Un livre-CD créé en centre de réadaptation

Publié le 30 novembre 2017 par Élise Descamps
Huit mois, trente visites au centre, des ateleirs ensemble et au final une œuvre commune pour partager et témoigner. © DR

Récits de vie, textes de chansons, aquarelles… De son immersion au centre de réadaptation de Lay-Saint-Christophe (Meurthe-et-Moselle), en 2016, l’association Des tas de raisons a réalisé un livre-CD d’une centaine de pages et neuf chansons, écrites ou chantées par les patients dont la vie a basculé, mais aussi des familles et soignants. Le peintre, auteur et musicien Arnaud Cayuela, porteur du projet, nous raconte l’élaboration de Contre Plongée.

Faire Face : Pourquoi avoir choisi un centre de réadaptation pour mener un projet artistique ?

Arnaud Cayuela : L’association lorraine Des tas de raisons, composée d’artistes et d’une psychologue, a pour objectif de permettre l’expression citoyenne notamment par des livres-CD. Ils sont le fruit d’un travail en ateliers avec des invisibles de la société. Après d’anciens mineurs, des détenus, des personnes en insertion, entre autres, nous avons répondu à un appel à projet de la Direction régionale des affaires culturelles et de l’agence régionale de santé sur l’art en milieu hospitalier.

La présidente de l’association connaissait le centre de réadaptation de Lay-Saint-Christophe, près de Nancy, car son père y était passé après un AVC. Ce lieu nous a semblé propice à un travail artistique et d’expression, car la parole y est essentielle. Les personnes y arrivent juste après l’accident et l’opération, et viennent de vivre le choc de la révélation du handicap. Elles oscillent entre espoir et fatalisme. Comme des sportifs de haut niveau, elles mènent une lutte acharnée pour accéder à davantage d’autonomie.

Crier l’injustice

FF : Comment s’est passée cette expérience ?

Arnaud Cayuela : Nous nous sommes rendus une trentaine de fois au centre, en huit mois. Nous avons recueilli leurs témoignages. Je dessinais pendant nos échanges. Nous leur avons proposé d’écrire des textes de chansons, de les interpréter. Certains, aphasiques, ont formé une chorale de bruitages avec leur orthophoniste. Nous avons aussi fait appel à un chanteur de Nancy, Florent Noblot, du groupe Les Rim’ailleurs, pour interpréter, avec moi, les paroles de Jean-Paul. Florent a aussi créé une chanson originale, à partir de ses propres souvenirs de l’hôpital.

Certains membres du personnel et des familles ont participé, et nous, le groupe de musique de l’association, avons orchestré le tout. Le livre en raconte toutes les étapes et les coulisses, aussi importantes que le résultat final. C’était des moments très riches, très forts, et parfois très douloureux. Les patients voulaient crier l’injustice, la peur du regard des autres. Mais nous avons perçu une grande solidarité entre eux, et des liens incroyables noués avec l’équipe. S’ils ont accepté de participer à ce projet, c’est aussi pour que cet objet serve de témoignage.

S’y mettre à plusieurs

FF : Quel conseil pourriez-vous donner aux personnes en situation de handicap souhaitant s’exprimer ?

Arnaud Cayuela : Ne pas hésiter à se lancer ! La musique, le dessin permettent d’aborder certains problèmes de manière non misérabiliste. Aucun des participants n’avait jamais écrit de texte, chanté ou dessiné, même si certains en avaient toujours rêvé, et d’après les contacts que nous avons gardé, certains continuent. Ils s’y sont mis au fur et à mesure, et en ont retiré une grande satisfaction.

Mais se lancer seul n’est pas toujours évident, et la force du groupe comme celui du centre de réadaptation c’est l’émulation. Je conseille de s’y mettre à plusieurs. Je rêve que dans tous les établissements, de la même manière qu’il y a des machines à café, des feuilles, crayons, encres, enregistreurs soient mis à disposition. En disant les choses, on avance ! Propos recueillis par Élise Descamps

 

 

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