Discrimination : des enfants handicapés interdits de retour à l’école

Publié le 12 mai 2020 par Franck Seuret
Les décisions interdisant aux enfants handicapés de revenir à l'école parce qu'ils seraient incapables de respecter les gestes barrières contre le coronavirus sont discriminatoires.

Dans quelques écoles, des enfants se sont vu refuser le droit de revenir à l’école. Motif ? Ils ne sont pas capables d’assurer les gestes barrières. Une discrimination rendue possible par le retard et le flou des consignes de l’Éducation nationale. Les AESH ont également dû attendre la dernière minute pour voir le ministère se pencher sur leur cas.

Alexia ne compte pas en rester là. Jeudi 7 mai, l’enseignant référent pour les élèves en situation de handicap à Cagnes-sur-Mer (Alpes Maritimes) l’a informée que sa fille, Juliette, scolarisée en Ulis, n’était pas autorisée à revenir en classe. Pourtant, son école rouvre ses portes, ce 12 mai, pour les élèves de CP, son niveau, et de CM2.

« Il a justifié sa décision en nous expliquant que Juliette n’est pas capable de respecter les gestes barrière, précise Alexia. D’accord, elle a un retard intellectuel. Mais les crèches et les maternelles vont bien accueillir des enfants, non ? »

Deux familles sur trois contre le retour à l’école

Des centaines d’enfants handicapés ont fait leur retour en classe, sans guère plus d’encombres que leurs petits camarades, ce 12 mai. D’autres, plus nombreux encore vraisemblablement, n’y sont pas allés pas parce que leurs parents ne le souhaitent pas.

« Selon le sondage flash que nous avons réalisé, deux familles d’enfant handicapé sur trois n’envisageaient pas de le remettre à l’école », précise Emmanuel Guichardaz, assesseur de la commission éducation au Conseil national consultatif des personnes handicapées (*).

Mais certains, comme Juliette, la fille d’Alexia, dans les Alpes-Maritimes, se sont heurtés à une fin de non recevoir.

Un refus d’admission confirmé par l’inspecteur

Se laver les mains est l’un des gestes barrières.

Même refus, même motivation, à 1 000 kilomètres de là, en Seine-Maritime. Le directeur de l’école n’accepte pas d’accueillir le fils d’Amandine, 7 ans, autiste, dans son CP. Le motif ? Il ne saura pas respecter les mesures de sécurité. Décision confirmée par l’inspecteur.

« Pourtant, l’AESH de Corentin serait là, précise sa mère. L’éducatrice du Sessad pourrait venir. Et moi, je sais qu’il est en mesure de comprendre et respecter les gestes barrières. »

Des consignes trop tardives

« Ces décisions sont discriminatoires, commente Bénédicte Kail, conseillère nationale éducation familles à APF France handicap. Le problème vient notamment du fait que l’Éducation nationale a tardé à donner des consignes claires sur l’accueil des enfants handicapés. La note nationale attendue n’est tombée que jeudi 7 mai. »

Une note discriminatoire en Seine-Maritime

Entre temps, les personnels ont édicté leurs propres règles. Dans l’académie de Normandie, par exemple, la direction des services départementaux de l’Éducation nationale de Seine-Maritime, a mis en ligne, le 6 mai, une fiche de recommandations. « Un élève qui ne serait pas en mesure d’appliquer les gestes barrières malgré l’aide apportée ne pourra pas être accueilli », écrivent les deux conseillers techniques chargés du handicap !

Des formulations demeurent ambigües

La note nationale du 7 mai rectifie le tir. Sans aller au bout de la logique du droit à l’école. « Certaines formulations restent ambigües », déplore Bénédicte Kail. Les élèves (…) « pour lesquels le retour à l’école serait trop perturbant continuent de bénéficier de l’enseignement à distance », précise ainsi le ministère de l’Éducation nationale. Perturbant pour qui ? Pour eux ou pour l’école ?

Et pour les enfants atteints de « troubles moteurs les empêchant de se protéger, le confinement sera maintenu si les aménagements sont impossibles ». Quels aménagements ? Jusqu’à quand ? Ces indications sont d’autant plus étonnantes que le ministère clame que les élèves en situation de handicap seront « prioritaires » pour le retour à l’école.

Sophie Cluzel rappelle la règle

Sophie Cluzel assure que les professionnels accompagneront les enfants handicapés pour qu’ils apprennent les gestes barrières.

