Carton rouge pour une Mas et son dispositif de vidéosurveillance illégal

Publié le 6 juillet 2016 par Valérie Di Chiappari
Filmer des résidents à leur insu constitue une pratique passible d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Des caméras pointées 24 heures sur 24 sur les résidents, à leur insu, dans les couloirs, les parties communes mais aussi dans leur chambre. Une pratique illégale dont la Maison d’accueil spécialisée (Mas) Vercors en Seine-et-Marne (77) use pourtant sans vergogne. Mais elle vient de se faire sérieusement rappeler à l’ordre.

C’est à peine imaginable mais c’est pourtant vrai : la Maison d’accueil spécialisée (Mas) Vercors* située à Nandy (Seine-et-Marne), ouverte en février 2006 et accueillant des adultes handicapés, n’hésite pas à filmer en continu et à enregistrer ses résidents sans leur consentement ni celui de leur famille. Ce, jusque dans les chambres pourtant considérées comme des lieux privés. Une pratique passible d’un an de prison et de 45 000€ d’amende.

Si ce scandale vient d’éclater au grand jour, c’est grâce à la mère d’un patient cérébralement lésé suite à une méningoencéphalite, Sébastien, 35 ans, qui réside dans cet établissement depuis bientôt neuf ans. Indignée, Sylviane, ex-inspectrice du trésor à la retraite, a alerté le Défenseur des droits.

De nombreux manquements confirmés par une visite inopinée

L’institution a contacté la direction de la Mas une première fois en novembre 2015. Ses sollicitations restant sans suite, elle y a dépêché des enquêteurs en mars 2016. Leur visite inopinée a permis de constater l’existence de ce dispositif de vidéosurveillance, dont les salariés n’avaient pas été informés non plus et qui n’a fait l’objet d’aucune demande d’autorisation administrative ou judiciaire, ni de déclaration auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).

Autre révélation via le témoignage d’anciens éducateurs : les images pouvaient être vues sur un écran mosaïque, en direct ou en différé, dans une pièce ouverte à tout le personnel. Un usage abusif s’accompagnant de plus de commentaires moqueurs, notamment lors de scènes d’actes sexuels.

Un rappel à l’ordre sévère et menaçant

Dans une décision datée du 7 juin dernier, le Défenseur des droits** enjoint cette Mas de cesser ses pratiques illégales. Il lui fixe un « délai impératif de deux mois » pour rendre compte des suites données à sa demande. À tout moment, il se réserve le droit de saisir le procureur de la République. L’Agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France, la Cnil et le préfet de Seine-et-Marne en ont été informés. Si la situation perdurait, l’autorité sanitaire pourrait ne pas renouveler l’autorisation de fonctionnement de cet établissement en 2017.

Des faits sans précédent

Le directeur du pôle santé du Défenseur des droits, Loïc Ricour, l’affirme : « C’est la première fois qu’un tel abus de la part d’une direction d’établissement nous est signalé. » Pour lui, « il s’agit d’un acte délibéré de maltraitance à l’égard de personnes en situation de handicap et donc particulièrement vulnérables. Ce système de vidéosurveillance clandestin (…) a créé en quelque sorte une zone de non-droit qui réduit à néant le droit à l’intimité des résidents ». Élise Jeanne

*Gérée par l’association Sésame autisme gestion et perspectives (Sagep).

**Un dossier visant des faits de maltraitance lui a aussi été transmis. Cette affaire est en cours.

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