Élèves handicapés : l’accompagnement mutualisé divise

Publié le 6 septembre 2018 par Franck Seuret
Si le handicap d'un élève justifie douze heures d'accompagnement, il doit pouvoir en bénéficier. Et non pas se contenter des heures restant à son auxiliaire de vie scolaire.

L’accompagnement mutualisé des élèves handicapés à l’école tend à remplacer le suivi individualisé. Le nombre d’heures nécessaires à chacun n’est alors pas précisé par la MDPH. Cette souplesse fait l’affaire du ministère de l’Éducation nationale mais pas forcément des enfants.

« Je divise le nombre d’heures disponibles par le nombre d’enfants que je dois accompagner. Je ne vois pas comment je pourrais faire autrement. » Voilà comment Hélène, accompagnante d’élève en situation de handicap (AESH), détermine la répartition de son emploi du temps pour les élèves auxquels la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) a attribué un accompagnement mutualisé.

Pas de notification d’heures

Dans ces cas, en effet, la MDPH ne notifie pas le nombre d’heures dont ils doivent bénéficier. Alors que pour un accompagnement individualisé, elle le précise (8 heures, 12 heures, temps plein…). C’est donc aux AESH de répartir leurs vingt-quatre heures de travail hebdomadaires entre les enfants qu’elles doivent épauler. De manière arithmétique, souvent, faute de disposer d’informations précises sur eux. « Quitte à faire évoluer le volume ensuite entre les uns et les autres, en fonction de la réalité », précise Hélène.

« Elle n’arrivait pas à suivre lorsque je n’étais pas là »

En 2017, elle a accompagné quatre enfants : Martin en individualisé avec une notification pour douze heures et trois autres élèves “mutualisés”, sans volume horaire indiqué. Hélène travaillant vingt-quatre heures par semaine, Léna, Hamza et Guillaume auraient donc dû se partager les douze heures de travail qu’il restait.

« J’ai eu la chance que Martin, individualisé, et Hamza, mutualisé, soient dans la même 5e. J’ai donc partagé mes douze heures, qui devaient exclusivement servir à Martin, entre l’un et l’autre. Et j’ai partagé les douze heures restantes, à raison de six heures pour Guillaume et six heures pour Léna, en CE2. Mais pour Léna, ce n’était vraiment pas assez. Elle n’arrivait pas à suivre lorsque je n’étais pas là. »

En passe de devenir la norme

L’accompagnement mutualisé s’impose progressivement dans les établissements scolaires. Selon les dernières données disponibles, datant de 2016, lorsqu’une MDPH décide d’accorder un accompagnement scolaire, quatre fois sur dix, elle prescrit une aide mutualisée. Et aujourd’hui, ce taux doit être encore plus élevé car il est en hausse constante  : 2 % en 2012, 24 % en 2013, 33 % en 2014, 36 % en 2015 (voir graphique ci-dessus).

Évolution du nombre des prescriptions d’accompagnements mutualisés et individualisés, de 2012 à 2016.

Une manière de maîtriser les coûts

« Le ministère ambitionne de faire en sorte que l’aide mutualisée devienne la modalité d’accompagnement par défaut tandis que l’aide individuelle serait réservée aux élèves lourdement handicapés », notait récemment la Cour des comptes. C’est d’ailleurs dans cet esprit que l’aide mutualisée a été créée en 2012, comme le précise la réglementation.

Pour l’Éducation nationale, c’est une manière de faire face à l’envolée des prescriptions d’accompagnement. Sur la période 2012-2016, elles ont augmenté de 13 % par an en moyenne, pointe un récent rapport officiel. Or, l’aide humaine a un coût même si les AESH et contrats aidés sont précaires et mal payés, comme le rappelait récemment faire-face.fr.

« On ne répond pas aux véritables besoins »

L’État veut donc optimiser la gestion de ses personnels. Cette solution peut s’avérer pertinente dans certains cas de figure. Par exemple, deux élèves dans la même classe ayant des besoins complémentaires, comme Martin et Hamza. Mais elle ne peut se faire au détriment des besoins de compensation de chaque enfant. Si le handicap de Léna justifie douze heures d’accompagnement, elle doit pouvoir en bénéficier. Et non pas se contenter de la moitié du temps disponible d’Hélène.

« Pour permettre à un maximum d’enfants d’avoir un ou une AESH, on mutualise à tout va, pointe le collectif AESH en action !Alors, nous on court, on construit nos emplois du temps comme on peut et on ne répond pas aux véritables besoins des enfants. C’est de l’habillage. »

De fortes disparités entre départements

Les fortes variations d’un département à l’autre laissent d’ailleurs penser que la mutualisation répond davantage à un objectif qu’à une réelle adaptation à la situation. Dans le Jura et la Creuse, la MDPH prescrit 80 % d’aide mutualisée. A contrario, dans le Territoire de Belfort ou les Alpes de Haute-Provence, ce taux n’est que de 4 % ! Le ministère de l’Éducation nationale et la CNSA devraient prochainement définir un « cadre méthodologique ». Objectif : harmoniser les attributions.

Extrait du tableau figurant dans le rapport de la Cour des comptes.

Formation des enseignants et adaptation des méthodes au cœur d’une école vraiment inclusive

« Plus fondamentalement, ces divergences posent la question de la manière dont sont évalués les besoins en aide humaine. Sur quelle base ? Avec quels outils ?, souligne Bénédicte Kail, la conseillère nationale éducation d’APF France handicap. Dans le système éducatif actuel, l’accompagnement des enfants handicapés est devenu le principal recours. Mais il ne faut surtout pas négliger la formation des enseignants, l’adaptation des méthodes d’apprentissage… Ce n’est que comme cela que l’école deviendra réellement inclusive. »

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