« Nous avons fait remonter nos observations sur cette note à la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées », précise Emmanuel Guichardaz. Sophie Cluzel les a visiblement entendues. Elle a en effet été très claire lors de son intervention sur Facebook live, samedi 9 mai (à 23 mn 04 sur la vidéo).

« Les enfants handicapés ne seront pas refusés à l’école parce qu’ils n’arrivent pas encore à s’approprier les gestes barrière, a-t-elle martelé. Nous allons les accompagner pour que, petit à petit, ils se les approprient de plus en plus. » Un argument supplémentaire dans le combat pour les droits de sa fille qu’Alexia entend bien gagner.

Rattrapage de dernière minute pour les AESH

Les AESH auront dû attendre la veille de la reprise des cours pour être fixés. Hier, 11 mai, le ministère de l’Éducation nationale a enfin dégainé son protocole sanitaire pour les accompagnants d’élèves en situation de handicap. Jusqu’alors, les documents publiés, y compris la note du 7 mai, évoquaient à peine ces quelque 80 000 professionnels.

« Nous sommes dans une injonction paradoxale, résumait Aurélie, du collectif AESH-AVS en action, interrogée par faire-face.fr avant la sortie du protocole. Faute de consignes particulières, nous sommes censés respecter l’ensemble des règles applicables dans l’école. Y compris rester à distance. Or, par nature même, notre mission nous amène souvent à être proche de nos élèves. »

Le document a au moins le mérite de clarifier certains points. Il prend acte que la distanciation n’est pas possible pour les actes essentiels de la vie quotidienne ou l’accompagnement de certains élèves autistes. Dans ces cas, « un point de situation aura lieu pour définir les modalités de prise en charge (…) en lien étroit avec la famille ». Et l’AESH pourra bénéficier d’un équipement spécifique (lunettes de protection et/ou visière). Ce qui est loin d’être garanti quand on sait que tous n’avaient pas encore de masque, hier, 11 mai.

(*) Ce sondage flash n’a pas la fiabilité d’une enquête statistique mais permet de donner de grandes tendances.

Comment 14 commentaires

Bizarre comme publication… Je m’étonne… Vous dîtes exactement l’inverse des consignes reçues par ma hiérarchie :
Retour prioritaire des élèves en situation de handicap.
Apprentissage des gestes assurée en classe
Surveillance de l’application de la distanciation et des gestes (en classe et en dehors) par AESH…
Je suis en Ulis et nous sommes prêts à accueillir les élèves qui peuvent supporter le stress ambiant

C’est une très bonne chose que votre Ulis ne tienne pas compte de ce critère.
Et, comme nous l’écrivons dans l’article, la plupart des enfants handicapés ont pu faire leur rentrée sans pb.
Il n’empêche que ces témoignages ne sont pas inventés. Et que nous en avons recensé d’autres.

Bonsoir

Mon fils, autiste léger, est refusé de la reprise en ULIS. Motif “ pas d’accord inspecteur « 
Voici le message de son professeur :
Bonjour, je reprends certains élèves à partir du 14, mais je ne vois pas du tout comment reprendre Xxxxxx si je n’ai pas du tout le droit de le toucher. Je suis en contact avec Mme Xxxxx et Mr l’inspecteur pour savoir ce qui va pouvoir être fait pour xxxxxx Cordialement. Mr lxxxx

« Si je n’ai pas l’accord de l’inspecteur, je ne prendrai pas xxxxx »

Bonjour, nous nous retrouvons dans la même situation notre fils reconnu handicaper pour un trouble du comportement mineur c’est vu refuser le droit de rentré a l’école par un mail reçu le 11 mai je trouve cela inadmissible étant donner qu’il n’a pas pu bénéficié d’une scolarité normale en moyenne section il sait vu réduire sont temps scolaire de 10h a 11h45 le lundi mardi jeudi et vendredi oui oui vous ne louché pas seulement 1h45 d’école par jours 4 fois par semaine, l’année suivante a nouveau 1h45 donc grande section de maternelle malgré une notification mdph de 12h d’avs individuel l’augmentation n’a eu lieu qu’en mai 2019 a 4 mâtiné complète par semaine pareille pour sa rentré de CP et le confinement est arrivé donc aucun changement a l’horizon et la il est refusé nous somme a bout de souffle personne ne nous écoute.

