Première Lueur : l’amour et le handicap dans tous leurs éclats

Publié le 7 juillet 2015 par Valérie Di Chiappari
Dans son premier court métrage, le réalisateur Waheed Khan sonde l'amour confronté à une épreuve : le handicap. © Ankii Production

Qu’arrive-t-il dans un couple à l’aube de son aventure à deux quand survient un accident de la vie ? L’amour naissant résiste-t-il… ou pas ? Pour Adam et Sophia, les deux héros de Première Lueur, le choc prend la forme du handicap. Waheed Khan, jeune réalisateur, livre un premier court métrage juste et fort où brillent des comédiens au jeu tout en finesse.

La relation amoureuse à ses prémices. Ce frémissement intérieur qui fait se sentir, ou se croire, seuls au monde. Cette urgence de se construire une bulle rien qu’à soi, de vivre une mise entre parenthèses exclusive. Le premier court métrage de Waheed Kahn, Première Lueur, démarre ainsi. Adam (Walid Ben Mabrouk) et Sophia (Marie Sambourg) s’aiment, veulent vivre ensemble, pensent aux bébés qu’ils auront. L’avenir leur appartient jusqu’à ce que le présent y fasse une irruption brutale sous la forme d’un accident de moto. Adam devient paraplégique.

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Des étapes, de la subtilité

Et leur amour ? Comment cette relation amoureuse naissante va-t-elle, ou pas, survivre à ce que l’on nomme communément un “accident de la vie” ? Voilà ce qu’explore le jeune réalisateur qui produit lui-même son film via sa société Ankii Production.

Whaheed KhanLa force de Première Lueur ne réside pas tant dans son histoire que dans la façon dont Waheed Kahn (photo ci-contre) avance avec subtilité, sans jamais trop appuyer le trait, dans des étapes que les personnes handicapées connaissent bien.  L’annonce, le regard des autres, la peur d’être un poids ou encore la souffrance physique et morale.

Sans oublier cette difficulté soudaine d’envisager un avenir qui, quelques instants auparavant, semblait plein de belles promesses. « Je n’ai pas envie que tu perdes ta vie avec moi », dit Adam à Sophia. Elle lui répond : « C’est toi ma vie. »

Comme l’écrit le philosophe Alain Badiou dans un livre d’entretiens intitulé Éloge de l’amour : « Il y a bien sûr une extase des commencements mais un amour c’est avant tout une construction durable. Disons que l’amour est une aventure obstinée. Le côté aventureux est nécessaire, mais ne l’est pas moins l’obstination.» Adam et Sophia ne vont pas en manquer, chacun à sa façon.

Des gestes, des regards, de l’intensité

Sentiments et émotions explosent dans Première Lueur : joie, impuissance, bonheur, frustration, doute. Filmés de près, les personnages les partagent avec le spectateur sans que jamais le trait soit forcé. Nous restons libres de les interpréter.

Intensité de cette scène où le jeune homme sort de sa baignoire seul, à la force des bras, atteint mais pas vaincu, dans un mélange de rage, de désespoir et de victoire sur soi. Petits gestes, regards, postures, dialogues : le jeune réalisateur cisèle les détails. Le jeu de Walid Ben Mabrouk alias Adam et sa forte présence dans la variation des sentiments qui le traversent participe à l’attrait de ce film, appuyé par une Marie Sambourg qui interprète une Sophia intense et déterminée.

 

Tourné entre Villejuif, en région parisienne, et Étretat, en Haute-Normandie, certaines scènes de Première Lueur font penser à Grand Central de Rebecca Zlotowsky. Un couple jeune, un amour, une menace planante. Ici, elle n’est pas atomique mais physique.

Une question : Qui aime-t-on quand on aime ?

Cette Première Lueur, quelle est-elle finalement ? Celle d’Adam quand il ouvre les yeux à l’hôpital ? Du regard de Sophia, insouciante et joyeuse, allongée avec lui dans des herbes folles surplombant les falaises d’Étretat avant l’accident ? De tous les amoureux quand ils aiment si fort pour la première fois ? Du jour naissant apportant son lot de joies et de peines ? À chacun d’y trouver ce qu’il cherche. Première Lueur nous invite aussi à nous poser cette question : “Qui aime-t-on quand on aime ?”. Sans avoir l’indélicatesse d’y apporter une réponse.

Comment 2 commentaires

Pour avoir eu le privilège de voir ce film, très subtil et réaliste. A découvrir pour la performance de l’acteur principal et les beaux paysages filmés par le réalisateur.

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