« Journaliste, j’ai dû me résoudre à travailler en free-lance faute d’accessibilité. »

Publié le 6 mars 2017 par Corinne Manoury
Décidée à montrer que la place d'une journaliste en fauteuil n'est pas forcément derrière un bureau, Camille Gousset a passé son permis de conduire © DR

Camille Gousset, 28 ans, est handicapée motrice de naissance. Elle a effectué, non sans difficultés, toute sa scolarité en milieu ordinaire. Diplômée en journalisme en 2012, elle n’a depuis cessé d’être limitée dans la pratique de son métier par l’inaccessibilité des lieux de travail. Elle est aujourd’hui free-lance et exerce aussi  une activité de consultante pour sensibiliser les médias au handicap.

« Dans mon parcours scolaire, les choix ont toujours été liés à l’accessibilité. Pour me former au journalisme, je suis ainsi allée dans une école parisienne de plain-pied, au rez-de-chaussée et équipée de toilettes handicapés, l’Institut supérieur de formation au journalisme (ISFJ). En revanche, je ne m’étais jamais posé la question de la compatibilité de mon métier avec le handicap.

Le journalisme, c’était ma vocation. Je ne voyais pas pourquoi je ne pourrais pas me déplacer, faire des reportages comme n’importe quel autre journaliste… Le directeur de l’école m’avait d’ailleurs renforcée dans cette idée, indiquant que j’aurais juste des difficultés supplémentaires, mais que ça, je connaissais déjà !

C’est donc au cours de mes différents stages, puis en cherchant du travail que je me suis rendu compte des problèmes d’accessibilité et des clichés qui persistaient sur les personnes en situation de handicap. L’un de mes premiers stages était dans une société de production qui travaillait pour l’émission E=M6. Il y avait bien un ascenseur mais… 10 marches pour y accéder ! J’ai donc dû passer par le garage en espérant chaque jour ne pas croiser une voiture dans cette pente dangereuse. Autre souci, il n’y avait pas de toilettes adaptées, sauf en face, à la préfecture de police. Vous imaginez le temps que prenaient les pauses pour y aller !

Mon arme fatale : une rampe amovible

Au colloque de l’Association promotion de l’accessibilité et de la conception pour tous (Apact), le 22 février, Camille a fait part de ses galères

Pour un autre stage où je faisais de la pré-enquête, la rédaction était au deuxième étage, sans ascenseur. Il y avait une autre rédaction au rez-de-chaussée mais 3 marches pour y accéder. Là, j’ai sorti mon arme fatale. Une rampe amovible rangée à l’arrière de mon fauteuil que je déplie en accordéon. C’était assez casse-cou car il y avait bien 50 cm à monter. J’ai eu un peu peur mais je ne l’ai pas dit. Au final, c’est encore le problème des toilettes qui m’a condamnée à faire le stage à distance.

Ces situations m’ont souvent laissée démunie. Soit la loi est connue des entreprises, mais elles ne veulent pas faire les travaux d’accessibilité. Soit, c’est plus compliqué. Le monde du handicap reste méconnu et les employeurs ne réalisent pas le quotidien d’une personne en fauteuil. Je dois souvent me battre pour convaincre que je peux travailler autrement que derrière un bureau. J’ai même passé mon permis de conduire pour être complètement autonome.

La galère des transports en commun

Les transports en commun, c’est en effet toujours une galère. Entre les ascenseurs du RER en panne, qui m’obligent à aller une station plus loin pour revenir dans l’autre sens, les rampes des bus qui ne fonctionnent pas ou les agents un peu bornés, les trajets peuvent prendre un temps infini. Il y a quelques jours encore, je suis restée une demi-heure dans le froid et le vent sur un quai jusqu’à ce qu’on trouve une solution.

Du coup, je propose de travailler en free-lance et en parallèle, j’ai lancé une activité de consultante handicap. Avec l’idée de dédramatiser face à des publics peu sensibilisés. Les retours sont plutôt positifs car si les formations existent, elles sont souvent dispensées par des personnes valides.

Poser toutes les questions

Moi, je dis aux personnes qui m’écoutent qu’elles peuvent poser toutes les questions qu’elles veulent, même celles qu’elles imaginent sottes. Cette activité m’a également amenée à participer au groupe de travail “média et handicap” du Comité national consultatif du handicap (CNCPH). Avec le rédacteur en chef de Vivre FM, Vincent Lochmann, nous auditionnons dans ce cadre les groupes de presse, nous travaillons sur leur représentations des personnes en situation de handicap. » Propos recueillis par Corinne Manoury

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