Pauline Prévot, compositrice : « La musique me transporte complètement »

Publié le 4 avril 2022 par Claudine Colozzi
Pauline, 27 ans, a étudié au sein du Master musique appliquée aux arts visuels (MAAAV) où elle a appris la composition à l’image. © Kenia Sadoun

Atteinte d’infirmité motrice cérébrale, Pauline Prévot, 27 ans, a suivi de brillantes études supérieures à l’Université Lumière Lyon 2 et s’est spécialisée dans la composition musicale appliquée à l’image. Son lourd handicap ne l’a pas empêchée de suivre la voie qu’elle s’est choisie, soutenue par son entourage et ses professeurs. Cette jeune compositrice travaille actuellement sur un très court-métrage d’animation d’une école de Montréal et cherche de nouvelles collaborations.

« J’ai toujours aimé écouter de la musique. Ma mère chantait et faisait des spectacles. Mais vers 15-16 ans je me suis de plus en plus intéressée à ce domaine. Durant mon année de première, j’ai ainsi commencé à prendre des cours de musique assistée par ordinateur à l’École nationale de musique (ENM) de Villeurbanne pour apprendre la musique électronique. J’y suis restée cinq ans. J’ai aussi pris des cours de solfège.

Quand je compose, je suis concentrée sur ce que je fais et je ne pense à rien d’autre. »

J’ai vite réalisé que je voulais évoluer dans cet univers. La musique me transporte complètement. Quand je compose, je suis concentrée sur ce que je fais et je ne pense à rien d’autre. Sûrement comme beaucoup de compositeurs.

J’ai fait un stage dans un studio d’enregistrement. Au début, j’étais plutôt partie sur l’aspect ingénieur du son, mais j’ai vite été attirée par la composition. Après mon bac, direction la fac en Licence de musique et musicologie à Lyon 2, suivie d’un Master musique appliquée aux arts visuels (MAAAV). J’y ai appris la composition à l’image (courts-métrages, jeux vidéo, publicités, expositions…).

Une équipe pédagogique très attentive à mes besoins

J’ai fait mon mémoire sur le thème de l’évolution de la musique électronique dans les films de science-fiction, soutenu en visio en décembre 2020. L’équipe pédagogique m’a accordé un délai supplémentaire de trois mois pour le finir. Cela a représenté un travail conséquent de recherches documentaires, aussi bien en français qu’en anglais, et beaucoup de temps, car j’écris sur mon ordinateur avec un pied.

Toute l’équipe pédagogique a été attentive à mes besoins, essayant de me mettre dans les meilleures conditions possibles pour que je réussisse mes études supérieures. En licence, il y avait des unités d’enseignement basées sur le chant, discipline que je ne pouvais pas faire. En effet, je m’exprime via un tableau de communication ou une synthèse vocale sur mon téléphone. J’ai fait au mieux pour compenser ces cours sur mes bulletins universitaires.

Un outil de communication, une AVS, un preneur de notes

pauline compositrice et sa promo
Pauline lors de la remise des diplômes (à gauche). À droite, Samy un autre étudiant en situation de handicap.

De ma première au lycée à ma dernière année de fac, j’ai utilisé un outil de communication à commande oculaire, appelé Tobii, qui me permettait d’être plus autonome en cours. J’avais une auxiliaire de vie pour m’aider dans mes déplacements, pour le repas et les toilettes, et un preneur de notes pendant les cours. Il avait également fait le MAAAV quelques années plus tôt, et le responsable du master voulait s’assurer qu’il puisse continuer à m’accompagner durant ces deux années.

En quête de nouveaux projets

J’ai fait beaucoup de rencontres avec des étudiants d’écoles de films d’animation et de jeux vidéo dans l’objectif de trouver des projets. C’était compliqué d’échanger avec eux mais mon preneur de notes faisait son maximum pour engager les conversations et faire le lien. Au final, j’ai trouvé davantage de projets via des échanges à distance. Je ne parle pas de mon handicap et en général, la collaboration fonctionne mieux.

Aujourd’hui, je cherche de nouveaux projets de composition pour l’image. Je fais également de la musique pour moi, du côté de l’électro et de la techno, mon univers de prédilection. Pouvoir concilier les deux serait l’idéal. En ce moment, je travaille sur un très court-métrage d’animation d’une école de Montréal, avec qui je collabore depuis trois ans. J’essaie de vivre le plus normalement possible, même s’il y a des moments plus compliqués.

Un entourage bienveillant

Si j’en suis arrivée à faire ce qui me passionne, c’est grâce à beaucoup de personnes. En particulier, mes parents et ma sœur qui me soutiennent et m’aident depuis toujours. À l’âge de 3 ans, je suis rentrée au Centre d’éducation motrice Henry Gormand, à Écully (69), où j’ai reçu un enseignement pratiquement individualisé. En CM1 et CM2, j’ai été intégrée trois demi-journées par semaine en milieu ordinaire, et j’ai continué ma scolarité ainsi. Ensuite, je suis rentrée au collège-lycée Elie Vignal près de Lyon qui accueille des enfants malades ou en situation de handicap. J’ai passé mon bac en deux ans pour moins de fatigabilité, accompagnée d’un AVS. Tout au long de mon parcours, j’ai eu la chance de rencontrer des personnes formidables. »

Pour découvrir l’univers de Pauline Prévot :

 

« Un bel exemple d’inclusion »

Jean-Marc Serre, enseignant et directeur du Master musique appliquée aux arts visuels à l’Université Lyon 2.

« Pour que Pauline puisse étudier au sein du master MAAAV, nous lui avons créé une dix-septième place, en plus du recrutement habituel, car son profil était remarquable. Il faut savoir que je refuse une cinquantaine de candidats chaque année. Pauline a suivi intégralement tous les cours de notre formation avec parfois quelques aménagements, mais assez peu en définitive… Elle a rédigé un excellent mémoire, sans doute le meilleur de sa promo dans laquelle elle a évolué de manière exceptionnelle, soutenue par tous ses collègues. Sa présence a d’ailleurs été très souvent fédératrice. Un bel exemple d’inclusion. »

 

Comment 5 commentaires

La Mission Handicap de l’Université Lumière Lyon2 est très fière du parcours de Pauline. Nous avons eu le plaisir de l’accompagner pendant 5 ans et vous lui avez offert la chance d’intégrer le Master de son choix.
Quel beau parcours et quelle leçon de vie ! Bravo Pauline.

Bravo Pauline et très beau témoignage et à travers la Musique, le Handicap ne se voit pas et s’oublie.
C’est la même chose pour moi avec la Peinture et toutes activités artistiques que je pratique depuis 27 ans tout en côtoyant le milieu associatif depuis 26 ans et il m’arrive de signer mes oeuvres Pauline pour pouvoir renaître à travers l’art et la peinture vu qu’étant petite, j’ai été handicapée et troublée.

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