Elle note que les taux de dépassements d’honoraires baissent pour tous, mais plus ou moins : de – 0,5 pour les chirurgiens à – 6,5 points pour les psychiatres ou les pédiatres. La deuxième inégalité est territoriale. Si la moyenne nationale du taux de dépassement s’établit à 52 %, elle est de 11 % dans le Cantal mais culmine à 114 % en Île-de-France !

Une hausse des dépenses pour les patients

Surtout, si le taux moyen de dépassement d’honoraires baisse, les dépenses qu’ils représentent pour les patients (ou leurs mutuelles s’ils en ont une) augmentent. De beaucoup : + 2,66 milliards d’euros en 2016. La raison ? La hausse du nombre de médecins inscrits en secteur 2. Dès lors, regrette Mathieu Escot, responsable des études à l’UFC Que Choisir, « en réalité, il y a des zones en France où les patients n’ont d’autre choix que de se rendre chez des médecins qui pratiquent des dépassements d’honoraires faute d’en trouver d’autres à proximité. De plus, ces praticiens ont souvent augmenté leurs tarifs contrairement à ce que dit l’Assurance maladie. »

En fait, la baisse que pointe la Cnam ne s’explique pas par la diminution du taux moyen de dépassement d’honoraires contrairement à ce qu’elle prétend. Elle résulte de l’augmentation du nombre d’actes au tarif sécu imposée aux médecins. « Ils ne peuvent, par exemple, pratiquer de dépassements d’honoraires avec des bénéficiaires de la Couverture maladie universelle. »

Habile tour de passe-passe de l’Assurance maladie

Pour Mathieu Escot, c’est évident : « On est loin du tableau idyllique dressé par l’Assurance maladie et la question des dépassements d’honoraires est loin d’être réglée. La pente inflationniste est toujours forte, et elle nous inquiète. »
L’Assurance maladie réalise un habile tour de passe-passe en compilant des données qui ne devraient pas l’être pour connaître la vérité sur les dépassements d’honoraires. « Pour être vraiment transparente, détaille Mathieu Escot, la Cnam devrait fournir trois indicateurs séparément : le nombre d’actes avec et sans dépassement ; le taux de dépassement lorsqu’il y en a un ; le montant global en milliards d’euros. On verrait alors que tous ces chiffres sont en augmentation et la croissance des actes au tarif sécu ne masquerait plus celle des taux d’honoraires.

La loi santé de 2016 contraint la Cnam à donner un accès libre à l’ensemble de ses chiffres », rappelle Mathieu Escot, qui aimerait bien que l’UFC Que Choisir puisse faire ses propres calculs. Mais l’Assurance maladie se fait prier.

Quand la Cnam peine à ouvrir l’accès à toutes ses données

En attendant, Marc Morel, directeur général de France Assos Santé (l’ex Collectif interassociatif sur la santé) pointe le « tour de force qui consiste à faire passer une hausse pour une baisse. Dire qu’il y a un ralentissement de la hausse serait plus exact. Mais une hausse reste une hausse ! »

Il ne faudrait pas oublier qu’un dépassement, même modeste, peut être lourd pour le patient démuni. Particulièrement s’il vit dans une région où il n’a pas de réel choix en raison du manque de spécialistes. Sophie Massieu

Pour identifier les praticiens du secteur 1, ne facturant pas de dépassements d’honoraires, vous pouvez consulter l’annuaire de l’Assurance maladie

 

 

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