Polyhandicap : comment filmer l’adolescence des ʺenfants éternelsʺ ?

Publié le 12 décembre 2014 par Valérie Di Chiappari

Après Les Zazous, documentaire sur l’enfance polyhandicapée, tourné dans un IME d’Amiens, le documentariste Marc Dubois prépare le deuxième volet de sa trilogie Entre deux eaux. Pendant un an, il va s’intéresser au délicat passage à la puberté de ces jeunes qu’on appelle – à tort – “les enfants éternels”.

Marc Dubois documentaristeCe documentaire est un projet unique*. Son sujet, l’adolescence de jeunes polyhandicapés, n’a jamais été traité à l’écran de cette façon. Entre immersion au sein d’un IME, Les Chrysalides, dédié à cet âge et à cette forme de handicap, et témoignages d’adultes encadrants, d’éducateurs, de parents… Marc Dubois (photo), jeune documentariste, doit pourtant engager aujourd’hui une nouvelle bataille pour pouvoir réaliser son film : fin novembre, il a lancé une campagne de crowdfunding pour en tourner les premières images.

« On recherche des partenaires télévisuels et des diffuseurs. Il y en a très peu en France pour les documentaires, encore moins pour le polyhandicap », explique-t-il. Le sujet fait peur : il n’est pas “vendeur”. Lui-même se souvient parfaitement de ce qu’il a ressenti en 2001 lorsque le directeur de l’IME Jules Verne d’Amiens, Hervé Ledoux, lui propose de tourner un film de présentation de son établissement.

Une humanité explosive

« J’ai vu débouler un premier gamin, Arnaud, qui roulait par terre parce qu’il ne pouvait pas marcher. La semaine d’avant, une gosse était décédée, comme cela arrive dans ces institutions. Je me suis dit : “Mais qu’est-ce que tu fous là ?” Et pendant quinze jours, je me suis planqué derrière ma caméra. J’ai vécu une expérience incroyable. J’ai fini en larmes par poser mon matériel pour faire des papouilles à ces gosses », raconte-t-il.

Marc Dubois promet au directeur de l’IME qu’il reviendra pour tourner un documentaire. Ce dernier ne le croit pas. Six ans plus tard, il pose pourtant de nouveau – pendant plus d’un an – sa caméra devant les visages de Marcel, Christopher, Athacia… Les Zazous, du nom de la chanson déjantée de Matthieu Chedid et Brigitte Fontaine, sort en 2011. Faute de distributeur, il ne sera projeté qu’à de rares occasions malgré tout l’intérêt de ce qu’il révèle : l’humanité, explosive, de ces “enfants éternels” derrière un quotidien fait d’efforts sans cesse répétés, de colères, de souffrances mais aussi de jeux et de rires pour tenter d’apprendre les gestes essentiels.

Voir un extrait des Zazous

Extrait_Les Zazous_Christopher from marcdubois on Vimeo.

Voir, sentir et penser autrement

Marc Dubois ne dit pas autre chose de sa démarche. « On m’interroge souvent sur le pourquoi. Pourquoi ce sujet ? Tout simplement parce qu’ils me touchent. Parce qu’ils m’ont offert l’opportunité de voir, de sentir et de penser autrement. De prime abord, ils paraissent inadaptés et inadaptables. Mais derrière cette apparence, enfouie sous le handicap, il existe une véritable humanité. Et elle a quelque chose de magnifique. »

Voilà plus de dix ans que la direction du centre Jules Verne, à Amiens, se bat pour construire un bâtiment accueillant exclusivement des adolescents. Les Chrysalides ouvriront enfin dans quelques mois. L’occasion pour Marc Dubois de revenir tourner le deuxième volet de sa trilogie, avant l’âge adulte, de ces enfants qui, contrairement aux apparences, grandissent bel et bien.

Regarder et montrer, c’est déjà donner une place dans la société

Avec l’ambition de saisir ce délicat passage de la puberté auprès de ces jeunes polyhandicapés pour lesquels « tout est exacerbé et plus complexe : la question de l’autonomie, du corps qui change, de l’intimité et du corps sexué. Je n’éluderai aucune question mais je veux surtout qu’on entende les réponses des éducateurs et des parents car ils ont beaucoup à nous apprendre. »

Persuadé que « regarder ces jeunes que l’on cache, c’est commencer à leur donner une place dans la société », Marc Dubois continue ainsi de servir pour eux, et par l’image, la phrase de Saint-Exupéry qui ouvrait en 2001 son premier film sur l’IME Jules Verne : « Si je diffère de toi, loin de te léser, je t’augmente. » Aurélia Sevestre

*Le Groupe polyhandicap France (GPF) ne s’y est pas trompé puisqu’il souhaite soutenir financièrement ce projet.

Comment 1 commentaire

Merci d’avoir permis de découvrir le premier docu par les liens. Après le premier extrait il faut regarder le 2ième avec la petite Athasia. Les Zazous rarement projeté… logique puisque l’Audimat règne en maître. Rares exceptions: le docu sur la sœur d’une actrice connue et celui, assez récent, par une journaliste de Canal sur son jeune fils. Revu il y a quelques mois, lors de la nuit de l’autisme, organisme par une commune du Val d’Oise.
Pour l’appel au financement participatif ou solidaire, je me demande si les donateurs classiques aux associations, de temps en temps, ne devraient pas favoriser davantage ce type de projet. Au fond, les dons aux grandes assos tombent dans un pot commun et parfois l’utilisation concrète reste un peu obscure. Ceci est un constat et pas une accusation

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