Médicaments : se calquer sur l’horloge biologique pour les administrer

Publié le 15 février 2018 par Olivier Clot-Faybesse
Le rythme des divisions cellulaire est couplé à celui de l’horloge biologique interne
Photographies en fluorescence montrant que le rythme des divisions cellulaires est couplé à celui de l’horloge biologique. © Inserm/iBV/C. Feillet

Une exceptionnelle et inédite étude sur notre horloge biologique vient d’être publiée. Ses résultats soulignent l’importance de considérer cette horloge interne afin d’améliorer l’efficacité des médicaments administrés et d’en réduire les effets indésirables.

C’est la conclusion d’un travail colossal. Commencé il y a dix ans, l’étude aura nécessité deux ans d’analyse. Pour aboutir à la toute première cartographie de l’expression de nos gènes, organe par organe, et selon le moment de la journée. Publiés dans la prestigieuse revue anglo-saxonne Science, ces travaux sont le fruit d’un collaboration étroite entre une équipe de recherche française (Unité Inserm “Institut cellule souche et cerveau”) et une américaine. Afin de bien saisir leur importance, un bref rappel du rôle de notre horloge biologique s’impose.

De la souris au primate pour mieux comprendre l’homme

Environ deux tiers de nos gènes responsables de la synthèse de protéines s’expriment de façon cyclique au cours des vingt-quatre heures. Cette synthèse de molécules passe par des pics en matinée et en début de soirée. Sauf que d’un tissu à l’autre, d’importantes variations existent, chaque organe exprimant sa propre horloge interne.

Jusqu’à ce jour, les études explorant le rythme circadien étaient menées chez des animaux de laboratoire, en particulier la souris. Un modèle en décalage par rapport à l’homme puisque le rongeur est nocturne et son mode de vie pas comparable. Son sommeil est fragmenté et il se nourrit de nuit et en permanence.

Il était donc temps de travailler chez une espèce plus proche de l’homme. Et les chercheurs n’ont pas fait les choses à moitié. Car ils ont analysé chez des primates plus de 25 000 gènes dans soixante-quatre organes et tissus, toutes les deux heures et pendant vingt-quatre heures.

Des gènes actifs en fin de matinée et début de soirée

Ainsi, ils ont passé au crible les organes principaux et différentes régions du cerveau.  Les scientifiques ont alors constaté que 80 % des gènes exprimés cycliquement codent pour des protéines assurant des fonctions essentielles de la vie des cellules. Tels que l’élimination des déchets, la réplication et la réparation de l’ADN, le métabolisme, etc. Pour les soixante-quatre tissus étudiés, un seul point commun : deux pics bien définis d’expression des gènes au cours de la journée.

Le premier, le plus important, survient en fin de matinée/milieu de jour. Entre six et huit heures après le réveil, plus de 11 000 gènes s’expriment dans l’organisme. Le second moins intense arrive en début de soirée, où environ 5 000 gènes entrent en action dans les tissus. Puis les cellules passent quasiment au repos au cours de la nuit, en particulier en première partie de nuit.

L’horloge biologique compte dans la prise des médicaments

Qu’autant de gènes codants (deux tiers) soient aussi fortement rythmés a été une surprise. Mais la révélation la plus intéressante est surtout, souligne Howard Cooper, directeur de recherche Inserm, « que 82 % d’entre eux codent des protéines ciblées par des médicaments ou sont des cibles thérapeutiques pour de futurs traitements ». Cela prouve combien il est important de choisir le bon moment de la journée pour administrer les médicaments afin d’améliorer leur efficacité et de réduire les effets indésirables.

Ces résultats marquent une avancée majeure. Ils ouvrent la porte à une cartographie spatio-temporelle de l’expression de nos gènes. C’est-à-dire la connaissance, selon le moment de la journée (cycle jour-nuit), des gènes exprimés dans chaque organe. Une telle base de données – elle est en cours de création – va représenter un outil pertinent pour améliorer l’efficacité de nombre de traitements médicaux, actuels ou à venir. O. Clot-Faybesse

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