Le biopic trop sobre de Gus Van Sant sur le dessinateur John Callahan

Publié le 4 avril 2018 par Claudine Colozzi
DON'T WORRY, HE WON'T GET FAR ON FOOT
Le réalisateur s’égare dans de trop longues séances de groupe de parole pour montrer son personnage sur la voie de la rédemption et du pardon. ©Metropolitan Filmexport

Don’t worry, he won’t get far on foot, le nouveau film du réalisateur Gus Van Sant, s’inspire de la vie du dessinateur satirique John Callahan, alcoolique et tétraplégique. Un biopic bavard qui peine à cerner la personnalité plus complexe de cet Américain connu pour son humour noir. Notamment à l’égard des personnes en situation de handicap. 

Soyons honnête : on n’avait jamais entendu parler de John Callahan avant de le découvrir à l’occasion de la sortie du film de Gus Van Sant. Et c’était dommage tant la vie de ce dessinateur américain, décédé en 2010, et surtout ses dessins politiquement incorrects, méritent d’être (re)découverts.

Le réalisateur l’a côtoyé à Portland où il a passé toute sa vie. D’où l’idée d’adapter son autobiographie Don’t worry, he won’t get far on foot (littéralement :« T’inquiète pas, il n’ira pas loin à pied »). Une référence à l’un de ses dessins les plus célèbres.

Un film sans complaisance

Alcoolique depuis l’âge de 13 ans, John Callahan (interprété par Joaquin Phoenix touchant et investi) est victime d’un accident de voiture après une soirée de beuverie. Devenu tétraplégique, il continue de boire. Jusqu’à ce qu’il rejoigne un groupe de paroles animé par un gourou lui-même alcoolique repenti. Lequel va l’entraîner sur le chemin de l’abstinence. Il lui permettra aussi de se lancer dans le dessin de presse qui lui vaudra sa renommée aux États-Unis.

« Les handicapés sont comme moi, ils en ont marre des gens qui estiment pouvoir parler en leur nom. Toute cette pitié et cette condescendance sont détestables », confiait John Callahan au New York Times en 1992. Rien de tout cela dans le film de Gus Van Sant. La découverte de l’irréversibilité de son handicap et les déboires avec les services sociaux sont filmés sans complaisance.

Un film en manque d’irrévérence

Selon Gus van Sant,« son vrai handicap, c’était l’alcool ». En effet, son addiction le rend presque plus dépendant que sa tétraplégie… Mais de celui dont le réalisateur a dit aussi qu’il « aimait jouer avec les limites », on aurait aimé que soit mieux montrée l’irrévérence. Autrement que dans sa manière de se déplacer à toute berzingue avec son fauteuil roulant.

Quant au scénario façon puzzle, il déconcerte et perd souvent le spectateur. De même, le réalisateur s’égare dans de trop longues séances de thérapie de groupe pour montrer son personnage sur la voie de la rédemption et du pardon. Il semble être passé à côté de la colère que l’illustrateur satirique cherchait à noyer dans des litres d’alcool.

Ainsi, bavard et plus sage que l’œuvre de Callahan, Don’t worry, he won’t get far on foot manque de cette ironie grinçante qu’on perçoit toujours vingt ans plus tard dans ses dessinsClaudine Colozzi

Don’t worry, he won’t get far on foot de Gus Van Sant. Avec Joaquin Phoenix, Jonah Hill, Rooney Mara,   En salles le 4 avril 2018.

La Ruderman Family Foundation critique le choix d’un acteur valide

Il n’y a pas qu’en France que le choix d’un acteur valide pour incarner un personnage handicapé suscite des remous. Lors de la sortie du film aux États-Unis, la Ruderman Family Foundation qui œuvre pour l’inclusion de personnes en situation de handicap a dénoncé le choix du casting.

« Le temps est venu pour l’industrie cinématographique d’auditionner des comédiens handicapés, a précisé Jay Ruderman, son président. En 2018, il n’est plus acceptable que des acteurs blancs incarnent des personnages noirs, hispaniques ou asiatiques. » Par ailleurs, l’association note qu’environ 20 % de la population américaine est en situation de handicap. Et que les acteurs handicapés représentent moins de 2 % des rôles.

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