L’électrostimulation pour faire pousser des membres

Publié le 8 novembre 2019 par Elise Jeanne
En s'inspirant des invertébrés, Vincent Fleury et son équipe ont réussi à stimuler électriquement le tissu pour qu'il refasse, lui-même, un organe ou un membre identique remplaçant celui lésé.

Et si demain une personne amputée ou privée d’un de ses membres le recouvrait ? Cette perspective ne relève plus de l’utopie. La preuve ? Une découverte de Vincent Fleury, biophysicien et spécialiste en morphogénèse, directeur de recherche CNRS au laboratoire “Matières et systèmes complexes” de l’Université Paris-Diderot. Explications.

Faire-Face.fr : Travaillant sur l’embryogénèse dans le cadre de vos recherches en médecine régénératrice, vous êtes parvenu à accélérer la formation de bourgeons de pattes chez des embryons animaux. Par quel processus ?

Vincent Fleury : La première étape a consisté à comprendre comment sont faits les tissus des embryons. Comment apparaissent une patte, un œil, un intestin. Non pas d’un point de vue génétique mais physiquement parlant. Un gène ne suffit pas en soi. Il faut ensuite un ensemble de mouvements particuliers pour qu’un embryon ressemblant à un patchwork très plat se forme.

Avec mon équipe, nous avons identifié que des sortes de ceintures de cellules s’y comportent comme de minuscules tendons ou muscles. Que se passerait-il alors si nous les électrocutions… ?

Une inconnue ? Des anomalies

F-F.fr : Cela rappelle les cours de dissection de grenouilles en biologie. Des électrodes étaient placées sur leurs nerfs et muscles pour obtenir une réaction de leurs cuisses.

V.F : En quelque sorte. En tout cas, il est tout aussi spectaculaire, dans nos laboratoires, de voir se fabriquer l’ébauche de petites nageoires, par exemple. Comme d’accélérer cette fabrication à partir d’un petit choc électrique.

Retenez l’idée qu’un embryon est comme un origami prêt à former des plis. Autrement dit, à positionner les tissus le constituant et préparant la morphogénèse de pattes et autres membres. Nous avons montré que stimuler électriquement ces tissus accélère leur mise en forme. Les processus morphogénétiques de l’embryon pour le dire savamment.

Mais d’autres points restent à préciser. Par exemple, si nous savons quand et à quel endroit exercer ces décharges électriques, nous ignorons si nous pouvons stimuler ainsi les tissus de façon chronique et prolonger les effets sur une durée plus longue. Le tout, sans causer des anomalies.

Petit deviendra grand in vitro

F-F.fr : C’est-à-dire comment faire prendre la bonne taille à ces menus organes ou membres ? Et appliquer cela à l’être humain ?

V.F : Exact. Car si nous savons désormais comment fabriquer des bouts d’intestin ou des ébauches de pattes millimétriques chez un animal de laboratoire – comme pour un embryon mais à partir de ses propres cellules souches –, nous ne savons pas encore les vasculariser. Ni les faire grandir artificiellement in vitro.

Cela sera mon prochain but. L’idée étant de commencer par le rein ou un foie dont la forme importe moins que pour un pied ou une main.

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