Nouvelle Cordée, la meilleure façon de marcher contre le chômage

Publié le 20 novembre 2019 par Corinne Manoury
Phillipe, 58 ans, peu bavard et renfermé, a retrouvé le sourire à l'Esiam et ne compte pas s'arrêter de travailler avant 62 ans. © Laurie Bignonnet

Pendant quatre ans, la documentariste Marie-Monique Robin a suivi l’expérimentation “Territoires zéro chômeur de longue durée” à Mauléon, dans les Deux-Sèvres. En donnant la parole à celles et ceux qui ont retrouvé du travail et leur joie de vivre. Un film enthousiasmant, à voir d’urgence.

C’est un feel-good movie. Pourtant, ce n’est pas une fiction mais une histoire bien réelle que nous raconte le documentaire Nouvelle Cordée, en salles ce mercredi 20 novembre. Celle de Pierrick, Sylvie, Sébastien, Anne, Philippe et Philippe, Magali et Claire…

Ils ont entre 36 et 58 ans et tou.te.s ont connu une longue période de chômage. Certains ont un handicap. Parfois hérité de leur vie professionnelle d’avant, comme pour Sébastien ou Sylvie. Parfois dû à un accident de voiture, comme Magali, la menuisière, restée dix ans sans toucher les machines pour couper et travailler le bois.

Ceux qu’on appelait « les cassos »

C’est aussi un accident de la route qui a laissé Pierrick veuf, avec deux petites filles à élever seul. L’obligeant à chercher un emploi à temps partiel. Anne, elle, a fait un burn-out. Tandis que Philippe, qui était venu à Mauléon pour se rapprocher de son fils, s’est retrouvé à survivre au RSA. « Sans permis de conduire, impossible de trouver du travail, dit-il. Il faudra qu’on m’explique comment on peut s’insérer avec 460 euros par mois. »

« On nous appelait les cassos », confirme l’autre Philippe, que l’on voit petit à petit s’ouvrir. Depuis son embauche en CDI à l’Esiam, l’Entreprise solidaire d’initiatives et d’actions mauléonnaise, il est parti en vacances, s’est acheté un scooter et a renoué avec sa famille. Et puis, il ne boit plus.

L’embauche d’abord, le travail ensuite

L’Esiam, première “entreprise à but d’emploi” de France, a dégagé 200 000 € de chiffre d’affaires en 2018 et emploie aujourd’hui 70 personnes. Eux, ont été les pionniers. Ceux qui ont dessiné les contours de cette entreprise inhabituelle, à partir de 2015. Une entreprise qui « marche à l’envers », comme l’expliquent Claire et Magali, puisqu’elle embauche d’abord et trouve du travail ensuite. « C’est un défi à relever. On part de rien et on se demande ce qu’on peut faire », précise cette dernière.

Un défi que les spectateurs réalisent pleinement. Au premier jour d’embauche, le 3 janvier 2017, ils voient ainsi les salariés, un brin inquiets, commencer par faire le ménage dans les locaux désaffectés qu’on leur a attribués.

Les corps se redressent

Ce sont eux aussi, les pionniers, qui expliquent ce qu’est l’expérimentation “Territoires zéro chômeur de longue durée” initiée par l’association ATD Quart Monde et le député Laurent Grandguillaume : une réaffectation des coûts de compensation du chômage, des activités adaptées aux compétences de chacun des salariés et surtout, non concurrentielles. « Prendre la place de quelqu’un, le mettre au chômage, c’était impensable », dit Anne.

Au début de l’aventure, en 2015, les regards fuient un peu les caméras. Puis, les corps se redressent, la confiance revient, la parole se libère. Et si l’Esiam fermait ? Philippe ne peut l’envisager. Lui qui, à 55 ans, a contracté son premier crédit pour acheter un véhicule, son permis enfin passé. Anne estime, elle, que ce serait « un gâchis ». Plus optimiste, Magali, se dit aujourd’hui prête à rebondir.

« L’utopie existe ! »

« C’est un grand plaisir de filmer une histoire où l’intérêt des individus coïncide avec celui de la collectivité. Où le travail et la notion de service retrouvent tout leur sens », explique Marie-Monique Robin, la réalisatrice. Avant d’ajouter à l’attention de tous ceux qui pensent que c’est de l’utopie : « L’utopie existe, nous l’avons filmée ! » CQFD.

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