“Tout le monde debout” : lettre ouverte à Franck Dubosc

Publié le 14 mars 2018 par Claudine Colozzi
Salué par la critique, Tout le monde debout fait tout de même grincer quelques dents. © GAUMONT - LA BOËTIE FILMS – POUR TOI PUBLIC PRODUCTIONS – TF1 FILMS PRODUCTION

Surpris par sa voisine dans le fauteuil roulant de sa mère décédée, Jocelyn, menteur et dragueur compulsif, se fait passer pour paraplégique dans le but de la séduire. Celle-ci lui présente sa sœur Florence, violoniste et elle, réellement en situation de handicap. Découvrant qu’il tombe amoureux, Jocelyn est pris à son propre piège. Jusqu’où ? Premier film de Franck Dubosc, Tout le monde debout est une comédie romantique quasi unanimement saluée par la critique, et par les personnes handicapées elles-mêmes. Faire Face a pourtant eu envie d’écrire à Franck Dubosc.

Cher Franck Dubosc,

N’ayant pas été invitée à l’une des projections réservées aux journalistes de Tout le monde debout,  je me suis rendue dimanche à l’UGC Ciné Cité Paris 19 pour assister à l’une des avant-premières publiques. J’ai pu ainsi constater les chaleureuses réactions des spectateurs venus nombreux découvrir votre film. Rires nourris dans la salle, yeux brillants de ma voisine en situation de handicap, une fois la lumière revenue, réactions enthousiastes glanées à la sortie de la salle.

On peut faire rire avec le handicap

Vous dites que l’idée de ce film vous est venue de ce que vous avez traversé avec votre mère, contrainte de se déplacer en fauteuil roulant. En choisissant de traiter du handicap dans Tout le monde debout, vous jouiez gros. D’autant plus que c’est le premier film où vous cumulez les casquettes de comédien et de réalisateur. Certes, il arrive après la déferlante Intouchables et plus récemment le très réussi Patients.  La série Vestiaires  sur France 2 a aussi largement contribué à prouver qu’on peut faire rire avec le handicap. Connaissant votre parcours, on ne pouvait que s’attendre à ce que vous vous glissiez dans cette veine cinématographique. Mais on pouvait aussi espérer que vous alliez au-delà de la ficelle scénaristique et un peu marketing.

Vous proposez donc une comédie romantique, où vous campez votre éternel rôle de macho dragueur qui en fait des tonnes. Limite une espèce qu’on aimerait en voie de disparition dans une société post-affaire Weinstein. Force est de reconnaître que le quiproquo de départ est casse-gueule mais drôle. Certaines répliques ou situations beaucoup moins. Voir votre personnage empêtré dans son mensonge, complètement maladroit dans ce rôle d’handicapé opportuniste qu’il ne parvient plus à quitter prête à sourire, mais finit un peu par lasser. Peut-être parce que comme disait Gotlib, « L’humour est une chose trop sérieuse pour être laissée à des rigolos ».

De même, cette longue scène où vous vous livrez à des excès de vitesse dans votre super petit bolide, m’a fait sauter sur mon fauteuil. Quand on sait combien les accidents de la route sont responsables de lourds handicaps physiques, on se demande si c’est vraiment bien responsable. Tout cela reste du cinéma, me direz-vous.

Pourquoi pas une actrice en situation de handicap ?

Mais, je voulais surtout vous parler d’un sujet dont la presse s’est très peu emparée.  Vous ne pouvez pas ne pas avoir perçu ces quelques couacs au sein du concert de louanges. Ils viennent de personnes en situation de handicap qui déplorent que le rôle de la jeune femme handicapée, joué par Alexandra Lamy, ait été confié à une comédienne valide. D’accord, vous me direz qu’on nous ressert régulièrement cet argument à chaque sortie de film mettant en scène des personnages en situation de handicap. Mais la colère de certain.es est révélatrice de la perception que les dites personnes ont de la représentation du handicap sur grand (ou petit) écran. Tant que les metteurs en scène cinéma feront jouer des personnages handicapés par des valides, le cinéma se mentira à lui-même. Comme votre personnage. Claudine Colozzi

Tout le monde debout. Avec Franck Dubosc, Alexandra Lamy, Elsa Zylberstein, Gérard Darmon, Caroline Anglade… En salles le 14 mars 2018.

Comment 14 commentaires

J’aime bien cet article… Merci de l’avoir publié. J’aimerais que M. DUBOSC ait un droit de réponse… Enfin, surtout qu’il en use… Comment être sûr.e qu’il le lise ET réponde ?
Bravo, en tout cas, à l’attention de l’auteure.
Anne (paraplégique)

Comme beaucoup, je pense que les acteurs handicapés (oui, voilà c’est dit, c’est pas un gros mot) devraient pouvoir participer aux castings, et etre selectionnés pour çà.
En 2005, un film “Comme sur des roulettes” (
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=212187.html )voyait des acteurs valides et handi se partager l’écran, avec un résultat très drôle aussi (j’avais été recalé au casting)…. je penses à des acteurs qui ont de l’expérience sur scène comme Marielle Rivière (the rolling women : https://goo.gl/cCttpS ) ou d’autres !

Quand est ce que les personnes handicapées vont pouvoir s’inclure à la hauteur de leurs envies dans cette société ?

