Emploi des personnes handicapées : un hackathon pour l’inclusion

Publié le 11 septembre 2016 par Aurélia Sevestre
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Le 8 septembre à Châtillon (92), l'Adapt organisait son premier hackathon sur le thème : "Associations, missions handicap : que proposons-nous de devenir dans dix ans?".

Un brainstorming ludique réunissant des dizaines de volontaires, sur une journée, afin de faire émerger des solutions innovantes pour l’inclusion des personnes en situation de handicap. Jeudi 8 septembre, l’Adapt organisait son premier hackhaton. Une drôle de cogitation collective.

Hackathon ! Voilà qui sonne comme un cri de ralliement sportif ou d’art martial nippon. Et c’est aussi galvanisant que cela : jeudi 8 septembre, à 8h30, une vingtaine de volontaires de tous horizons – personnes en situation de handicap, représentants d’associations, de syndicats, d’entreprises – se sont présentés au centre de réadaptation de l’Adapt à Châtillon (Hauts-de-Seine) pour participer au premier événement de ce genre.

Une compétition de bidouilleurs

Un hackathon, il faut dire, pique la curiosité. « Contraction de “hack”, qui signifie “bidouilleur” et “athon” pour marathon, ce nouveau type de coworking favorise les interactions dans une ambiance détendue », précise l’Adapt dans un communiqué. Avec un résultat d’autant plus riche que les participants, apportant chacun leur expérience, leur singularité, leurs idées différentes, ne se connaissent pas.

« Notre question, c’était comment faire pour impliquer toutes ces personnes, avec leurs compétences respectives – qu’elles travaillent sur le numérique, dans le monde associatif, en entreprise, etc. – sur ce sujet de l’inclusion, précise Marie Bihan, chargée de communication web à l’Adapt. L’objectif final, c’est d’enrichir les débats et de préparer, de façon collective, la 20e édition de la Semaine pour l’emploi des personnes handicapées. » Thème de cet hackathon inaugural : “Associations, missions handicap : que proposons-nous de devenir dans dix ans ? ”.

Cinq groupes, cinq thématiques

Ce jeudi matin, devant le buffet d’accueil des participants, un grand brun semble jouer les sous-marins. « Je vais faire un compte-rendu de la journée à Anne Baltazar, la présidente (Force ouvrière) de l’Agefiph », confie Thierry Langlois.

En situation de handicap moteur et visuel, cet agent administratif de l’Éducation nationale représente également le syndicat FO. Ce qu’il attend de ce premier hackathon ? « Faire évoluer le regard des missions handicap et leurs compétences. Et pourquoi pas mettre à leur tête des personnes en situation de handicap ? », lance-t-il avec un air de défi.

Justement, un étrange instrument – xylophone en bois cylindrique – sonne le début de la compétition. Mickäel, de l’agence Oze&Co qui organise l’événement, annonce le programme : constituer cinq groupes qui vont plancher sur cinq thématiques. « Collez vos post-it dans les groupes que vous voulez ! »

Thierry file au fond de la salle avec le groupe 3 : “Comment assurer la survie économique de nos institutions ?” car « les fonds du FIPHP et de l’Agefiph ne cessent de baisser. Or, sans ces fonds, plus de missions handicap ! ».

Sophie la girafe en guest star

Brainstorming du groupe 2 sur la thématique : comment faire évoluer le cadre réglementaire des missions handicap ?
Brainstorming du groupe 2 sur la thématique : “Comment faire évoluer le cadre réglementaire des missions handicap pour les pérenniser ?”

Le groupe 2, où je m’inscris, va plancher sur la question : “Comment faire évoluer le cadre réglementaire des missions handicap pour assurer leur pérennité ?”. Sur la table, des crayons de couleur comme à la maternelle et même une Sophie la girafe. « Elle va servir de bâton de parole. Et faire taire ceux qui parlent trop pour que les autres s’expriment ! », explique Valentine, l’animatrice du groupe. Pas très rassurante : « Moi, je ne connais rien à la problématique, je suis juste là pour relancer et guider vos réflexions. »

Des épreuves ludiques pour faire émerger des idées

Première épreuve minutée à quinze minutes : tout le monde doit se présenter en inscrivant trois mots (prénom, compétence, personnalité) sur trois post-it. L’art de la synthèse et de l’humilité. « On ne donne pas le nom de son entreprise et il est inutile de décliner son CV pour ne pas faire peur aux autres », précise Laure, l’autre animatrice de l’agence Oze&Co. Autour de la table, il y aura donc Marie-Annick, compétente en « accessibilité » et « curieuse », Guillaume un « pragmatique », Muriel une « enthousiaste », Sandrine et Mariétou.

