Télé : les chaînes se contentent de leur petite dose de bons handicapés moteur

Publié le 30 septembre 2020 par Franck Seuret
Les télés affectionnent la figure du sportif ayant dépassé son handicap. Comme cette émission de France 2 au titre évocateur : Champions d'exception (ici Yasser Musanganya , en athlétisme/course).

Le baromètre de la diversité 2019 du CSA montre que le pourcentage de personnes en situation de handicap apparaissant à la télé demeure très faible. Et la méthodologie employée favorise les handicaps visibles. Au risque d’alimenter les préjugés. 

Invisibles, les personnes handicapées à la télé ? Transparentes, en tout cas, selon les résultats du baromètre de la diversité, rendus publics par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), mardi 29 septembre. Seulement 0,7 % des personnes et des personnages y apparaissant sont perçus comme étant en situation de handicap. 

« Le handicap est bien plus présent dans la population qu’il n’est représenté à la télévision », souligne le CSA. Et de pointer que 20 % des Français seraient handicapés ou en situation de handicap.

Des indices visibles ou des informations sur le handicap

Mais quelle réalité mesure cet indicateur ? Selon la méthodologie retenue par le CSA, les agents chargés de visionner les programmes identifient les personnes comme handicapées dans deux cas de figure.

Lorsque des indices visibles apparaissent à l’écran (malformation, canne d’aveugle, etc.). Ou bien quand des informations du récit permettent d’identifier un handicap. De nombreuses personnes, ou personnages, ayant un handicap invisible, et ne l’ayant pas fait savoir, ne sont donc pas recensées.

La personne en fauteuil roulant, archétype du handicap

« Comme dans la vie réelle pourrait-on dire, précise Vincent Lochmann, membre du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). La grande majorité des personnes handicapées, atteintes d’un handicap invisible, passent inaperçues aux yeux de ceux qui ne font que les croiser.

D’ailleurs, le CSA précise bien que le baromètre mesure la part des personnes perçues comme étant handicapées, pas des personnes handicapées. Cela donne une “prime” au handicap visible. Comme dans la vie réelle encore une fois. » Celle où la personne en fauteuil roulant demeure l’archétype du citoyen handicapé.

Prime aux handicaps facilement identifiables

Cette méthode de comptabilisation pourrait toutefois engendrer des effets pervers. « Pour que les chaînes apparaissent vertueuses au niveau de la mise en visibilité des personnes en situation de handicap, elles ont intérêt à porter à l’écran des personnes ayant un “stigmate” facilement identifiable, pointe Stéphane Amato, maître de conférence en sciences de l’information et de la communication au laboratoire Imsic de l’Université de Toulon. C’est plus facile que de faire l’effort d’expliciter le handicap invisible. » 54 % des personnes perçues comme handicapées, dans les programmes, sont d’ailleurs en situation de handicap moteur !

Des « “super-héros” » ou des gens « socialement désirables »

Plus généralement, Stéphane Amato pointe la tendance des chaînes à mettre en scène des personnes aux profils suscitant facilement l’adhésion.

Qu’il s’agisse de « super-héros” » ayant accompli tel ou tel exploit. Ou bien « des individus affichant une face socialement désirable », ayant de l’humour, sympathiques, performants… Les personnes perçues comme handicapées ont ainsi quatre fois plus souvent un rôle positif que l’ensemble de l’échantillon du CSA (voir graphique ci-contre).

« De façon contre-intuitive, ces stéréotypes pourraient alimenter les préjugés et les discriminations à l’égard des personnes en situation de handicap qui ne rentrent pas dans cette norme “télévisuelle” », souligne-t-il.

Un baromètre imparfait mais utile

Pour autant, ni Vincent Lochmann, ni Stéphane Amato ne remettent en cause l’existence de ce baromètre, aussi imparfait soit-il. « Cela permet d’avoir des données identiques d’une année sur l’autre, pour comparer l’évolution de la situation », pointe le premier. Évolution très lente, au demeurant, comme le montre le graphique ci-dessous. 

« C’est important d’avoir un outil permettant de quantifier un phénomène, complète le second. Mais il faut ensuite dépasser cet aspect purement quantitatif pour mener une analyse qualitative : comment rendre compte de la diversité des situations de handicap vécues par les personnes ? »

Une charte pour faire bouger les choses ?

Les chaînes l’ont-elle enfin compris ? En décembre 2019 – soit dix ans après la création du baromètre, elles ont signé une charte pour améliorer la représentation des personnes handicapées.

Elles s’y engagent notamment à leur donner la parole sur d’autres sujets que leur handicap. Ou bien encore à banaliser l’intervention de personnages handicapés, sans les réduire à cette situation.

Mais elles promettent aussi de promouvoir les réussites individuelles de personnes handicapées. Le vieux schéma du héros inspirant a la vie dure.

Comment 3 commentaires

Bonjour
Effectivement il y en assez de ne voir que des fauteuils roulants et parfois des cannes blanches. Evidemment l’utilisation du logo du fauteuil roulant pour les toilettes par exemple renforce le stéréotype.
Pourquoi ne pas doubler, systématiquement, ce logo avec celui d’un autre handicap? Cela permettrait de faire connaitre tous les autres formes de handicap.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site est protégé par reCAPTCHA et la Politique de Confidentialité de Google et l'application des Conditions d'Utilisation.

Sujets :
Société