Franck Dubosc étant un homme, pourquoi tu parles au nom des hommes ? et pourquoi pas prendre dans ton blog un homme pour parler de lui ?

Ne reproches pas aux autres ce que tu fais toi même.

Rien à voir… F. Dubosc n’est pas en situation de précarité et d’invisibilité, contrairement à la majorité des personnes handicapées (acteurs ou non) Refuser de prendre un acteur handicapée dans un des rares rôles qui est adapté, c’est maintenir la situation de précarité des acteurs handicapés qui essaient (tant bien que mal) d’avoir un travail, de gagner leur vie. Car presque aucun rôle n’est fait pour eux, alors si, en plus, on “leur prend” les rôles qui pourraient leur permettre de faire leur métier, c’est tout simplement encourager leur précarité.
Et leur invisibilisation dans les médias.
En plus, prendre un valide pour jouer un handicapé, c’est aussi discriminant et ridicule qu’à l’époque où on préférait teidre la peau des acteurs blancs pour jouer un rôle de noir. Ou encore, au Japon médiéval quand on estimait que les femmes étaient incapables de jouer au théâtre et qu’on confiait donc leur rôle à des hommes travestis. Aujourd’hui ça nous paraît non seulement ridicule mais aussi raciste et sexiste. Eh bien, actuellement c’est exactement pareil. ça contribue à exclure une partie de la population sans raison valable.

Oulà. A propos de cinéma et de comédie, tout ceci me rappelle le film ‘P.R.O.F.S” de Patrick Schulmann, dans lequel le personnage interprété par Patrick Bruel glissait à l’un de ses comparses: “Avais-tu déjà remarqué à quel point le mot MILITER est proche du mot LIMITÉ?”…
L’engagement, c’est bien. Le monde serait bien plat et l’humanité peu avancée si elle n’avait eu de causes à défendre. Mais la fin justifie-t-elle toujours les moyens? Faut-il toujours tomber dans le procès d’intention et n’enfoncer à grand bruit que des portes ouvertes pour faire avancer les choses?.. Sans parti pris pour ma part, je soulignerai juste que Franck Dubosc signe ici une œuvre artistique de fiction et qu’il n’a jamais eu la prétention de réaliser un documentaire. Lui reprocher d’avoir mis en scène une actrice valide jouant une handicapée, c’est quand-même vachement gonflé. Surtout après lui avoir reproché de surfer sur la vague du film Intouchables, lequel plaçait pourtant le valide François Cluzet dans le fauteuil de Philippe Pozzo di Borgo. Ou après avoir oublié de cracher sur La famille Bélier, où ce cochon de François Damien avait l’outrance de jouer un sourd-muet, ou sur Rain Man et l’indécence de Dustin Offman à jouer un autiste, et j’en passe…! D’accord avec vous et Gotlib pour ne pas laisser l’humour à des rigolos. Mais il est également difficile d’en discuter avec des personnes qui en sont totalement dénuées.

Marre d’ etre representer par des peines a jouir on ne peut pas se permettre de ne pas etre present dana la sphere culturelle meme si je suis d’ accord avec vous vivement des comediens handis….et dans le meme temps reprocher a dubosc de montrer que l’ on peut rire elegament avec nous car tous les handis qui m’ entoure sont de gros deconneurs
Gregory francois hemiplegique….2 ans en fauteuls

Bonjour,
Je fais partie des personnes que ce film énerve plus qu’autre chose, j’ai partagé la colère des personnes désignées dans l’article (outre le fait que je n’aime pas les comédies françaises lourdes, potaches et souvent discriminantes mais cela est un autre sujet.

Sachez quand même que F. Dubosc a répondu à la question d’une personne handicapée qui lui posait la même question que vous, à savoir : pourquoi ne pas avoir pris une actrice handicapée. Il a répondu (très séchement) : “Parce qu’être acteur est un métier”
Voilà, donc apparemment pour lui, une personne handi ne peut pas être acteur.
Alors, je pose la question : si cet homme là qui se prétend suffisament sensibilisé au handicap pour faire un film dessus n’est pas capable d’admettre qu’il puisse exister de bons acteurs handicapés,(quoique peu connus) et ne veut rien faire pour les sortir de l’ombre et de la précarité, à quoi sert ce film? Sinon à ramasser un max de blé en jouant sur les bons sentiments des gens?

juste pour dire ,pourquoi se prendre la tête a chaque événement ,film,débat,etc, faut t-il a chaque fois faire le buzz ,le paraître me semble de plus en plus incontournable,on devient critique a la moindre occasion ,pour moi ce film est a prendre au second degré et s’en amusé tout simplement ,être handicapé est déjà un soucis permanent ,et suivant la pathologie ,propre a chacune et chacun très compliqué ,alors un peu de rire fais du bien ,c’est juste un film .

Certes? cet article est intéressant mais pour l’APF, des combats sur l’accessibilité sont bien plus importants.Tous les jours nous subissons cette inaccessibilité dans les grandes villes et en province alors qu’en Europe ils ont 30 ans d’avance sur notre pays dont les politiques s’en moquent
Lionel

Est ce Qu il est possible d imaginer que pour un premier film en tant que réalisateur le dit franck dudusc est du prendre une actrice bancable ??

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