Aide à domicile : la hausse des salaires va-t-elle entraîner celle du reste à charge ?

Publié le 9 septembre 2021 par Franck Seuret
La hausse des rémunérations est une bonne chose pour les salariés de l'aide à domicile et pour un secteur qui peine à recruter et à fidéliser des employés.

À partir du 1er octobre, les salaires vont fortement augmenter dans les services associatifs d’aide à domicile. Pour éviter que cela n’entraîne une hausse des prix, et donc du reste à charge des usagers handicapés, l’État va financer la moitié de la facture. Il appelle les départements à en faire autant.

Champagne ? N’exagérons rien quand même. Mais la rémunération des salariés des services d’aide et d’accompagnement à domicile, les Saad, va bel et bien augmenter en octobre*. De 13 à 15 %, en moyenne, grâce à l’entrée en vigueur de l’avenant 43 de la convention collective de la branche de l’aide à domicile, applicable dans le secteur associatif.

Un titulaire du diplôme d’État accompagnant éducatif et social démarrera désormais sa carrière avec un salaire de 1 892 € bruts par mois pour un temps plein. C’est 300 € (+ 19 %) de plus qu’aujourd’hui, selon le ministère des Solidarités. Pour un salarié sans diplôme ni ancienneté, le coup de pouce sera toutefois plus limité : + 33 € (+ 2 %).

Une bonne nouvelle pour les usagers des Saad ?

Mais est-ce une bonne nouvelle pour les usagers de ces services en situation de dépendance ? Cette hausse des salaires ne risque-t-elle pas de se traduire par une augmentation des prix ? Et donc, au final, par l’alourdissement du reste à charge, la somme qu’ils doivent payer de leur poche, une fois déduit le montant de leur prestation de compensation du handicap (PCH) ou de leur allocation personnalisée à l’autonomie (Apa) ?

« Notre objectif, c’est de neutraliser l’impact de la revalorisation salariale pour les bénéficiaires de la PCH, de l’Apa et de l’aide ménagère départementale », assure Stéphane Corbin, le directeur adjoint de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

L’État financera 50 % de la hausse des salaires…

Le Gouvernement a débloqué une enveloppe annuelle de 200 millions d’euros maximum. Et il a chargé la CNSA de les répartir entre les départements. Ces derniers devront toutefois compléter ces crédits.

« Le coût de la revalorisation pour les prestations assurées auprès de bénéficiaires de l’Apa, de la PCH et de l’aide ménagère départementale devrait s’élever à 300 millions d’euros pour les départements, en année pleine », précise, en effet, Stéphane Corbin.

… les départements devront débourser le reste

L’État, via la CNSA, assumera 70 % de ce coût en 2021 puis 50 % les années suivantes, comme le précise le décret du 6 septembre. À partir de 2022, les conseils départementaux devront donc débourser 150 millions d’euros. S’ils acceptent de consentir un tel effort.

« C’est dans leur intérêt de contribuer à financer une politique qui permet de rendre ce secteur plus attractif, insiste Stéphane Corbin. Ils ont besoin de ces services, sur leur territoire, pour faire face au vieillissement de la population. »

La prime Covid et les disparités entre départements

77 % des 101 départements français ont versé une prime Covid de 1 000 à 1 500 € aux salariés des services d’aide à domicile.

Vincent Vincentelli, lui, attend de voir. « Pour l’instant, nous ne savons pas quels départements vont s’engager ni à quelle hauteur », précise le responsable réglementations sectorielles à l’Una (union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles), qui regroupe plus de 800 structures, partout en France.

Et de rappeler l’exemple de l’attribution de la prime Covid aux salariés des Saad, en 2020. Son financement reposait sur le même schéma que la revalorisation salariale. Au final, 23 départements avaient alloué une prime inférieure aux 1 000 € attendus. Trois n’avaient même rien versé.

Les usagers des services tarifés légalement à l’abri

Une autre inconnue demeure. Les départements traiteront-ils de la même manière les services tarifés et ceux qui ne le sont pas ? Dans le premier cas, les services dits tarifés, le conseil départemental fixe lui-même le prix d’intervention, après négociation (au-delà de 22,5 € généralement). Et le montant horaire de la PCH qu’il verse à l’usager est égal à ce prix.

« Là, légalement, les départements vont être obligés de compenser intégralement la hausse des salaires, précise Jérôme Perrin, le directeur du développement et de la qualité de l’ADMR, un autre réseau associatif de service à la personne. Passer par un service tarifé garantit, en effet, aujourd’hui déjà comme demain, de ne pas avoir à supporter de reste à charge. »

Incertitudes autour des services non tarifés

Ce qui n’est pas le cas dans les services non tarifés, qui déterminent librement leur prix dans la limite d’un taux maximum d’augmentation fixé chaque année par décret. Les conseils départementaux vont-ils compenser intégralement la hausse des rémunérations ?

À défaut, ces services devront gonfler leurs tarifs. Et le montant de la PCH perçu par leurs clients handicapés restant fixé à 18,25 €, le reste à charge de ces derniers grimpera. Cela reste une hypothèse à l’heure qu’il est.

« Nous serons plus vigilants sur ces situations-là, poursuit Jérôme Perrin. Notamment dans les départements qui n’ont aucun service tarifé. » La balle est dans le camp des collectivités.

* La hausse ne concerne pas les salariés des secteurs publics et des entreprises commerciales.

Comment 10 commentaires

Bonjour,
Est-ce que la hausse des salaires à compter du 1er octobre concernent aussi les salariés du CESU ?
Si oui, l’impact sera le même (hausse du reste à charge pour l’usager si la PCH n’augmente pas).
Merci.

Bonsoir, Dans le cas d’un Saad tarifé mais qui est en société, et donc pas une association, l’augmentation aura-t-elle lieux et la prise en charge du département aussi ?

Curiosité : remarque de Mr. PERRIN de l’ADMR et la prise en charge de cette augmentation par l’Etat et le département.

Je fais appel aux services d’une aide ménagère de cette association et reçois justement ce jour ma facture mensuelle.

Il y est indiqué, que dès le 1er novembre prochain, une augmentation de 14% du tarif horaire précisé sur mon mon contrat de cliente, sera appliquée en raison de cette revalorisation des salaires… ! ? …

Alors, qui prendra vraiment en charge cette augmentation (bien méritée par ce personnel souvent remarquable) ?

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