Charles Gardou, anthropologue : « Il est dommageable que notre société refoule sa vulnérabilité »

Publié le 19 juillet 2022 par Franck Seuret
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Pour l'auteur, la seule norme du vivant, c'est qu'il est dépourvu de normes. Il n'y a pas de personnes normales, mais des personnes normalisées qui, par construction culturelle, répondent à des critères. © DR
Avec La fragilité de source, Charles Gardou signe son livre le plus personnel. Ses réflexions anthropologiques, philosophiques et politiques sont nourries par la vie de sa fille, aujourd’hui quadragénaire, atteinte d’une maladie rare. Un ouvrage sensible et profond. Son interview est dans le magazine Faire Face de l'été. Faire Face : Dans ce livre qu'elle vous a pourtant inspiré, vous restez très discret sur les conditions de vie de votre fille… Charles Gardou : Si cet ouvrage n’est pas un témoignage, j’y conjugue cependant ma posture de père et celle d’universitaire. C’est la blessure native de ma fille qui a fait de moi un chercheur embarqué. Depuis sa naissance, son existence a inspiré mes travaux et mes engagements. J’essaie donc, au fil de ces pages, de marier l’intime d’une histoire singulière et l’immensité de l’universel qui la dépasse. FF : Êtes-vous parvenu à accepter sa maladie ? C.G : L’injonction faite aux parents d’accepter la maladie ou le handicap est dénuée de sens profond. Qui pourrait accepter que la vie soit fauchée dès même sa floraison ? On apprend, pas à pas, à vivre avec, en s’appliquant à chercher du sens par-delà l’apparent non-sens. C’est encore ma fille qui, plus que toute théorie, m’instruit sur la condition humaine et ses disparités. C’est ma dette envers elle. J’ai voulu lui offrir une voix, pour faire en sorte que sa vie empêchée soit, même modestement, utile au plus grand nombre.
Ce n’est pas la fragilité qui perdra les humains mais l’usage inconsidéré qu’ils font de leur force. »
FF : Une des idées fortes de La Fragilité de source, c’est de rappeler que l’humanité est, par essence, diversité. C.G : La seule norme du vivant est qu’il est dépourvu de normes. Il n’existe pas de personnes normales, seulement des personnes normalisées répondant, par construction culturelle, aux critères d’un prototype humain chimérique. Nous préférons...
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