« La fin de vie n’est pas un sujet tabou dans notre famille »

Publié le 17 mars 2023 par Emma Lepic
Le père de François Meroth avait laissé des directives anticipées dans lesquelles il demandait l’arrêt des soins en cas de graves difficultés de vie après un accident ou une maladie. En revanche, Max, le fils de François, lui aussi accidenté, n'avait rien écrit à ce sujet.

À 55 ans, François Meroth a déjà été confronté trois fois à la question de la fin de vie d’un proche. Celle de son père à deux reprises, en 2004 et 2008, puis celle de son fils, alors âgé de 19 ans, en 2021. Son père, Suisse, avait laissé des directives anticipées. Mais pour son fils, qui réapprend à vivre différemment après un grave accident de vélo, il a dû se prononcer après un diagnostic « peu encourageant ».

Dans la famille Meroth, le vélo c’est une passion. Mais aussi la cause de graves accidents de la vie et de questionnements sur sa fin. En 2004, une voiture renverse le père de François, juché sur son deux-roues. Il a laissé ses directives anticipées : il demande l’arrêt des soins en cas de graves difficultés de vie après un accident ou une maladie. « Il était hospitalisé à Genève. Le chirurgien n’était pas opposé à une euthanasie active. Mais il m’a donné vingt minutes pour me décider. Après, mon père serait mort. Fallait-il l’opérer ou le laisser partir ? »

Se sentir « salaud »

François Meroth, fils unique et adoptif, interroge le médecin sur les séquelles que va conserver son père de son traumatisme crânien. Réponse : il pourra marcher et parler. Il décide alors de le faire opérer. Ce père, jadis ingénieur de haut niveau, a perdu presque toutes ses facultés physiques et cognitives. Il sombre en dépression, au point de séjourner en hôpital psychiatrique à deux reprises.

« Pour lui c’était cauchemardesque. Mais je ne regrette pas mon choix parce que pendant quatre ans, j’ai pu lui apporter de l’amour, des gestes, de l’attention. Ce que je ne lui avais jamais accordé. » Quatre ans plus tard, alors qu’il conviendrait de poser une sonde gastrique à son père, cette fois, François Meroth refuse. Son état a empiré. Il convainc alors sa mère que c’est le moment de le laisser s’en aller : « Je me sentais salaud de demander la mort de quelqu’un. Mais en même temps, j’ai pu lui faire mes adieux, le remercier. »

Les directives anticipées, pour aider les autres

Le 14 mai 2021, la question de la fin de vie frappe à nouveau à la porte de la conscience de François Meroth. Il reçoit « ce coup de fil affreux » lui annonçant que son fils Max, 19 ans, est tombé à vélo. Traumatisé crânien, il a aussi une lésion médullaire haute. Le diagnostic se révèle inquiétant. « Je ne voulais pas que mon fils vive à tout prix. » Mais l’équipe médicale de l’hôpital de Nîmes lui explique que la question ne se pose pas dans ces termes, que Max ne risque pas de mourir.

« Le corps de Max est abîmé, il est paraplégique. Mais sa tête va bien. La vie continue ! Dans les deux cas, j’ai dû prendre la décision sans l’avis de la personne concernée, car mon père était inconscient à ce moment-là. Reste qu’il est important de dire ce que l’on veut. Cela aide les autres. Je ne regrette aucun de mes choix. »

« La fin de vie n’est pas un sujet tabou dans notre famille. » Le père de François en parlait souvent, lui-même l’a aussi fait régulièrement avec ses enfants, Léo et Max. Il a rédigé ses directives anticipées et réclame qu’on ne poursuive pas les soins en cas d’importante détérioration de son état de santé. « Chez nous, on ne met pas la vie au-dessus de tout. J’aimerais rester maître de la situation et voir les choses arriver. Mais cela reste théorique pour soi. On ne décide qu’une fois… »

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