Mon petit fils 11 ans en classe Ulysse en 6 éme ne supporte pas le masque .
Il est refusé au collège par ce motif!!!!
Quelles solutions pour lui,
Merci de votre réponse.

Bonjour,

Je tiens à applaudir et tirer mon chapeau très bas aux témoignage de Élisabeth Maman de Raphaël.

maman de Mae âgée de13 ans porteuse d un handicap

Les solutions ne peuvent venir que de notre union ,il y a de la place pour tous mais ne vous comprend que celui qui le vie

Cordialement.

Leila

Bonjour Lardiere,
Je suis en remise à niveau par mon handicap j’ai reçu un message comme quoi ma reprise en septembre on devais revoir le masque sauf qu’avec sa je suffoque ah bord du ma malaise
Je ne sais pas comment on pourrais faire ! 🙁

Nous sommes dans la même situation,mon petit garçon de 5ans n’a pas accès a son école car ils affirment qu’ils ne sont pas en mesure de l’acceullir .Mon fils a un handicap moteur et la promiscuité avec son avs qui doit des fois l’aider à se déplacer empêche l’obligation des gestes barrières. Je comprends dans la forme mais je trouve que l’école aurait pu faire l’effort de le prendre 2h dans la semaine afin de maintenir le lien scolaire. L’avs continue de venir à l’Ecole pour les aider alors qu’elle est l’avs Personnel de mon fils…C’est dur pour eux d’etre mis de côté et surtout je pense que ce n’est pas normal !