En réalité, on a bien du mal à passer sous silence son métier pour se présenter. Sandrine est prestataire de service, elle accompagne des missions handicap de grandes entreprises sur le terrain. « Je vis de cette réglementation, non pas que je survive avec, mais la problématique de notre table, ça fait partie de mes interrogations quotidiennes ! »

La musique d'un étrange balafon cylindrique – ici dans les mains Laure Isabelle, de l'agence Oze&Co, a rythmé les épreuves
Les sonorités d’un étrange balafon cylindrique – ici, dans les mains de Laure Isabelle de l’agence Oze&Co – a rythmé les épreuves de la journée.

Partir de l’expérience de chacun pour élaborer un concept

Idem pour Guillaume, responsable d’une mission handicap d’une grande entreprise « mais nous sommes gérés comme une PME car de nombreux sites du groupe n’atteignent pas les vingt salariés. Par ailleurs, plus on emploie de personnes handicapées (6,78 % pour ce groupe, NDLR), moins la mission a de budget pour faire de l’intégration… C’est un système paradoxal : on aura atteint notre objectif quand il n’y aura plus de mission handicap. Dès lors, ne faut-il pas penser, effectivement, la mort de ces missions telles qu’elles sont constituées ? ».

On commence à se faire des nœuds dans la tête et déjà le xylophone retentit. Deuxième épreuve, trente minutes : se constituer un blason – qui marquera l’identité de notre équipe – en planchant sur trois aspects de la problématique : valeurs, objectifs, croyances.

Une journée créative où l’on peut aussi rêver

« Est-ce qu’on peut dire : “Je crois que dans dix ans, les personnes handicapées seront intégrées aux problématiques d’emploi de l’entreprise au même titre que les autres, comme aux États-Unis ?», interroge Sandrine.

Réponse de Laure, l’expert d’Oze&Co : « Oui, vous avez le droit de rêver ! Si votre idéal, c’est de simplifier le cadre réglementaire, alors dites-le ! » Sur la table, les post-it s’accumulent : “Justice”, “Équité”, “Droit à la différence”, “Diversité”. On hésite en lorgnant sur le tableau blanc : ce post-it va-t-il dans la colonne valeurs ou objectifs ? Mine de rien, cela cogite sur le fond aussi.

Certains veulent se passer de la loi de 2005, « la contrainte est trop forte ». D’autres insistent sur la nécessité d’élargir la problématique des missions handicap à celle, plus large, de la diversité. Et si, au lieu de considérer que l’aménagement d’un poste de travail relève de la responsabilité de l’employeur, on considérait qu’il relève d’une prise en charge au titre de l’assurance maladie ?

L’épreuve de la “Tour Chamalow”

Un agent du ministère de l'Intérieur planche sur le défi Chamalow.
Un agent du ministère de l’Intérieur en pleine épreuve hackatonienne chamalows-spaghettis

Après une pause café, une épreuve de “cohésion d’équipe” : réaliser une structure, la plus haute possible, en spaghettis et chamalows. Fous rires assurés. Muriel se lâche : « Mais c’est trop fragile, c’est chiant ! » Une compétitrice dans l’âme ? Il en faut aussi lors d’un hackathon : à l’issue de la journée, chaque groupe aura dû ficeler un projet de résolution de sa problématique. Sur les cinq projets du jour, deux seront retenus et présentés, à partir de mardi prochain, sur le site www.fairevoluer.com.

L’intelligence collective au service de l’inclusion

Début octobre, à l’issue des cinq hackathons organisés par l’Adapt, dix projets auront ainsi émergés pour lesquels les internautes pourront voter. Les trois plus innovants et utiles seront récompensés par un jury le 14 novembre prochain, lors de la journée d’ouverture de la Semaine pour l’emploi des personnes handicapées à Paris.

En attendant, chacun peut encore s’inscrire aux prochains hackathons ou contribuer à co-construire cette 20e édition de la Seph en laissant ses contributions (documents, témoignages…) sur le premier site internet mettant l’intelligence collective au service de l’inclusion des personnes handicapées. Aurélia Sevestre

 

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