La Route du Rhum de Fabrice Payen : le défi commence bien avant la course

Publié le 18 octobre 2018 par Bruno Saussier
Nombreux entraînements au programme du skipper à bord de son trimaran "Vent debout face au handicap". Ici dans la Baie de Saint-Malo le 14 octobre. © Bruno Saussier

Le 4 novembre, le skipper Fabrice Payen larguera les amarres pour participer à la Route du Rhum. C’est la première fois qu’il reliera, en solitaire, Saint-Malo à la Guadeloupe. Bateau, entraînements, prothèse, sponsors… le navigateur doit veiller à tout. Heureusement, en plus de sa prothèse en carbone et titane, il a un mental d’acier.

À presque deux semaines du départ, le skipper Fabrice Payen, amputé de la jambe droite, mouille encore la chemise. Son bateau Vent debout contre le handicap est quasi prêt. Lui doit encore boucler quelques étapes avant de prendre la mer.

Un bateau et des tribulations

Tribulations est le nom d’origine de son bateau. « Cela me va parfaitement. Il colle à mon histoire : les tribulations, dans le langage courant, c’est tout ce que tu surmontes. » Le trimaran en a vu défiler des skippers. Construit en 1987 à la Trinité-sur-Mer, il va courir le Rhum pour la quatrième fois.

Tribulations, c’était le nom d’origine du trimaran de Fabrice Payen. « Il colle à mon histoire : les tribulations, dans le langage courant, c’est tout ce que tu surmontes. » © Bruno Saussier

Bateau de 60 pieds, il a été transformé en 50 pieds par Victorien Erussard en 2006 pour pouvoir entrer dans la catégorie des Multi50. Ce trimaran n’était pourtant pas le premier choix de Fabrice Payen. Lui visait plutôt un plan Newick – architecte naval américain ayant dessiné les premiers trimarans de course, NDLR – : « Je trouvais cela sympa. Mais ils sont très prisés, assez chers et ils partent vite. » Deux bateaux restaient sur le marché de l’occasion dans son budget. Tribulations était bien équipé. Affaire conclue en juillet 2017 pour 110 000 €.

Une prothèse et des technologies

Alignant gyrocompas, accéléromètre et pilotage par smartphone, la prothèse de Fabrice Payen est bourrée de microprocesseurs et de capteurs. La société grenobloise Chabloz l’a mise au point et si le skipper arrive presque à l’oublier, c’est grâce au travail d’ajustement millimétré de l’orthoprothésiste Romain Caillat. Évidemment étanche, elle lui a ainsi permis de retrouver une certaine liberté et surtout l’envie de refaire des projets.

Il a opté pour le modèle de base dont le budget est déjà quasi équivalent à celui de son bateau (100 000 €). « On a tenté une petite modification pour avoir un angle de flexion déterminé me permettant de garder le dos droit. Mais je n’ai jamais le temps de la paramétrer. Depuis, j’ai vu que cela marchait aussi bien en écartant légèrement les jambes. » Il devra cependant veiller à la recharger car son autonomie dure cinq jours.

https://www.facebook.com/france3auvergne/videos/amput%C3%A9-dune-jambe-il-va-participer-%C3%A0-la-route-du-rhum/2049118478440037/

Des entraînements et des aléas

Fabrice Payen a donc pris la barre de Tribulations en juillet 2017. Il a commencé par des sorties en équipage et une double traversée de la Manche en solitaire en “faux-double”. Dans cette configuration, un second skipper se trouve à bord en observateur et n’intervient qu’en cas de danger. Premier stop en hiver, pour un gros chantier technique. Au printemps, rebelote : il a fallu changer un tiers du pont. Résultat : « Deux mois de navigation bouffés, avec de super conditions météo. »

Le 4 juillet, la naissance de sa fille Mahée bouscule encore un peu le planning. Ses qualifications sont repoussées à la fin du mois. « J’ai repris mes marques en août. » Avant un dernier stop inévitable, cinq semaines en septembre : certifications, carénage, peintures.

Depuis la fin septembre, le skipper navigue dès qu’il peut. « Il me faudrait encore une navigation de 48 heures en faux-double pour être serein et clair dans ma tête. » Mais le calendrier file.

Des sponsors et des conférences

À quinze jours du départ, le skipper n’a toujours pas réussi à trouver de partenaire principal. « Les débuts ont été difficiles. Il a fallu prouver que je pouvais me qualifier, ce que je n’ai pu faire que fin juillet. Avant, les entreprises étaient plutôt frileuses. » Son bateau porte donc les couleurs de plusieurs sponsors, parmi lesquels Premiers de Cordée et APF France handicap.

« Je pars avec un budget loin d’être bouclé mais le projet s’étale sur deux ans. Je compte bien vendre le retour d’expérience dans les entreprises l’année prochaine en organisant des conférences. »

« Fabrice porte un message fort qui peut être contagieux. »
Prosper Teboul, directeur général d’APF France handicap

© Bruno Saussier

« APF France handicap joue rarement les sponsors. Mais le remarquable parcours de Fabrice Payen est totalement en phase avec les valeurs et les combats de notre association. Soutenir la démarche de quelqu’un cherchant à faire reconnaître ses aptitudes professionnelles après un accident nous semble une évidence. À la fois pour le message qu’il délivre à l’administration maritime et pour l’écho positif de sa démarche. Son aventure rejoint également notre engagement à mettre les nouvelles technologies au service du mieux-être des personnes en situation de handicap.

La Route du Rhum et les nouvelles technologies s’avèrent certes plus médiatisables que la personne ayant des difficultés pour se rendre au travail ou forcer la porte des entreprises. Mais la participation de Fabrice contribue à bousculer les apriori. Il fait bouger les lignes en entraînant derrière lui des milliers de personnes. C’est un message fort qui peut être contagieux et auquel nous sommes fiers d’être associés. »

Comment 4 commentaires

Bonjour,

Vraiment félicitations.
Je viens juste de voir la courte vidéo.
Je trouve ceci très émouvant.
Biensûr, j’essaierai de vous suivre.
Les mots me manquent un peu.
Je vous souhaite beaucoup de force et d’arriver jusqu’au bout.

GO !!!!!

Xavier.

Beaucoup de courage pour cette superbe compétition. ..
Bravo pour votre investissement, votre positivité, vos lecons de vie et votre engouement. ..Chapeau Bas à Vous….

Je vous souhaite Bon Vent et que les Bonnes FÉES à travers les étoiles puissent veiller sur vous et votre bateau tout au long de cette superbe Aventure , où vous aller une nouvelle fois toucher toutes vos limites… réussite très mérité , je suis convaincue que vous pourrez aller au bout de cette superbe expérience ….
Avant de partir, vous avez déjà gagné beaucoup de petites victoires sur tous les autres candidats, pour en être déjà parvenu à ce niveau exceptionnel d’adaptabilité et de polyvalence …
Que votre projet puisse aboutir au mieux …Je suis de tout coeur à vos côtés. Bien Cordialement. GTC

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