Handicap et Seconde Guerre mondiale : le documentaire La Faim des fous en accès libre sur faire-face.fr

Publié le 6 mai 2022 par Valérie Di Chiappari
Isabelle Gautier, en train de prendre connaissance du dossier médical de sa grand-mère dans les archives de l’Hôpital psychiatrique de Clermont-de-l'Oise. © La Faim des fous

Ce 8 mai, la France célèbre le 77e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Épisode passé sous silence de cette terrible période de l’Histoire : les 45 000 personnes handicapées mentales mortes de faim entre 1940 et 1945, dans la plus grande indifférence. Le journaliste Franck Seuret les a sorties de l’oubli dans son documentaire La Faim des fous, en 2018. Faire-face.fr vous propose de le visionner en accès libre.

Des proches en quête de vérité souhaitant comprendre ce qui est arrivé à leur grand-mère, grand-tante, grand-père, frère…. Des proches qui, au hasard de lettres ou de photos retrouvées, lèvent le voile sur un douloureux secret. Celui lié à la mort d’un membre de leur famille, en situation de handicap, interné dans un asile psychiatrique, entre 1940 et 1945. Et mort à cause du manque de nourriture, comme 45 000 personnes handicapées durant cette période.

Des histoires sous la chape de plomb de l’Histoire

Dans son documentaire, La Faim des fous, le journaliste Franck Seuret raconte leur histoire sur laquelle l’Histoire a posé une chape de plomb. En effet, fin 1940, Vichy a mis en place le rationnement alimentaire, dans toute la France. Y compris au sein des hôpitaux psychiatriques. Mais les calories auxquelles donnent droit les tickets ne suffisent pas à assurer les apports indispensables.

Pour pallier l’insuffisance de la ration, la plupart des Français parviennent à se procurer des vivres en plus, au marché noir notamment. Pas les internés, coupés de la société. Comme le souligne Isabelle von Buetzingsloewen, spécialiste de l’histoire de la santé publique et de la médicalisation du XVIIIe au XXe siècles : « Ces malades sont morts biologiquement entre 1940 et 1945 mais, socialement, ils étaient déjà morts avant la guerre. »

Hélène Guerrier, morte à l’Hôpital psychiatrique de Clermont-de-l’Oise en juin 1942. © La Faim des fous

Secrets de famille et quête de vérité

Il en est ainsi de Hélène Guerrier, la grand-mère d’Isabelle Gautier, fil rouge du récit. « Une chape de plomb énorme pesait sur cet épisode de la vie de famille », souligne celle qui épluche les archives de l’Hôpital psychiatrique de Clermont-de-l’Oise (60) où son aïeule est décédée en juin 1942. À cause du sévère rationnement. Le spectateur la suit consultant son dossier. Sa voix remplie de larmes lit un compte-rendu médical. « Toujours énervée à la distribution de pain. Réclame une part plus grande. Se lamente : “J’ai faim, j’ai faim.»

Michel Ballanger, lui, balaie du regard ce qui fût le cimetière de l’Hôpital de la Roche-sur-Yon (85), devenu un potager. Son frère, Gabriel, est enterré là, « quelque part ». Il ne sait pas où. Gabriel souffrait d’arriération mentale profonde. Ses parents l’ont alors placé en établissement par peur qu’il ne soit violent vis-à-vis de son petit frère Michel. Dix-sept ans les séparaient. Gabriel est mort de faim deux mois après son internement.

Lire aussi, l’interview de Franck Seuret, en amont de la réalisation de son documentaire : “Handicap et guerre 39-45 : La Faim des fous, un documentaire pour enfin se souvenir”

Des témoignages, des archives, des questionnements

Jeune femme, Hélène Guerrier a été lavandière à Paris. © La Faim des fous/Dessin de Jeanne Sterkers

La force de La Faim des fous tient à ces témoignages qui rendent vie à ces anonymes et expliquent un système que le psychiatre Max Lafont a qualifié « d’extermination douce » dans un livre éponyme. Mais également à ses choix filmiques et esthétiques. Notamment à cette façon de placer le spectateur face à face avec ses propres questionnements. Des secrets… n’en existent-ils pas, plus au moins lourds, dans toutes les familles ?

Sur ce pan d’histoire, peu d’images d’archives et très peu d’images familiales. Les magnifiques dessins d’illustration de Jeanne Sterkers pallient admirablement ce manque. Quant aux archives papier, elles jalonnent le documentaire, éclairées de chiffres et d’explications apportées par des historiens.

Hier, l’oubli. Et aujourd’hui ?

En décembre 2016, le président François Hollande a inauguré une plaque Place du Trocadéro, à Paris, pour ne plus les laisser dans l’oubli. La Faim des fous y contribue aussi et va plus loin. En invitant à réfléchir via un prisme plus large. Hier, l’oubli. Et aujourd’hui ? Quelle place notre société accorde-t-elle à celles et ceux qui vivent avec une différence ? Une question toujours d’actualité.

Un documentaire, des sélections, un prix

– 2019 : Festival Entr’2 Marches, , Cannes (06), Prix du documentaire

– 2019 : La 25e Image – Festival du film social , Aubervilliers (93), Sélection

– 2019 : Festival Psy de Lorquin , Lorquin (57), Sélection

– 2019 : Festival International du Film sur le Handicap – FIFH, Lyon (69), Sélection

– 2018 : Itinérances Festival Cinéma d’Alès , Alès (30), Sélection

 

Comment 2 commentaires

Je pense que ce documentaire devrait être vu à l’Assemblée nationale et aussi à par tous les candidats aux législatives (dont particulièrement l’équipes “zémourienne de Reconquête”).
Un grand Merci à Franck Seuret pour ce travail.

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