Une autre lecture des troubles psychiques est possible

Publié le 16 janvier 2023 par Corinne Manoury
Non, la schizophrénie n'est pas un dédoublement de la personnalité. Pas plus que les femmes sont hystériques. En revanche, la dépression est une vraie maladie.

La santé mentale, un problème de riches. “Schizophrène”, “autiste” ou “psychopathe” utilisés à tort et à travers pour moquer ou disqualifier. Les psys, pas des vrais médecins, les médicaments qui rendraient accro… En quelque 250 pages, En finir avec les idées fausses sur la psychiatrie et la santé mentale, dynamite 70 clichés et mythes. Pour proposer des visions alternatives, comme l’explique Astrid Chevance, psychiatre, historienne et épidémiologiste qui a dirigé cet ouvrage collectif.

Faire-face.fr : Ce lundi, le troisième du mois de janvier est qualifié de “Blue monday”, parce qu’il serait le jour le plus déprimant de l’année. Encore un cliché ?

Astrid Chevance : Cette expression renvoie surtout à la question de ce qui sépare le normal du pathologique. Nos humeurs, nos émotions fluctuent au fil des saisons. En janvier, lorsque les fêtes sont passées et le printemps encore loin, nous pouvons logiquement nous sentir fatigués, moins motivés…

Un simple coup de blues. Mais que nous exprimons avec des mots qui, tous, appartiennent au champs lexical de la dépression. Or, en psychiatrie, ils recouvrent une autre réalité. Celle d’un trouble de l’humeur touchant 300 millions de personnes dans le monde. La dépression, aujourd’hui troisième cause de handicap, pourrait même, selon l’OMS, arriver en première position à l’horizon 2030.

F-f.fr : Qu’est-ce qui distingue alors la petite déprime du lundi de la dépression ?

A. C. : Deux hypothèses cohabitent : celle d’un continuum avec l’expérience normale et celle d’un saut qualitatif. La dépression se caractérise-t-elle par une disruption dans le cortège de symptômes éprouvés par la personne ? Fatigue, perte de plaisir… Ou est-ce juste une expérience plus intense et plus longue ?

Même plus l’espoir d’avoir de l’espoir

Ce qui est certain, c’est que la dépression bloque dans une unique modalité d’être où il n’y a même plus l’espoir d’avoir de l’espoir. Les personnes ont le sentiment d’avoir découvert le sens profond de la vie, son absurdité… Penser que cette perception est modifiable nécessite un traitement. Mais il est d’autant plus difficile à mettre en place que les personnes en dépression ne se croient pas malades.

F-f.fr : Parce que c’est souvent interprété comme un manque de volonté ?

A. C. : Oui, alors que, par exemple, le fait de rester allongé sans rien faire, n’est ni confortable ni reposant. Outre le fait de se secouer, l’entourage conseille aussi souvent de se distraire, de voir des amis… Or, lorsque l’on est en dépression, rien ne peut divertir, on est comme imperméable à l’environnement. Partager le vécu d’une personne déprimée, comme nous l’avons fait dans la petite vidéo Et toi, ça va ?, permet d’être attentif aux signes de la dépression, de mieux comprendre.

Devenir psychiatre, c’est aussi apprendre à voir ça. À déceler les vulnérabilités, certaines dysfonctions très fines. Si on décide d’exposer quelqu’un à un traitement, il faut que ce soit pour de bonnes raisons. Qu’on pense qu’il a de sérieuses chances de marcher pour telle personne.

F-f.fr : Cet ouvrage collectif montre comment les idées reçues stigmatisent ou au contraire, banalisent. Pourquoi la santé mentale véhicule-t-elle autant de préjugés ?

A. C. : Sans doute parce que d’un point de vue historique, nous sommes encore peu avancés dans nos connaissances sur les troubles psychiques. Si l’on s’intéresse aux recherches de Charcot sur l’hystérie au 19e siècle, on se rend compte qu’il y avait certainement de l’épilepsie, de la schizophrénie dans ce qu’il a observé.

