Violences sexistes et sexuelles : « La parole des femmes en situation de handicap est très souvent niée »

Publié le 25 novembre 2021 par Franck Seuret
« Lorsque les victimes dénoncent les violences subies, il arrive fréquemment que leurs proches ou les professionnels ne prennent pas en considération ce qu'elles disent. »

Jeudi 25 novembre : Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Une récente étude de l’Observatoire régional des violences sexistes et sexuelles de Nouvelle-Aquitaine montre l’intensité des violences de tous types que subissent les femmes handicapées, entraînant un fort taux de tentatives de suicide. Entretien avec la sociologue Johanna Dagorn, sa directrice de recherches.

Faire-face.fr : Pourquoi cette étude ? Et comment avez-vous travaillé ?

Johanna Dagorn avoue ne jamais avoir été confrontée à pareille situation.

Johanna Dagorn : Dans une précédente enquête sur les violences sexistes et sexuelles, j’avais été frappée par la surexposition des femmes en situation de handicap, déjà révélée par d’autres organismes. Les partenaires de l’Observatoire ont donc décidé de mener une recherche spécifique sur ces femmes, basée sur des questionnaires et des entretiens, auprès de victimes et de professionnels.

L’État et la Région ont financé ce travail. L’échantillon est trop réduit pour en tirer des données chiffrées extrapolables. Mais le parcours de ces femmes de tous âges et de tous handicaps est riche d’enseignements.

Les violences s’ajoutent les unes aux autres »

F-F.fr : Quels sont ses enseignements ?

J.D : Cette recherche montre l’intensité des violences subies qui, de plus, s’ajoutent les unes aux autres. Sauf rares exceptions, toutes les femmes en situation de handicap interrogées ont enduré des violences de différents types.

Verbales et psychologiques, le plus souvent. Physiques, très fréquemment. Mais aussi, au moins une fois sur deux, sexuelles. Beaucoup ont également fait l’objet de violences économiques, un conjoint violent les privant de leurs ressources.

Cela contribue sans doute à expliquer que ces femmes aient toutes tenté de se suicider. J’ai l’habitude de travailler sur les violences et je n’avais jamais été confrontée à une telle situation.

Les victimes se montrent extrêmement méfiantes envers les institutions, quelles qu’elles soient »

F-F.fr : Comment réagissent ces femmes ?

J.D : Elles en arrivent à normaliser cet état de fait. « Ce n’est pas si grave », confient-elles. Les femmes que j’ai interrogées ont une capacité de résistance incroyable. Mais cela ne les empêche pas d’exprimer une grande colère.

D’autant que la parole des femmes en situation de handicap est très souvent niée. Lorsqu’elles dénoncent les violences subies, il arrive fréquemment que leurs proches ou les professionnels ne prennent pas leurs propos en considération.

Elles se montrent donc extrêmement méfiantes envers les institutions, quelles qu’elles soient. Elles préfèrent déménager, quitter leur ville, et pire, se suicider pour échapper à ces violences tues.

Il faut former les associations de personnes handicapées au repérage des violences »

F-F.fr : Quelles mesures prendre pour améliorer la situation ?

J.D : Les rares institutions vers lesquelles elles se tournent sont les associations de personnes handicapées. Celles et ceux qui vont les recevoir doivent donc se former au repérage des violences, à l’écoute…

Idem dans les services et établissements accueillant des personnes handicapées. Il est également impératif d’y informer les professionnels sur l’obligation légale qui s’impose à eux de porter à la connaissance du procureur de la République les violences dont ils auraient eu connaissance, où qu’elles se se soient produites.

Et puis, il faut que les structures relais puissent débloquer en urgence des moyens. Par exemple, pour apporter l’aide humaine nécessaire à une femme quittant son conjoint violent mais qui faisait office d’aidant.

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