Depardon : les blessures des fous

Publié le 4 décembre 2017 par Valérie Di Chiappari
La loi, depuis 2013, impose au magistrat un rendu de décision dans les 12 jours suivant l’enfermement sous contrainte du patient. @ Bande annonce/12 jours

Dans son dernier film, 12 jours, le photographe et réalisateur Raymond Depardon, a posé ses caméras dans un hôpital psychiatrique de Lyon. Il a capté, avec finesse et sobriété, les entretiens entre des juges des libertés et de la détention, et des patients internés sous la contrainte. Un magnifique témoignage sur les blessures de notre société.

Le film s’ouvre sur une porte qui se ferme. À double tour. Avec 12 jours, Raymond Depardon, immense réalisateur qu’on ne présente plus, signe un documentaire comme toujours au plus près de ceux à la marge. Si éloignés en apparence, si proches en réalité.

Cette fois, l’auteur et photographe a posé ses caméras dans les bureaux des juges chargés d’examiner la “procédure” dans un établissement psychiatrique de Lyon, celui du Vinatier. La loi, depuis 2013, impose au magistrat un rendu de décision dans les 12 jours suivant l’enfermement sous contrainte du patient. Doit-il rester interné ou peut-il sortir se faire soigner à l’extérieur.

La parole au premier plan

Défilent une femme aux pulsions suicidaires, un homme schizophrène, un presque adolescent en proie à de nombreuses addictions. Les entretiens se succèdent. La parole est reine. Dès le premier, le langage lui-même dit et renforce la place hiérarchique de chacun. Les juges parlent un langage soutenu et précis, les patients font pour certains ce qu’ils peuvent.

Aucun de ceux ayant participé à ce documentaire ne sera libéré. Pourtant, certains, une jeune mère notamment, argumentent de façon convaincante.

Des fous pas si fous

Mais pas de manichéisme. Depardon ne présente en effet pas trois méchants juges face à de gentils patients cloîtrés, même si l’un des malades crie à l’abus de pouvoir. Comme toujours, la réalité est bien plus nuancée. Ainsi, les magistrats filmés font preuve de la plus grande humanité possible. Mais on les sent parfois dépassés par leur impuissance face à la souffrance, ou les incohérences de leurs interlocuteurs.

De leur côté, les patients ne sont pas tous si “fous” qu’on pourrait le penser. À l’image de cette femme qui a perdu pied à cause de son travail. On sort d’une projection de 12 jours avec bien plus de questions que de réponses. C’est ce qui fait la valeur de ce superbe documentaire, sur les écrans depuis le 29 novembre. À ne pas manquer ! Sophie Massieu

Jusqu’au 24 décembre, la Fondation Henri Cartier-Bresson à Paris XIVe propose Traverser, une exposition de photos et de films de Raymond Depardon.

 

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