Plus on comprend les maladies, mieux on sait les soigner, plus les préjugés et les tabous peuvent tomber. Nous avons connu la même chose avec le Sida. Dans les années 70-80, de nombreuses idées fausses circulaient. Notamment sur les modes de contagion.

Un diagnostic pour reprendre le cours de sa vie

Le diagnostic d’un trouble psychiatrique sonne encore comme le début de la fin. Alors que mettre une étiquette sur des symptômes peut aider à reprendre le cours de sa vie, de mieux participer à la vie sociale, en allant à l’école, en travaillant, etc.

F-f.fr : La méfiance envers les psys et les traitements est également soulignée…

A.C : Oui, parce que c’est un cercle vicieux. Plus on a peur des troubles, moins on s’en saisit. Alors qu’il faudrait développer de nouveaux médicaments, de nouvelles psychothérapies, la neurostimulation, etc. Or, la stigmatisation de la psychiatrie freine cette innovation.

La luminothérapie, par exemple, donne de bons résultats sur la dépression saisonnière. La médecine du sommeil dégage également des pistes de traitement intéressantes. Et si le cerveau est très impliqué dans les maladies mentales, il est aussi possible de s’intéresser au système immunitaire, au microbiote.

Acquérir une culture de la maladie chronique

De nombreuses disciplines peuvent collaborer pour mettre au point de nouvelles thérapies. Il nous faut aussi et surtout, acquérir une culture de la maladie chronique. Ne pas raisonner seulement en termes de crise et donc, mieux penser les parcours de soins.

F-f.fr : Le handicap psychique n’est reconnu que depuis 2005 et la PCH s’étend aux personnes concernées seulement depuis le début de cette année 2023. Comment l’expliquez-vous ?

A.C : De la même façon que les troubles sont déniés et invisibilisés, le handicap psychique l’est aussi. Troubles comme handicap restent souvent lus de prime abord comme des déviances sociales. Esprit de contradiction ou paresse, les personnes feraient exprès de contrevenir aux normes. Elles sont soupçonnées de rechercher des bénéfices secondaires, parfois même de mentir ou d’abuser de l’argent public.

Penser que l’autre n’est pas malade, lorsqu’il est atteint d’une pathologie sans cause clairement identifiée, c’est se rendre aveugle à sa souffrance. C’est aussi dénier à la médecine la légitimité de soigner, et au handicap la possibilité d’être compensé.

En finir avec les idées fausses sur la psychiatrie et la santé mentale, sous la direction d’Astrid Chevance, Les éd.  l’atelier, 12,50 €.

