« Les retombées positives des Jeux paralympiques de Londres ont été balayées. »

Publié le 10 novembre 2017 par Franck Seuret
Anne Hidalgo, la maire de Paris, des officiels et des sportifs ont posé, vendredi 10 novembre, devant l’emblème paralympique installé sur le parvis de l'Hôtel de ville. © Sophie Robichon/Mairie de Paris

Que doivent attendre les Français en situation de handicap des Jeux paralympiques que Paris organisera en 2024 ? Alors que la maire, Anne Hidalgo, recevait ce vendredi 10 novembre Andrew Parsons, nouveau Président du Comité international paralympique, Faire-face.fr a interrogé Ian Brittain sur l’héritage des Jeux à Londres en 2012. Ce chercheur à Coventry Business School, spécialiste du mouvement paralympique, a publié un article scientifique sur le sujet.

Faire Face : Quel héritage le gouvernement britannique avait-il promis après les Jeux paralympiques ?

Ian Brittain : Les Jeux devaient permettre de transformer le regard de la société sur les personnes handicapées. Ils devaient aussi contribuer à développer leur participation à des activités physiques et sportives. Enfin, dernier héritage attendu, un plus grand engagement de la société pour identifier et éliminer les barrières à la participation des citoyens handicapés.

FF : Ces promesses-ont elles été tenues ?

I.B : Le gouvernement l’assure. Il s’appuie notamment sur une enquête d’opinion réalisée en 2013. 81 % des personnes interrogées pensent que les Jeux ont eu un effet positif sur la manière dont les citoyens handicapées sont considérés. Mais, un sondage datant de la même année auprès des personnes en situation de handicap tempère ce satisfecit : 81 % assurent qu’elles n’ont pas vu de changement.

Plus prosaïquement, si progrès il y a eu, ils restent mesurés. La pratique handisport s’est certes développée, mais surtout à un haut niveau. Et seules 50 des 270 stations du métro londonien sont totalement accessibles.

Article du Daily Mail, le deuxième plus gros quotidien britannique, en octobre 2010 : « 75% des bénéficiaires de pensions d’invalidité fraudent. »

FF : Pourquoi un tel écart entre les promesses et les réalisations ?

I.B : Les méga-évènements sportifs ne se déroulent pas ex nihilo mais dans un contexte politique, économique et culturel donné. Dans le cas des Jeux de Londres, plusieurs facteurs ont impacté sévèrement et négativement l’héritage attendu. Notamment les mesures d’austérité mises en œuvre par le gouvernement en réponse à la crise financière. Mais aussi les tentatives de réformer le système d’aides sociales destinées aux personnes handicapées.

De plus, la couverture médiatique de cette réforme n’a rien arrangé. Des journaux l’ont abordée sous l’angle des profiteurs de la Sécurité sociale, en publiant des articles sur des personnes valides qui prétendraient être malades ou handicapés pour percevoir indûment des allocations.

Par conséquent, quelles qu’aient été les retombées positives des Jeux de Londres, elles ont été balayées.

FF : Quelles leçons en tirer pour Paris 2024 ?

I.B : Il faut se focaliser sur des objectifs bien définis et atteignables. Des objectifs trop larges conduisent à des attentes trop élevées. Il est également très important d’impliquer les personnes handicapées le plus en amont possible.

FF : Faut-il craindre que les Jeux paralympiques offrent une représentation biaisée des personnes handicapées en donnant uniquement à voir de jeunes sportifs performants ?

I.B : Le discours dominant, c’est que les Jeux paralympiques peuvent contribuer à changer positivement le regard sur les personnes handicapées. Mais ces dernières sont nombreuses à considérer qu’en fait cet événement, qui a évolué vers le modèle sportif olympique élitiste, leur rend un mauvais service. En faisant des sportifs paralympiques la norme, le risque est en effet d’isoler encore un peu plus celles et ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas s’impliquer dans le sport. Propos recueillis par Franck Seuret

*Voir cet autre article de faire-face.fr sur la représentation des sportifs handicapés dans les médias.

Comment 2 commentaires

Il est écrit :”en fait cet événement, qui a évolué vers le modèle sportif olympique élitiste, leur rend un mauvais service. En faisant des sportifs paralympiques la norme, le risque est en effet d’isoler encore un peu plus celles et ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas s’impliquer dans le sport.” Tout à fait! Car ces “exploits” sont réalisés avec une logistique d’accompagnement dont on ne dit rien, ou pas grand chose, dans les médias. Bref, une bien faible avancée pour le gain d’autonomie des PH au quotidien.

Merci pour cet article très intéressant.Si pratiquer dans un club handisport est plus facile, cela reste trop souvent difficile pour les handicaps multiples et fonction de l’ouverture d’esprit et de l’engagement des responsables de club.Mon fils adulte en a trouvé un super dans les HdF.

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