Quand le confinement permet d’oublier le statut de handicap de mon fils

Raphaël, mon jeune homme, aura dix-huit en décembre. Il est actuellement scolarisé dans un dispositif ULIS d’un lycée du Morbihan.
Comme tous, il est resté à la maison pendant cette période de confinement, et particulièrement en tête-à-tête avec moi sa mère qui l’élève seule; ses sœurs ainées et son père étant scolarisés ou domiciliés dans des départements différents.
Tout s’est bien passé lorsque tous, ou du moins le plus grand nombre d’entre nous, nous restions à notre domicile. Nous étions comme les autres, pas encore en décalage.
Un premier discours politique nous a révélé que la reprise scolaire débuterait progressivement à partir du 11 mai, ce n’était pas encore pour Raphaël, mais cela arriverait peut-être le 18 mai. Puis rien. On n’évoquait peu les jeunes en situation de handicap lors de ces discours que je suivais attentivement. Puis finalement peut-être un retour le 2 juin ? Enfin, du discours du 28 mai se dégageait un léger optimisme alors on était sauvés, le retour en cours devenait envisageable. Monsieur J-M Blanquer soulignait même une reprise essentielle pour les jeunes en difficulté. Ces jeunes allaient être mieux pris en charge qu’ils ne pouvaient l’être à distance.
Du lycée, nous avons reçu un questionnaire nous demandant si nous étions favorables à la reprise scolaire de notre enfant. Les devoirs du bon comportement du jeune étaient notés au cas où l’établissement ouvrirait. J’ai répondu favorablement à la reprise de scolarisation en mentionnant mes doutes concernant le matériel propre à Raphaël (ordinateur), l’organisation du déjeuner et les transports en commun car bien sûr j’avais tout de même un peu d’appréhension. Le questionnaire dépourvu d’arguments rassurants a évidemment reçu peu de réponses favorables des parents. Comment recevoir l’adhésion d’un groupe si on n’explique pas les mesures sanitaires qui seraient appliquées dans l’établissement qui nous concernait? Le silence inquiet des familles s’est installé. Et le samedi 30 mai, une lettre du chef d’établissement parue sur le site Scolinfo apprenait aux familles que le lycée n’ouvrirait pas : pas assez de réponses favorables.
Alors que fait-on chez nous depuis le 11 mars? Un mélange de scolarisation, de travail partiel/ chômage partiel pour moi. Mais à partir du 2 juin, je vais montrer la lettre de maintien de fermeture de l’établissement à mon employeur… pour un aménagement le jour même. Raphaël aura dix-huit ans en décembre. Il ne peut pas se débrouiller, il est grand pourtant? Depuis mars, il n’a pas gagné en autonomie ? Il ne travaille pas sa motivation ? Un jeune en situation de handicap n’est-il pas censé travailler seul devant un écran avec enthousiasme et comprendre seul ? La visioconférence ne permettrait-elle pas d’établir un lien plus vivant, plus dynamique avec ce public en difficulté?
Et bien je n’ai pas voulu que Raphaël reste seul, enfermé à la maison. J’ai voulu créer un climat propice au développement de sa curiosité. J’ai souhaité qu’il garde un rythme actif avec des horaires même aménagées. En plus des cours mais surtout des fiches d’exercices, nous avons réalisé de nombreuses recettes, des expériences en sciences, de la lecture, de l’écriture poétique, de la photographie, la lecture de la presse avec explications et échanges, des jeux de société, de la musique, des exercices de kiné et d’orthophonie. Car les prises en charge se sont arrêtées pendant le confinement, les activités de loisirs également. Que devient la sociabilisation de ses jeunes sur laquelle nous travaillons tant? Plus de stages non plus, même celui en ESAT cuisine qui avait nécessité trois années d’attente nous échappait, plus de portes ouvertes permettant d’avancer dans notre réflexion d’avenir. Même si l’enseignante de mon fils était active, notre organisation familiale semblait oubliée des discours politiques et le quotidien de mon fils en situation de handicap apparaissait peu préoccupant. Nous laisser sans conseils, sans reprise scolaire s’apparente pour moi à de l’abandon. A nous de trouver nos solutions. Alors pour nos jeunes fragiles scolairement qui risquaient de décrocher (trois jeunes sur les dix de la classe de Raphaël avaient d’ailleurs été perdus), un re-contact avant l’été semblait essentiel. Pourtant notre situation reste aujourd’hui le 2 juin désespérément la même. Et si mon fils retourne en cours du dispositif ULIS en septembre, il aura ainsi passé six mois sans véritable rythme social, sans inclusion (ce beau « I » de ULIS).
De mon côté, j’ai recherché des informations, des conseils sur le portail de la MDPH, mais je n’en ai pas trouvés. Des parents -des mères souvent- m’ont contactée, une association m’a adressé un questionnaire sur mon expérience du confinement seule avec Raphaël. Mais si le problème se représente en automne, nous garderons à nouveau nos jeunes à la maison? Qu’aurons-nous appris de cette situation ? N’est-ce pas plutôt envisageable d’accompagner des chefs d’établissements inquiets qui optent pour la simple fermeture de leurs établissements? D’ailleurs une petite question me taraude: combien de dispositifs ULIS ouvriront un peu avant l’été dans le Morbihan, quelle proportion réelle sur toute la France?
Finalement Raphaël est satisfait de ce qu’il a réalisé au cours de ces mois de confinement puis de prolongation forcée. Il me dit avoir apprécié sa prof particulière et ne plus souhaiter retourner au lycée. Je vous laisse juges d’une telle réponse. Moi, je sors fatiguée de mes tentatives à créer un climat propice à l’éveil, à la curiosité, et malheureusement je suis encore plus inquiète pour l’avenir car les stages deviendront rares.
Pourtant je devrai être positive. Sans déplacements dans les couloirs et les escaliers du lycée, Raphaël ne souffre plus le soir, mieux, il a pu arrêter momentanément son traitement contre les douleurs musculaires. Et recevoir des fiches d’exercices via internet sans bénéficier d’adaptations ni de visioconférence, ne plus travailler l’inclusion dans les classes ordinaires, ne plus avoir d’AVS, et bien je me dis que « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ». Grâce au confinement nos jeunes ne sont plus en difficulté, mieux, ils ne sont plus en situation de handicap!

Elisabeth Joyault

Maman isolé enfant autiste (je me retrouve seul avec mon fils) orthophoniste refus (gestes barrière) SESSAD il a fallu bagarre (elle voulez uniquement à mon domicile) et l école. Je constate que l on a le même refrain (geste barrière……mon fils a une AVS individuelle 12h. Aucun essaie refus jusqu’à la fin année scolaire. Quand je lis tous c est commentaires (prévenu association). Personne nous aide vraiment

Bonjour, moi qui suis moi-même handicapé, je tiens à dire que cette situation est assez discriminatoire, un handicapé refusé dans son école parce qu’il ne respecte pas les gestes barrières, je trouve ça honteux et je crois savoir pourquoi la raison de cette discrimination, parce qu’ils sont handicapés et pour eux ils ne seront pas capables d’évoluer dans des écoles et ils ne les acceptent pas afin de faire de grosses différences, je souhaite que les proviseurs soient punis pour discrimination de handicap.

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