Victimes d’accident, victimes d’assureurs

Publié le 24 avril 2015 par Franck Seuret
Les montants d'indemnisation proposés par les assureurs sont souvent très inférieurs à la valeur réelle des préjudices.

Le film En Équilibre, en salles depuis le 15 avril, raconte l’histoire d’une victime d’accident devenue paraplégique et son combat pour obtenir d’être correctement indemnisée. Une histoire qui n’arrive pas qu’au cinéma.

Une seconde pour devenir tétraplégique ; des années pour obtenir juste réparation de son préjudice. 5 décembre 1998 : Anne-Laure, 14 mois, est victime d’un grave accident de la route. Verdict : tétraplégie de niveau C6-C7 « ne permettant aucune autonomie fonctionnelle locomotrice ». L’assureur lui proposait douze heures de tierce personne par jour à 12 euros de l’heure. Le Tribunal de grande instance de Marseille vient finalement de lui attribuer une assistance permanente, 24 heures sur 24, au tarif de 20 € de l’heure. Soit une indemnisation de plus de 10 millions d’euros pour ses besoins d’aide humaine.

Un cas parmi tant d’autres illustrant le fossé entre les propositions des compagnies d’assurance faites aux victimes d’accidents corporels et les réparations accordées par les tribunaux. « Les montants sont souvent inférieurs de moitié, voire plus »estime Jacques-Antoine Preziosi, l’avocat d’Anne-Laure, spécialiste de l’indemnisation de tels dommages. Tous préjudices compris, la jeune fille a obtenu près de 12,5 millions d’euros d’indemnités.

La tierce personne, au cœur de la bataille

L’écart est particulièrement flagrant pour la tierce personne, le poste d’indemnisation le plus élevé dans les cas de handicap lourd, bien loin devant les autres préjudices (sexuel, aides techniques, etc.). Les assureurs minimisent, en effet, le nombre d’heures nécessaires. « Ils ont une vision liberticide de la réparation du préjudice, regrette Jacques-Antoine Preziosi. Pourtant, vivre ne signifie pas survivre. L’indemnisation doit restaurer la personne dans sa citoyenneté, en vertu d’un droit fondamental à la liberté et à la dignité que nul ne pensait lui contester avant l’accident. »

Des tarifs inférieurs au coût d’un prestataire

Pour minimiser la facture, les assureurs sous-évaluent également le coût horaire de la tierce personne. Dans une autre récente affaire, Axa proposait 12 € pour les heures de surveillance et 15 € pour celles dédiées à l’aide active. « En considération des prix habituellement pratiqués », le tribunal a fixé à 23 € le coût horaire, « sans qu’il y a ait lieu d’opérer une distinction » entre les heures.

L’ignorance, mauvaise conseillère

Et pourtant, de nombreuses victimes acceptent sans sourciller l’offre d’indemnisation à l’amiable de l’assureur. Il est vrai qu’elles ignorent tout ou presque de leurs futures conditions de vie, de leurs besoins et du coût élevé de la compensation. Une proposition de plusieurs centaines de milliers d’euros peut alors faire illusion… quand deux ou trois fois plus seraient nécessaires pour garantir une réparation intégrale. Elles se reposent en outre trop souvent sur le discours rassurant de l’assureur et de son médecin-conseil.

Des médecins-conseils pas indépendants

Pourtant, « un médecin-conseil d’assurance est au service des intérêts légitimes de la compagnie d’assurance qui le missionne et ces intérêts ne sont pas ceux de la victime », insiste l’Anameva, une association regroupant des médecins-conseils de blessés, indépendants des compagnies d’assurance.

Un avocat et son propre médecin

Il est donc impératif d’avoir recours à un avocat et à un médecin-conseil indépendant. Ce dernier assistera la victime lors de l’évaluation médico-légale, menée par le médecin-conseil de l’assureur. « Ce débat contradictoire, “à armes égales”, est la clef de voûte d’une détermination juste des postes de préjudices, conduisant à une indemnisation équitable », souligne l’Anameva.

Quant à l’avocat, impérativement spécialiste du dommage corporel, il calculera, poste par poste, le montant de l’indemnisation découlant de cette évaluation. Et se chargera de défendre les intérêts de son client, face à l’assureur. Jusque devant le tribunal, s’il le faut. Franck Seuret

Comment 3 commentaires

L’article sur ce cas réel couvre parfaitement le combat de longue haleine assurance/victime. Similaire, bien que moins important en tant que séquelles d’un accident de travail, j’ai patienté 16 ans pour obtenir un dédommagement d’un assureur bien français (Axa) tout en payant les frais d’avocat.
Les points successifs de l’article sont des constats exacts et de bon conseil.

Bonjour Walters
Ton histoire m’intéresse .
Je suis moi-même dans un combat similaire qui s’éternise.
Peux-tu m’en dire davantage stp
R

Bonjour
je réponds à un commentaire sur les médecins d’assurances de compagnies d’assurances et leur indépendance!!!.
C’est inadmissible d’écrire cela
En effet les médecins de compagnies d’assurances travaillent en général pour plusieurs compagnies, ils ne peuvent donc pas avoir des évaluations différentes d’un blessé à l’autre sinon ils ne seraient plus crédibles et sortis du réseau des compagnies, de plus ils se réfèrent à un barème officiel, ce qui n’est pas pareil des médecins de recours payés au résultat.

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