Frédéric Zeitoun : « Nous vivons dans un pays qui assiste au lieu d’inclure »

Publié le 15 décembre 2022 par Claudine Colozzi
Frédéric Zeitoun est parolier pour de nombreux artistes, mais il chante aussi ses propres chansons sur scène. © Bruno Tocaben

Chroniqueur dans l’émission Télématin sur France 2 depuis 1998, parolier, chanteur, Frédéric Zeitoun, 61 ans, paraplégique, se raconte avec humour et émotion dans une autobiographie* jalonnée des textes de quelques-unes de ses chansons. Un livre qui dégage une belle vitalité, une énergie optimiste et distribue aussi quelques coups de gueule bien sentis.

Faire-face.fr : Vous dédiez votre livre Fauteuil d’artiste à vos parents Dolly et Henri qui ont joué un rôle majeur, notamment dans la façon dont ils ont fait valoir vos droits à l’éducation. Quel regard portez-vous sur eux avec le recul ?

Frédéric Zeitoun : L’annonce de ce spina bifida à ma naissance leur a été insupportable. Ils vivaient tranquillement et là, ils ont dû prendre des décisions radicales, déménager de Tunis pour venir s’installer en banlieue parisienne. Ils se sont vite dit : notre fils est handicapé mais ça ne doit l’empêcher en rien de vivre sa vie. Mes parents n’ont pas capitulé face au handicap. Comme ils n’avaient pas fait de longues études, pour eux, l’éducation et le savoir étaient la seule issue possible.

Convaincre ses parents de le laisser s’envoler

F-f.fr : C’est pour eux que vous avez écrit ce livre ?

F.Z : Comme je dis toujours, les chansons meurent quand on ne les chante plus. De même, les personnes meurent quand on ne les évoque plus. J’avais envie de rendre hommage à mes parents et aussi de transmettre quelque chose à mon fils Simon, qui a 15 ans. Peut-être qu’aujourd’hui, c’est trop tôt, mais dans quelques années, il sera sans doute heureux de cette démarche.

Au sortir de l’adolescence, en 1977, L’Homme qui marchait dans sa tête de Patrick Segal est un livre qui a beaucoup compté pour moi. Il m’a aidé à convaincre mes parents de me laisser m’envoler. Si cet ouvrage peut aider une personne à oser se lancer dans la vie, j’aurai gagné mon pari.

Le vivre ensemble dont on nous rebat les oreilles, ce ne sont que des mots, des formules marketing. »

F-f.fr : Dans une de vos chansons Comme tout le monde, vous écrivez « sous mon masque de clown, mes rires de cartoons ». Vous avez essayé de nier votre handicap, de jouer à être quelqu’un d’autre ?

F.Z : Dans ma jeunesse, j’étais mal dans ma peau. J’ai peut-être essayé de « nier mes différences comme on nie l’évidence », comme je l’écris aussi. Mais avec les années, les rencontres, je pense qu’on finit par se trouver. Ce n’est pas forcément lié au handicap.

Déplorer le manque de volonté politique et de considération envers les personnes handicapées

F-f.fr : Vous écrivez que les personnes en situation de handicap sont « les invisibles du PAF ». Ça n’a donc pas beaucoup bougé depuis l’épisode de ce radio-crochet à la fin des années 1970 où l’on vous téléphone pour vous demander de ne pas apparaître en fauteuil roulant, car la direction craint que « [votre] handicap puisse focaliser les regards et fausser les jugements » ?

F.Z : La société en règle générale n’a pas beaucoup bougé. Nous vivons dans un pays qui assiste au lieu d’inclure. Le vivre ensemble dont on nous rebat les oreilles, ce ne sont que des mots, des formules marketing. Les solutions réelles ne sont pas trouvées pour favoriser l’emploi des personnes en situation de handicap, l’accessibilité des lieux. Il y a un réel manque de volonté politique.

Je trouve ça fondamentalement injuste et méprisant. Donc, dès que je peux, je prends la parole pour dénoncer ce manque de considération à l’égard des personnes en situation de handicap. Les établissements qui n’ont pas de toilettes accessibles aux PMR sous prétexte que « des gens comme vous on n’en voit pas ! ». Les ascenseurs des salles de spectacle en panne depuis des mois où un pompier est obligé de me porter quand je suis en tournage pour Télématin, je trouve cela scandaleux !

* Fauteuil d’artiste, Frédéric Zeitoun, éd. de L’Archipel, 240 p., 20 €.

Comment 3 commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site est protégé par reCAPTCHA et la Politique de Confidentialité de Google et l'application des Conditions d'Utilisation.