La loi devrait prochainement évoluer pour que tout acte de pénétration sexuelle commis par un majeur sur un mineur de moins de 15 ans soit automatiquement considéré comme un viol. Et pour les personnes handicapées ? Les avis divergent sur les dispositions à adopter pour protéger celles qui ne seraient pas en mesure de consentir.
L’idée n’est pas nouvelle. Mais le mouvement de libération de la parole des victimes de violences sexuelles lui a donné un second souffle.
Une proposition de loi, en cours d’examen au Parlement, vise à instaurer un seuil d’âge de non-consentement. Déjà adoptée en première lecture par le Sénat et l’Assemblée nationale, elle sera à nouveau examinée par les sénateurs, ce jeudi 25 mars.
Le gouvernement a donné son feu vert

Elle vise notamment à inscrire dans le code pénal qu’un jeune de moins de 15 ans ne pourra, par principe, être considéré comme consentant à une relation sexuelle avec une personne plus âgée que lui d’au moins cinq ans.
Tout acte de pénétration sexuelle commis par un adulte sur un mineur ayant moins de 15 ans sera donc automatiquement considéré comme un viol. Le gouvernement a donné son feu vert.
Et les personnes handicapées ayant l’âge mental d’un enfant ?
« Que le législateur reconnaisse, qu’en dessous d’un certain âge, il ne peut y avoir de consentement amène forcément à se poser la question de la protection des personnes en situation de handicap ayant l’âge mental d’un enfant », souligne Marie Rabatel, la présidente de l’Association francophone des femmes autistes (Affa), engagée de longue date dans ce combat.
Surtout que les mineurs en situation de handicap sont beaucoup plus souvent victimes de violences sexuelles que les autres. Idem pour les majeurs.
Le consentement surpris en cas de trouble mental ?

De manière générale, pour qualifier les faits de viol, en cas de pénétration, il faut apporter la preuve d’une contrainte, menace, surprise ou violence. Et le droit prend déjà en considération la situation particulière des personnes en situation de handicap.
« La Cour de cassation juge que le consentement a été surpris – donc qu’il n’existait pas – lorsque l’acte a été accompli dans des conditions qui rendaient un véritable consentement impossible : la personne dormait, était sous l’influence de substances ayant gravement altéré sa conscience… ou était atteinte d’un trouble mental », rappelle Jocelyne Leblois-Happe, professeur de droit privé et sciences criminelles à l’université de Strasbourg. Mais c’est au juge que revient la responsabilité d’apprécier la situation, au cas par cas.
Une présomption absolue de contrainte
Sofia Sellami a consacré sa thèse de droit privé et affaires criminelles à ce sujet. Elle préconise la mise en place d’une présomption irréfragable – absolue, qui ne peut être contestée – de contrainte en faveur des personnes handicapées n’étant pas en mesure de donner leur consentement.
Le mécanisme serait donc comparable à celui que les parlementaires vont mettre en place pour les moins de 15 ans. Toute relation sexuelle avec ces personnes serait automatiquement considérée comme un viol, s’il y a eu pénétration.
Marie Rabatel et l’avocate Solenne Brugère avancent une proposition dans le même esprit, dans une contribution au débat en cours.
Nécessaire équilibre entre protection et libertés
Un point de vue que ne partage pas Valentin Gazagne-Jammes. « Si le droit pénal venait à présumer, a priori, une absence de consentement pour les personnes en situation de vulnérabilité liée à leur handicap psychique ou mental, il annihilerait leur liberté sexuelle en la rendant illégale », souligne cet enseignant-chercheur de l’Université de Corse, dans la revue des droits et libertés fondamentales.
« L’équilibre est difficile à trouver, synthétise Josiane Bigot, la présidente de la Cnape, une fédération d’associations engagées pour la protection de l’enfance. Il faut protéger ces personnes sans pour autant les priver de leur liberté sexuelle, poursuit l’ex-magistrate. Sans trop généraliser non plus, car les situations de handicap sont très diverses. »
Poursuites même sans plainte
Elle serait donc plutôt favorable à une présomption simple de non-consentement. Concrètement, toute relation sexuelle avec un adulte en situation de handicap présumé dans l’incapacité de consentir entraînerait des poursuites. Même dans le cas où la victime ne porte pas plainte.
Mais cette présomption n’étant pas absolue, elle pourrait être contestée par l’auteur. Il appartiendrait alors au juge de déterminer au cas par cas s’il y a eu consentement. En recourant à des expertises s’il l’estime nécessaire.
« La question de l’âge n’a pas de sens. »

Le débat parlementaire actuel ne permettra pas de trancher la question. Les seuls amendements déposés jusqu’à présent visaient seulement à porter à 18 ans – au lieu de 15 – le seuil de non-consentement pour les mineurs handicapés. Ils ont logiquement été rejetés.
« La question de l’âge n’a pas de sens lorsqu’il s’agit d’une personne en situation de handicap », a opportunément rappelé Adrien Taquet, le secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance, devant les députés.
Une commission très attendue
En revanche, il fonde beaucoup d’espoirs sur la commission qu’il vient installer, avec le garde des sceaux. Elle va plancher sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants. Et faire des propositions ciblées sur ceux en situation de handicap. Marie Rabatel fait partie des personnalités y siégeant. Nul doute qu’elle mettra la question du consentement sur la table.