Carnaval de Rio : quand les personnes handicapées dansent la samba

Publié le 13 septembre 2016 par Franck Seuret
Les danseurs handicapés d'Embaixadores da alegria défilent chaque année avant la Parade des champions, qui réunit les meilleures écoles de samba du Carnaval de Rio.

Rio, ses Jeux paralympiques… et son carnaval. Depuis dix ans, une troupe hors normes réunit 2 000 danseurs, des personnes handicapées et leurs proches, pour un défilé sur le Sambodrome.

C’est une école de samba pas moins colorée, ni moins remuante mais beaucoup plus tolérante. Chaque année, les Ambassadeurs de la joie – Embaixadores da alegria, en version originale – défilent sur le Sambodrome, durant le Carnaval de Rio. Quelque 2 000 danseurs, des personnes handicapées et leurs proches, ouvrent la Parade des champions, durant laquelle s’affichent les meilleures écoles de la ville. « Nous avons réussi à faire du Carnaval de Rio un événement ouvert à tous », se félicite Paul Davies, le co-fondateur de cette troupe atypique. Cela n’a pas toujours été le cas.

Un carnaval de fête… et de compétition

Avant la création d’Embaixadores da alegria, peu de personnes handicapées participaient à cette grande manifestation. « Les familles n’osaient pas sortir avec un proche en situation de handicap, raconte Paul Davies. Par honte ou peur du regard des autres. Il faut également dire que les organisateurs ne se préoccupaient pas beaucoup d’accessibilité. »

De plus, le Carnaval de Rio n’est pas qu’une fête : c’est aussi une compétition régie par des règles strictes, avec ses groupes de niveaux. Les écoles de samba, qui font défiler chacune 2 500 à 4 000 danseurs, sont notées par des juges sur des critères précis : costumes, progression, respect du thème, etc. « Leurs responsables craignent sans doute que la présence d’un trop grand nombre de personnes handicapées dans leurs rangs freine le défilé et leur fasse perdre des points », avance Paul Davies.

Une présence cantonnée à une place réservée

En 2006, ce Britannique fonde donc Embaixadores da alegria avec deux amis brésiliens. Cette troupe est ouverte à toutes les personnes en situation de handicap, quel qu’il soit, et à leurs proches. Des ateliers sont organisés tout au long de l’année pour fabriquer chars, costumes et accessoires.

« Derrière le plaisir, il y a de la pédagogie, explique Caio Leitão, son président, dans un documentaire (voir ci-dessous). Ces pratiques artistiques permettent de développer leurs capacités motrices et intellectuelles et contribuent à leur intégration sociale. » Une intégration qui reste toutefois limitée : les danseurs handicapés participent bien au carnaval mais dans une troupe spéciale, hors compétition… Acceptés, certes, mais cantonnés à une place réservée.

Le temps des vaches maigres

Pour les Ambassadeurs de la joie, les temps sont durs. La crise économique a entraîné une sévère diminution du mécénat d’entreprise. « La perspective des Jeux paralympiques a également poussé les sponsors à réorienter leurs investissements vers le handisport, regrette Paul Davis. Quant à la mairie, elle ne nous finance plus alors qu’elle verse des subventions à d’autres écoles de samba, sans vocation sociale comme la nôtre. »

Embaixadores da alegria survit donc uniquement avec des dons et le bénévolat. Elle a réduit au strict minimum le nombre d’ateliers et revu ses ambitions artistiques à la baisse. Mais, fin février 2017, pour le carnaval, tous ses danseurs fouleront à nouveau le Sambodrome. Franck Seuret

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