Comment 7 commentaires

Quand je sais avec du recul que lorsque j’étais en dépression… mais que je ne voulais absolument pas prendre de médicaments pourtant mon médecin me l’avait proposé….. j’étais en plein dans les problème du genre en mesure d’expulsion.le 21/09/2021 j’ai été expulsé avec ma fille de 19a.je n’avait pas le choix de bouger au lieu de rester a rien faire suite à ma dépression.ma fille est allé chez son père et pendant 10mois j’étais en errance avec des rdv a droite et à gauche pour essayer d’avoir de l’aide pour un hébergement par les services sociaux ou autres la journée j’étais avec ma fille pour les démarches et c’est à ce moment que je bougeais,voyais des personnes des administrations et je sais pas mais la ma dépression s’était mise en stand bye.Meme ma fille m’a dit un jour je cite”on dirait pas pas que tu es SDF car je blaguais.on aurait dit que je prenais ce problème a la légère.mais pas du tout je lui est répondu”penses tu que si je fais la Tronche ou que je pleure l’administration me donnera 1appartement , pourtant j’ai dormi dans des compteurs dans les immeubles ou dans des voitures avec 1 SDF.etant au RSA ya qu’au début du mois que l’on argent partait dans les chambres d’hôtels .je n’étais pas prioritaire j’étais en bas d’une liste tres longue .un jour je me suis dit j’arrête ces rdv qu’il me donne pour du vent.Lorsque ma fille a commencé son taf elle a trouvé un studio mais pas question qu’elle payait pour mois il fallait donner 470e le loyer 390e le deuxième loyer et 390 la caution elle l’as mise à son nom et chacun on a payait pour le prendre ma fille a versé 470e mois le deuxième loyer 390e et elle a eu droit pour la caution l’aide visal.et le 1juin 2022 on a pu rentre dans ce studio.Tout ceci pour dire que ma dépression n’était pas guerrie.la je suis dans le studio cela fais 8mois et c’est comme ci cette maladie c’était mise de côté par obligation pour que je bouge maintenant je suis revenue au point de départ je suis inactive a ruminer je ne sors pas sauf obligation,en fait quand j’étais SDF je n’étais pas guerrie.c.Et sincèrement j’en ai assez d’être d’en cette état car le pire c’est lorsque la fille est là je fais semblant que tout roule je souris je lui ments et je pense qu’elle mérite pas ça le mensonge ect .. j’aurais 56a le 24 janvier et j’ai décidé d’aller voir 1psycologue car je ne veux toujours pas de médocs.ce qui me fait le plus peur car je sais que la psy va aller au plus profond quitte à me pousser dans mes retranchements et comme j’ai eu une vie assez chaotique ça me fait peur de revivre tout ce que j’ai occulté et qui m’empêche de vivre et de m’épanouir

Passionnée par le sujet étant moi même concernée depuis longtemps j’ai trouvé cet article plus qu’intéressant..
Merci.
Joëlle Blanchet.

Ayant vécu 2 dépressions graves je trouve parfaites les paroles du témoin dépressif. Il est impossible de savoir ce que peut ressentir un dépressif si on ne l’a pas vécu. C’est au delà de liimaginable parfois….

Les domaines de la psychiatrie m intéressent j ai un frère diagnostiqué schizophréne , il est dans un FAM et sous tutelle, et un fils sous antipsychotique, anxiolitique et antidépresseur , les psychiatres ont émis la bipolarité, la schizophrénie ou autres. J ai bientôt 66 ans et je le porte ” à bout de bras” les structures et les encadrants dont les psychiatres sont decevants et inefficaces. C est criant , honteux et les aidants en souffrent cruellement

La dépression est en effet une véritable maladie.
Mais attention en France, on a tendance à pathologiser donc psychiatriser toutes émotions et comportements. Cela amène à des abus, à des erreurs de diagnostics et des précriptions de médicaments abusives et systématiques avec des effets indésirables considérables qui peuvent faire plus de mal que de bien et chronociser les “troubles”.
Le soin passe surtout par une thérapie.
Cet avis n’engage que moi, mais concernée par le problème. Au bout de 23 ans de délivrance de psychotropes sans remise en doute par le milieu médical, j’ai décidé de tout sevrer progressivement et je ne me suis jamais sentie aussi bien…

Ayant été abusée à 11 ans, rien n’a été fait durant plus de 2 ans et j’ai commencé à me faire du mal et à être très agressive avec mes proches.
Donc on m’a fait enfermer en psychiatrie à 16 ans,avec tout les traitements et camisoles chimique qui vont avec.
Je suis sortie seule de cet enfer à 24 ans et j’ai gardé les traitements lourds pendant longtemps.
Opérée du cœur à 27 ans, j’ai réussi peu à peu à adopter un traitement antidépresseurs et anxiolytiques jusqu’à 40 ans.
Aujourd’hui je ne prends plus rien.
J’ai un enfant et je vis seule.
Les entres lignes sont nombreux et très douloureux.
Les traitements ont modifié toute la perspective de la vie que j’aurai pu avoir, au vue de mes relations sociales.
Ça a été plus que destructeur.
Je continue à garder espoir en me disant que je vais bien réussir à faire quelque chose de ma vie, qui me plaira réellement.
( À part mon enfant) tout me déçoit…Les gens surtout… Les préjugés, les non-dits, mensonges Etc

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