Karim Randé, acrobate : « Mes prothèses, mes nouveaux agrès »

Publié le 14 octobre 2021 par Élise Descamps
Avec ou sans prothèse, Karim Randé peut encore presque tout faire © Sebastien Armengol

À la suite d’un accident sur scène, Karim Randé, acrobate toulousain de 39 ans, a pu le rester après son amputation il y a cinq ans. Un véritable choix pour poursuivre son art. Les mises en scène de sa compagnie, Bancale, traitent de la blessure et de l’homme augmenté. Sans pathos.

« Je suis acrobate de cirque depuis mes 19 ans. J’ai fait des tournées dans le monde entier avec des compagnies de théâtre de rue, travaillé au Théâtre national de Chaillot, à Paris… Ce qui me plaît dans le cirque, c’est que c’est à la fois du sport et de l’art : le salto doit raconter quelque chose. 

En 2014, à 32 ans, en plein spectacle, j’ai loupé mon arrivée lors d’un numéro de bascule coréenne, une longue planche, pivotant autour d’un axe, aux extrémités de laquelle il faut sauter pour se propulser. Mon pied s’est totalement retourné. Le chirurgien a réussi à le sauver et six mois plus tard, je reprenais l’entraînement. Mais ont suivi dix-huit mois de douleurs : les vis ne tenaient plus, migraient et arrachaient tout. J’ai subi de nombreuses opérations et attrapé un staphylocoque doré. 

Alors que les médecins me parlaient de reconstruction osseuse, j’ai dit “Stop, on coupe”. J’aurais eu un pied tout ossifié, sans aucune souplesse. J’ai donc choisi l’amputation pour continuer le cirque. »

L’acrobate Karim Randé a su faire de l’amputation de son pied une force et une belle source d’inspiration dans son art. © Sébastien Armengol

Faire encore plus après l’amputation

Alors que les médecins me parlaient de reconstruction osseuse, j’ai dit “Stop, on coupe”. J’aurais eu un pied tout ossifié, sans aucune souplesse. J’ai donc choisi l’amputation pour continuer le cirque. Je ne l’ai jamais regretté, car j’ai pu reprendre le spectacle quelques semaines après. Avec mes prothèses, classiques ou lames de course, je peux tout faire ou presque, et parfois bien plus qu’avant. Devenues mes nouveaux agrès, en les portant je ressens la même chose qu’avant sur des échasses.

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Les risques du métier

Ensuite en 2018, à Toulouse, j’ai créé la compagnie Bancale, avec pour idée de défendre le corps bancal. Notre premier spectacle, Membre fantôme, en tournée actuellement, parle de la blessure dans le monde du cirque. Nous avons tous des entorses, des fractures et nous acceptons ce risque. Le public, lui, doit avoir conscience de l’envers du décor. C’est pourquoi, dans ce spectacle, il y a des instants graves, des monologues.  Ce sont autant de moments de partage avec les spectateurs. Sans pathos. 

Il est possible d’aller loin en jouant avec le handicap, comme je le fais en dévoilant soudainement ma prothèse, en l’enlevant ou en dansant avec des béquilles. On peut détourner corset, fauteuil… en accessoires pour la mise en scène. Tout comme l’état un peu second dans lequel on se trouve à l’hôpital, avec les médicaments, donne lieu à des séquences plus oniriques.

L’homme amélioré

Par ailleurs je travaille sur un prochain spectacle, cette fois-ci de rue, sur “ l’homme amélioré”, qui prolongera les débats sur les performances des lames de course. Et je témoigne de mon parcours en centre de rééducation. J’y ai fait de belles rencontres en tant que patient ou comme intervenant. Quand un enfant me dit que d’après son kiné, il lui sera difficile de refaire du vélo, je lui réponds que le seul maître à bord, c’est lui. Personne ne peut savoir ce dont il est désormais capable. »

Prochaine date, vendredi 15 octobre, à 20 h 30, au Carré des Arts à Verrières-en-Anjou, renseignements : 02 41 76 65 72.

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