Amélie ou la difficile reconnaissance des discriminations liées au handicap

Publié le 9 avril 2021 par Corinne Manoury
En tête des motifs de discrimination pour lesquels le Défenseur des droits est saisi, le handicap peine à se faire reconnaître comme tel par la justice pénale.

Déception et indignation pour Amélie Marc et APF France handicap. La justice n’a pas reconnu la discrimination dont a été victime la jeune femme pendant son année de classe préparatoire au lycée Molière à Paris. La direction de l’établissement a été relaxée pour absence de preuves matérielles et absence d’intention.

Tout est souvent question de point de vue. Mais justement, en matière de discrimination liée au handicap, il serait peut-être temps de changer de focale. D’y regarder de plus près, en se mettant à la place des personnes concernées.

Amélie, elle, n’a pas été entendue par la justice. Dans sa décision rendue jeudi 8 avril, le tribunal judiciaire de Paris a relaxé la proviseure du lycée Molière, contre laquelle la jeune femme avait porté plainte pour discrimination en 2016. Arguant d’un manque de preuves matérielles et d’un manque d’intention.

Aménagements effectués, pas de discrimination ?

« Je m’y attendais, malheureusement, déplore Amélie. Une condamnation aurait été un signe fort. Mais la société peine encore à appréhender les discriminations liées au handicap. Nous avions des témoignages, des e-mails et des enregistrements. Mais ces preuves n’ont pas été considérées comme suffisantes. »

Le problème ? La grève déclenchée au lycée suite à la décision de ne plus accueillir Amélie a porté ses fruits. Tout comme la pétition et le soutien des associations. Sous la pression, la proviseure avait dû en effet procéder aux aménagements dont elle refusait d’entendre parler. Pour la justice, puisqu’Amélie a finalement pu poursuivre ses études, la réalité de la discrimination est discutable.

Des attitudes systématiquement minimisées

Lors de l’audience du 4 mars, la défense de la proviseure s’est appuyée sur ces aménagements concédés. Elle a également accusé Amélie d’avoir perturbé la vie de l’établissement. « C’est dur de se dire qu’on dérange alors qu’on ne devrait pas, constate la jeune femme. Je voulais juste poursuivre les études que j’avais choisies. »

Pour Patrice Tripoteau, directeur général adjoint d’APF France handicap, l’affaire n’a pas été prise à sa juste valeur. « Tout est systématiquement minimisé. On a entendu que proposer un autre lycée partait d’une bonne intention, relève-t-il. C’est-à-dire que l’on ne reconnaît pas la violence du geste, la violence à l’égard d’Amélie. On considère que c’est anodin. »

Témoigner des discriminations liées au handicap

Hasard du calendrier, la décision du tribunal est tombée le jour même où le gouvernement a lancé une grande consultation sur les discriminations. Patrice Tripoteau invite donc toutes les personnes en situation de handicap ainsi que leurs familles à s’exprimer. Et à signaler toutes les discriminations dont elles sont victimes ou témoins sur la plateforme antidiscriminations.fr.

Pour que demain, les preuves des discriminations liées au handicap soient recevables. Pour faire comprendre aussi que le cas d’Amélie n’est pas un cas particulier ou isolé. Amélie pour qui le combat ne s’arrête pas là. « Il faut continuer à parler de ces discriminations au quotidien, du manque d’accessibilité, des refus d’aménagements, dit-elle. Pour qu’elles deviennent visibles et soient enfin sanctionnées. »

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