Handicap : le quinquennat Macron à l’heure des comptes

Publié le 17 mars 2022 par Franck Seuret
Emmanuel Macron a plombé son quinquennat avec certaines décisions totalement contraires aux droits des personnes handicapées, sur les ressources et l'accessibilité. © Présidence de la République

Les Français l’ont entendu sur tous les tons, en 2017 : le handicap allait être « une priorité du quinquennat ». Cinq ans plus tard, Faire-face.fr dresse le bilan, secteur par secteur. Tandis qu’Emmanuel Macron a dévoilé ce 17 mars son  programme pour un second mandat.

Il est des décisions qui pèsent comme des boulets, à l’heure de faire les comptes du quinquennat. Côté ressources, sujet central s’il en est, le Gouvernement a multiplié les faux pas.

Ressources : une hausse a minima

Emmanuel Macron a bien honoré sa promesse de porter l’AAH au-dessus de 900 €. Son montant atteint aujourd’hui 903,6 €. Mais les deux premières années de forte revalorisation (+ 40 € en 2018 et + 40 € en 2019) ont été suivies d’années de vaches maigres. Au final, l’AAH n’aura donc progressé que de 11 % de 2017 à 2021. C’est certes plus que l’inflation (+ 6 %) mais pas à la hauteur des attentes suscitées.

Surtout, cette hausse s’est accompagnée de mesures surprises qui en ont réduit la portée. Notamment le gel du plafond de ressources y ouvrant droit pour les couples : de nombreux allocataires mariés, pacsés ou concubins n’ont donc pas profité de cette revalorisation, ou alors seulement en partie. De plus, la suppression du complément de ressources (179 €), versé en sus de l’AAH, pénalise les personnes les plus dépendantes.

Couples : un coup de pouce après un coup de ciseaux

Sophie Cluzel a dû batailler devant le Parlement pour éviter l’individualisation de l’AAH. © DR

La fin du quinquennat aura été tout aussi chaotique, avec le débat sur l’individualisation de l’AAH. Sophie Cluzel, la secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées, a dû justifier, à plusieurs reprises devant le Parlement en 2021, son refus de supprimer la prise en compte des revenus du conjoint pour le calcul de cette allocation. Une mesure qui aurait pourtant mis fin à la dépendance financière.

Pour faire passer la pilule, le Gouvernement a modifié le mode de calcul de l’AAH dans un sens plus favorable aux allocataires en couple. Mais pour nombre d’entre eux, le mode de calcul prévalant avant le gel du plafond, décidé en 2018, reste plus avantageux que celui mis en œuvre depuis le début de l’année. Le coup de pouce de 2022 n’est donc que le rattrapage au rabais du coup de ciseaux de 2018.

Accessibilité : le recul des droits

Sur l’accessibilité, le bilan du Gouvernement est sévèrement plombé par la loi Élan. Ce texte, adopté en 2018, abaisse de  100 % à 20 % la part des logements devant être entièrement accessibles aux personnes en fauteuil roulant dans les immeubles neufs. Un recul des droits dénoncé par plusieurs autorités indépendantes, comme le Défenseur des droits. En vain.

Sinon, pas grand-chose à signaler sur ce dossier délaissé. À part, la progression de l’accessibilité numérique… qui reste largement insuffisante.

Compensation : trop peu, trop tard

Depuis le 1er janvier 2021, les parents handicapés de jeunes enfants, allocataires de la PCH, peuvent bénéficier d’un forfait financier. (© Illustration Faire Face sur la base d’un dessin pch.Victor/freepik.com)

Et la compensation ? Depuis 2021, les parents handicapés peuvent bénéficier d’aides humaines et d’aides techniques pour s’occuper de leur(s) enfant(s). Mais les critères d’éligibilité à cette PCH parentalité sont trop restrictifs. Surtout, cette aide est forfaitaire, ce qui contrevient au principe d’individualisation de la prestation de compensation du handicap (PCH).

Par ailleurs, les tarifs de la PCH aide humaine ont enfin évolué, l’an passé. Une évolution nécessaire, alors que le secteur de l’aide à domicile peine à recruter. Mais les particuliers employeurs ont été oubliés. Et les tarifs des autres volets – aides techniques, aménagement du logement… – sont restés inchangés depuis 2006.

Éducation : les AESH toujours précaires

À l’école, l’Éducation nationale a continué à déployer des dispositifs favorisant l’inclusion scolaire : Ulis, Sessad… Le nombre d’enfants scolarisés en milieu ordinaire n’a jamais été aussi élevé. 400 000 contre 321 000 en 2017. Mais combien parmi eux ne sont scolarisés que quelques heures par semaine ? Ou dans une structure ne correspondant pas à leurs besoins ?

