L’Appas organise la première formation à l’accompagnement sexuel des personnes handicapées, en France

Publié le 10 juin 2014 par Valérie Di Chiappari

S’initier aux massages. Prendre conscience de ses propres projections en matière de sexualité. Apprendre à connaître les contraintes et spécificités des différents types de handicap… Voilà quelques-uns des thèmes de la formation à l’accompagnement sexuel, organisée par l’Association pour la promotion de l’accompagnement sexuel (Appas), en septembre.

Trois journées destinées à tous ceux qui pratiquent déjà ou souhaitent se lancer dans cette activité. Une première en France, selon le président de cette association créée en septembre 2013, Marcel Nuss.

Faire Face : Pourquoi l’Appas organise-t-elle cette formation ?

Marcel Nuss : Notre raison d’être est de défendre le droit à l’accompagnement sexuel. Depuis janvier, nous mettons gratuitement en relation des personnes handicapées exprimant le besoin d’être accompagnées sexuellement et une des douze personnes pratiquant l’accompagnement sexuel un peu partout en France. Il y a parmi celles-ci des hommes et des femmes, des professionnels du sexe et des professionnels de la santé ou de l’aide à domicile.

Avec cette formation, nous souhaitons aller un peu plus loin. Les hommes et les femmes qui auront été formés et signeront notre charte éthique recevront l’agrément de l’Appas. De plus, nous voulons mettre en place un réseau de référents locaux. Ils seront les relais régionaux de l’association. Nous allons également publier des guides pratiques sur notre site.

FF : En France, l’accompagnement sexuel est assimilé à de la prostitution, tolérée. Mais mettre en relation des clients et des assistants sexuels c’est du proxénétisme, interdit. L’Appas est-elle prête à prendre ce risque ?

M.N. : Nous le prenons déjà et nous l’assumons pleinement, en toute clarté. Nous voulons mettre ce débat sur la place publique et obtenir une jurisprudence, à terme.

Oui, l’accompagnement sexuel est une forme de prostitution. Mais elle ne peut être réduite à de le prostitution ordinaire. Cela va bien au-delà. C’est une forme de thérapie pour la personne handicapée en détresse affective et sexuelle. La découverte d’un corps, que le handicap empêche de connaître. Cette exploration passe par le toucher, les massages, les caresses. Cela peut aller jusqu’à la masturbation ou la pénétration, mais ce n’est pas un passage obligé. Nous avons de nombreux témoignages de personnes, accompagnées ou accompagnantes, que cette expérience a transformées.

Par ailleurs, nous ne pouvons être accusés de proxénétisme ordinaire puisque nous ne tirons aucun profit de l’accompagnement sexuel. De plus, nous n’incitons personne à le pratiquer : les personnes sont volontaires et autonomes. Nous militons et travaillons au vu et au su de tous. Ce qu’aucune autre association n’ose faire en France.

FF : L’Appas va bientôt souffler sa première bougie. Quel bilan tirez-vous de cette première année d’activité ?

M.N. : Nous n’avons commencé la mise en relation qu’en janvier 2014. Nous sommes sollicités mais pas submergés. En cinq mois, nous avons mis une trentaine de personnes dépendantes physiquement en contact avec des accompagnants sexuels. Beaucoup plus nous ont contactés, via Facebook. Mais nous sélectionnons les demandes à l’issue d’un entretien sur leurs motivations, leurs capacités, leur isolement social, etc.

Certaines font appel à nous pour de mauvaises raisons. Parce que c’est moins cher que des professionnels du sexe ou qu’elles n’osent pas contacter un ou une escort alors qu’elles pourraient le faire…

Nous mesurons à quel point le manque d’éducation sexuelle a fait et fait encore des dégâts chez les personnes handicapées. Nous allons d’ailleurs également proposer, dès cet automne, des formations aux professionnels du médico-social. Le but : les sensibiliser, les rassurer et les informer sur les problématiques de la vie intime et sexuelle des personnes qu’ils accompagnent au quotidien. Et nous allons lancer un programme de recherche-action dans plusieurs établissements. Le droit à la sexualité passe aussi par là.

Propos recueillis par Franck Seuret

Comment 3 commentaires

Ne pas oublier, dans cette question lourde de risques dans un pays aussi conservateur que le nôtre, la condition des handicapéEs gays et lesbiennes, bi, transgenres et transsexuel(le)s. Un rapprochement avec les associations concernées serait bénéfique.

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