Singer les macaques pour tenter de remarcher grâce à une neuroprothèse

Publié le 12 novembre 2016 par Olivier Clot-Faybesse
Deux singes macaques porteurs chacun d’une lésion de la moelle épinière ont pu retrouver le contrôle de leur patte paralysée et donc remarcher. Cela grâce à une neuroprothèse court-circuitant la lésion. © DR

S’affranchir d’une lésion de la moelle épinière à l’aide d’une neuroprothèse rétablissant la communication avec le cerveau. Voilà le résultat prometteur obtenu par des chercheurs français et suisses. Ils sont, en effet, arrivés à faire remarcher des primates (macaques) auparavant paralysés d’un membre inférieur.

Comment restaurer la continuité d’un fil électrique lorsqu’il est interrompu ? L’électricien installera un pont (appelé domino ou sucre) afin de réaliser une jonction entre les deux parties du fil sectionné et rétablir ainsi le courant. Mais comment procéder pour un organisme vivant, en particulier lorsque la liaison défaillante se trouve dans la moelle épinière ?

Son fonctionnement est infiniment plus complexe que celui d’un simple fil électrique. Sans compter aussi la taille microscopique du câblage biologique, en l’occurrence une succession de neurones reliés entre eux. Pourquoi, ne pas appliquer après tout, une stratégie similaire ? C’est, en effet, ce que se sont dit les scientifiques d’un consortium international, comprenant l’École polytechnique de Lausanne (EPFL) et l’Institut des maladies neurodégénératives de Bordeaux.

Paralysie déclenchée

Pour valider cette approche, ils ont fait appel à deux macaques. Ces primates – et donc des modèles animaux proches de l’homme – ont subi une lésion de la moelle épinière. Le sectionnement a été ciblé pour entraîner une paralysie d’un membre inférieur droit et interdire ainsi l’action de marche.

Pour servir de pont et pallier la paralysie induite, les chercheurs ont utilisé une neuroprothèse conçue à l’EPFL. Il s’agit d’un ensemble formant une interface cerveau-moelle. Elle comprend deux implants, un cérébral (inséré dans le cortex moteur) et un spinal (placé dans la moelle épinière lombaire) ainsi qu’un système d’enregistrement, un ordinateur et un stimulateur implantable.

Activation contrôlée des muscles des jambes selon le mouvement souhaité

Après chirurgie afin d’insérer puces (implants) et stimulateur, l’interface cerveau-moelle a été testée chez l’un et l’autre des macaques. Le résultat ? Positif et spectaculaire, comme le précise Erwan Bézard, directeur de l’Institut des maladies neurodégénératives : « Les deux singes ont été capables de remarcher immédiatement après la mise en fonction de la neuroprothèse. Aucun entraînement n’a été nécessaire. »

Placée en aval de la lésion, chaque électrode de l'implant spinal va stimuler une voie neurale spécifique qui contrôle un groupe de muscles.
Placée en aval de la lésion, chaque électrode de l’implant spinal stimule une voie neurale spécifique d’un groupe de muscles. © DR

La manière dont agit l’interface est simple. Elle enregistre l’activité cérébrale liée au désir de marcher et la décode. Puis cette information est transmise au stimulateur placé dans la moelle épinière sous la lésion. Des électrodes assurent cette transmission, en stimulant les réseaux nerveux qui activent les muscles des jambes pendant la locomotion naturelle. Ainsi, seuls les mouvements désirés par le singe sont produits.

Test en cours chez l’homme mais défis encore à relever

Un essai clinique a d’ores et déjà été initié à l’Hôpital universitaire de Lausanne afin de tester les effets thérapeutiques de cette neuroprothèse chez des patients souffrant de lésions de la moelle épinière. Néanmoins, rétablir en temps réel chez l’humain la communication entre le cortex moteur, centre de la genèse des actions volontaires, et la région de la moelle épinière responsable des mouvements des jambes, demeure complexe et nécessitera du temps.

« Il faut toutefois conserver à l’esprit les nombreux défis qu’il reste à relever, souligne Erwan Bézard. Même si les essais cliniques débutent, cela prendra quelques années avant que de telles approches soient disponibles pour l’Homme. » O. Clot-Faybesse

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