Surtout la réforme menée en 2019 n’a pas réglé le problème de la précarité des AESH. Ils doivent enchaîner deux CDD de trois années pour espérer bénéficier d’un CDI. Et les contrats, rémunérés au minimum, sont presque tous à temps partiel.

Emploi : moins de personnes handicapées au chômage

Le nombre de chômeurs handicapés inscrits à Pôle Emploi a diminué durant le quinquennat. © DR

Sur le marché de l’emploi, il y a du mieux. Le nombre de chômeurs en situation de handicap est – légèrement – à la baisse. Il est passé de plus de 500 000 en 2017 à 480 000 au dernier pointage en juin 2021.

Peut-être faut-il y voir un lien avec les nombreux chantiers menés sous la présidence d’Emmanuel Macron. Comme les changements de fond apportés à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. Ou bien la réforme des entreprises adaptées (EA). L’avenir le confirmera… ou pas.

MDPH : des droits à vie

Une réussite à souligner : la simplification des démarches administratives. Désormais, de nombreux droits (AAH, PCH…) peuvent être attribués à vie. Les délais de traitement dans les MDPH restent cependant exagérément longs, même s’ils ont légèrement baissé : 4,4 mois en moyenne fin 2021, contre 4,6 mois en 2019.

Citoyenneté : le droit de vote sans conditions

Enfin, le Gouvernement a rétabli le droit de vote sans conditions aux personnes sous tutelle. 100 000 qui en étaient jusqu’alors privées, vont pouvoir voter à l’élection présidentielle. Certaines pour la première fois.

Un difficile « en même temps » 

Faire évoluer l’offre médico-sociale : c’était l’une des grandes missions de Sophie Cluzel. « L’objectif est d’organiser une bascule rapide et d’ampleur au profit d’un accompagnement (…) en milieu ordinaire », précisait même la feuille de route, que lui avait adressée, l’ancien Premier ministre Édouard Philippe, en août 2017.

En clair, créer des places en services (Sessad, Samsah…) plutôt qu’en établissements (Fam, Mas…). Mais aussi favoriser l’émergence de logements où cohabitent quelques personnes handicapées, assistées par des professionnels. Ce qu’a fait le Gouvernement en créant le forfait habitat inclusif ou l’aide à la vie partagée.

Ce virage suscite toutefois quelques inquiétudes. Certains s’alarment qu’une inclusion à marche forcée ne soit préjudiciable aux personnes les plus dépendantes. Une transformation de l’offre médico-sociale n’est effectivement possible que si, dans le même temps, la société devient plus accessible. C’est cet « en même temps » qu’Emmanuel Macron a eu du mal à tenir, comme le démontre le recul de la loi ou le manque d’évolution de la PCH.

Comment 7 commentaires

Bonjour
Quid de la prime inflation de 100 euros, non perçue, pour les personnes qui n’ont comme SEUL ressources qu’ une rente d’incapacité (suite à un A.T), très inférieure au 2000 € requis pour, en principe, la percevoir ?
Aucune information (cpam, caf …) pour comprendre le pourquoi de ce non versement.
Si vous avez une réponse je suis preneur.
Merci. Yves

Bonjour, merci beaucoup pour votre réponse.
C’est malheureusement et dramatiquement ce que je crains également….
Que personne (responsable, association, politique etc…) n’ai pensé à inclure dans le dispositif les personnes en incapacités (respectant les critères) comme l’ont été celles en invalidités.
Cependant, si c’est le cas, qu’ un décideur me lit (ou qu’une âme bienveillante transfert cette question vers qui de droit), il n’est jamais trop tard pour corriger cette inégalité, non ?
A bon entendeur …. Merci.

On constatera dans cet article, alors même que le handicap et les aidants ont été gérés par Sophie Cluzel, que pas une fois ces derniers, et les mesurettes qui leurs ont été attribuées durant ce quinquennat, ne sont cités!

Comme si les aidants étaient indissociables du handicap!
Comme s’ils devaient rester dans l’ombre de leur proche!
Comme si l’APF n’avait pas accepté en COPIL avec Sophie Cluzel, toutes les mesures leurs étant défavorables!

Moi qui suis de nouveau demandeuse d’emploi depuis 3 mois, pour me réinsérer au sein du SAVS APF FRANCE HANDICAP car je suis réadhérente et Bénévole au sein d’APF FRANCE HANDICAP depuis 7 ans vu que j’ai 51 ans, vu que je n’ai pas d’emploi salarié et que je ne suis que Peintre, j’aimerais que l’AAH soit au dessus de 903 EUROS!

Vu que j’ai réussi une formation de Secrétaire Médicale avec une moyenne de 11,64 sur 20, j’espère pouvoir me réinsérer au sein du SAVS d’APF France Handicap et je suis de nouveau demandeur d’emploi depuis 3 mois.

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