Les entreprises adaptées encore loin de l’objectif des 80 000 salariés

Publié le 15 novembre 2022 par Franck Seuret
Les entreprises adaptées pointent « les considérables difficultés de recrutement ». Elles déplorent « un accompagnement insuffisant de Pôle emploi, de Cap emploi et des missions locales ».

« Des ambitions prometteuses mais des réformes inabouties » : un rapport sénatorial dresse le bilan mitigé de la politique de transformation des entreprises adaptées lancée en 2018. Le nombre d’emplois créés est largement inférieur aux objectifs. La crise sanitaire n’explique pas tout.

Le compte n’y est pas. En juillet 2018, l’État et les représentants des quelque 750 entreprises adaptées françaises signaient un accord visant à doubler les effectifs de ces dernières d’ici fin 2022. Cet engagement reposait à la fois sur une évolution du cadre réglementaire et sur une augmentation des moyens financiers publics. En trois ans et demi, le nombre de salariés est passé de 40 000 à 52 000, fin 2021. L’objectif des 80 000 n’est pas atteint.

« Les entreprises adaptées étaient loin d’être prêtes pour un tel changement d’échelle »

Certes, le Covid est passé par là. Mais « si la crise sanitaire a pu contribuer à la non-réalisation de cette ambition, elle ne saurait en être le principal et encore moins le seul facteur », note le sénateur Emmanuel Capus dans le rapport d’information qu’il vient de rendre public.

Il pointe aussi « les considérables difficultés de recrutement rencontrées par les entreprises adaptées ». Leur Union nationale, l’Unea, met en avant « un accompagnement insuffisant de Pôle emploi, de Cap emploi et des missions locales », rapporte-t-il. Faire-face.fr s’en était déjà fait l’écho.

Mais pour Emmanuel Capus, les raisons de cet échec sont plus profondes. « Manifestement, les entreprises adaptées étaient loin d’être prêtes pour un tel changement d’échelle. À plus forte raison, dans un contexte de transformation de leur modèle. »

Un objectif moins élevé de travailleurs handicapés

« Une transformation » basée, notamment, sur la diminution du seuil plancher de salariés reconnus travailleurs handicapés dans les effectifs de production. Avant la réforme, les entreprises adaptées étaient tenues d’en employer au moins 80 %. Depuis 2019, elles peuvent se limiter à 55 %. Objectif affiché : « accroître la mixité pour en faire des entreprises inclusives », pour reprendre les mots de Cyril Gayssot, président de l’Unea à l’époque.

Une augmentation de l’enveloppe budgétaire publique

Le mode de financement a également changé. Il n’y a plus d’incitation financière au recrutement de travailleurs handicapés au-delà de 75 % de l’effectif total. Mais l’enveloppe globale de fonds publics – principalement des aides aux postes occupés par des travailleurs handicapés – a augmenté pour atteindre 411 millions d’euros en 2021 (+ 5 % par rapport à 2018).

Trois expérimentations autorisées

Enfin, les entreprises adaptées ont été autorisées à lancer trois expérimentations. Deux seulement ont vu le jour. Les contrats à durée déterminée de 24 mois tremplin (CDD) offrent un parcours de  formation débouchant, autant que possible, sur un poste en milieu ordinaire. Par ailleurs, des entreprises adaptées de travail temporaire, les EATT, peuvent désormais proposer des missions d’intérim.

Mais le nombre de travailleurs handicapés reste stable

Au final, c’est sur l’objectif mixité que les entreprises adaptées ont avancé le plus rapidement. Sur les 52 000 emplois équivalent temps plein (ETP) existants fin 2021, près de 15 000 (25 %) sont occupés par des salariés qui ne sont pas éligibles aux aides aux postes.

Selon Emmanuel Capus, le nombre de travailleurs handicapés, lui, est resté stable, autour de 37 000 (ETP). Là, en revanche, l’échec est patent puisque, dans certaines communications, l’Unea avançait même que les 40 000 nouveaux emplois seraient destinés à des travailleurs handicapés.

Les CDD tremplin peinent à décoller

Quant aux CDD tremplin, le nombre est resté très limité. À peine plus de 1 000 en 2021. Et « le taux de sortie en emploi durable » plafonnerait à 9 %, selon le Sénat. Bien en dessous de l’objectif des 30 %. Par ailleurs, seuls 19 EATT ont vu le jour pour 92 ETP. Le projet de loi de finances 2023, en cours d’adoption, devrait prolonger ces deux expérimentations d’une année. Jusque fin 2023.

Pour Emmanuel Capus, une conclusion s’impose. « Force est de constater que les réformes engagées depuis maintenant près de quatre ans sont à ce jour inabouties. »

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