Violences sexuelles : la Ciivise rend une copie incomplète sur les enfants handicapés

Publié le 31 mars 2022 par Franck Seuret
Le rapport intermédiaire de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants ne contient, par exemple, aucune préconisation sur le recrutement des professionnels travaillant en établissements accueillant des enfants en situation de handicap.

La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants vient de rendre un rapport d’étape. Dans ses préconisations, la Ciivise souligne la nécessité de prendre en compte les filles et les garçons en situation de handicap. Mais elle traite à peine des violences dans les établissements.

Cette fois, les filles et les garçons en situation de handicap n’ont pas été totalement oubliés. Il y a six mois, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), installée dans son format actuel en mars 2021*, lançait un appel à témoignages. Sans mentionner les mineurs en situation de handicap, ni même rendre totalement accessible son questionnaire en ligne, comme Faire-face.fr l’avait signalé.

Vingt préconisations de bon sens

Ce 31 mars, la Ciivise a rendu ses conclusions intermédiaires. En se basant, entre autres, sur quelque 10 000 témoignages recueillis. Son rapport contient vingt préconisations, regroupées autour de quatre axes : le repérage des enfants victimes, le traitement judiciaire, la réparation par le soin et l’indemnisation et, enfin, la prévention.

Ses membres recommandent notamment d’organiser un repérage systématique, via le questionnement par les médecins, instituteurs et institutrices… Mais aussi d’assurer la mise en œuvre effective à l’école des séances d’éducation à la vie affective et sexuelle. Ou bien encore de garantir que toute audition, au cours d’une enquête, d’un enfant victime soit réalisée par un professionnel formé à un protocole spécifique. Des préconisations qui tombent sous le sens, attendues de longue date.

Les enfants handicapés, victimes du déni

Certes, la Ciivise ne prévoit pas de mesures spécifiques pour les enfants en situation de handicap. Mais, à plusieurs reprises, elle rappelle leurs spécificités. Et notamment leur surexposition aux violences sexuelles.

Ils présentent en effet « un risque 2,9 fois plus élevé d’être victime de [telles] violences ». 4,6 fois, même, pour ceux ayant une maladie mentale ou une déficience intellectuelle. Une surexposition à laquelle s’ajoute un déni encore plus sévère que pour les autres enfants.

Il faut donc, entre autres, porter « une attention particulière (…) au repérage systématique des violences sexuelles commises contre les enfants handicapés ». D’autant plus que les signes du traumatisme sont « souvent interprétés à tort comme une conséquence du handicap ». Ce qui augmente le risque d’invisibiliser les violences.

Les établissements, angle mort du rapport

Le message, porté notamment par Marie Rabatel, qui siège au sein de la Ciivise, commence visiblement à passer. « Mais la Commission se focalise sur l’inceste au détriment des violences sexuelles commises en dehors de la famille, regrette la présidente de l’Association francophone des femmes autistes. Que ce soit en club de sport ou, pour les enfants handicapés, en établissementC’est le gros angle mort de ce travail. »

Et de regretter, par exemple, qu’il n’y ait aucune préconisation sur le recrutement des professionnels y travaillant. Comme la nécessité de rendre obligatoire la consultation du fichier des auteurs d’infraction sexuelle ou violente. Rien non plus sur la cohabitation, au sein des instituts médico-éducatifs, d’enfants et d’adultes maintenus au titre de l’amendement Creton.

La Commission va-t-elle rectifier le tir dans les prochains mois ? Après ce point d’étape, elle doit rendre ses conclusions finales dans le courant du premier semestre 2023.

* Adrien Taquet, le secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance, avait annoncé la création de cette Commission en août 2020. Élisabeth Guigou avait d’abord été nommée à sa tête, en décembre 2020. Mais l’ex-garde des Sceaux avait démissionné début janvier, car proche d’Olivier Duhamel, accusé d’inceste par sa belle-fille, Camille Kouchner.  

De nombreux témoins handicapés 

13 % des victimes ! C’est le pourcentage de personnes en situation de handicap parmi les 4 680 femmes et 630 hommes ayant répondu au questionnaire de la Ciivise. Un chiffre brut qui semble confirmer la réalité du phénomène. Sans en donner l’entière mesure.

Car, six mois après sa mise en ligne, le document n’est toujours pas disponible en version facile à lire et à comprendre… De plus, de nombreuses personnes ayant de sévères déficiences intellectuelles ne sont pas en capacité de témoigner. Leur parole reste donc inaudible.

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